Citations sur Les heures (65)
C'est sans doute ça être un fantôme. C'est un peu comme lire, n'est-ce pas - avoir la sensation de connaitre les gens, les décors, les situations, sans jouer de rôle particulier, excepté celui de l'observateur attentif.
Mrs Dalloway dit qu’elle se chargerait d’acheter les fleurs.Car Lucy avait bien assez de pain sur la planche. Il fallait sortir les portes de leurs gonds; les serveurs de Rumpelmayer allaient arriver. Et quelle matinée, pensa Clarissa Dalloway: toute fraîche, un cadeau pour des enfants sur la plage. Laura Brow essaie de se perdre. Non, ce n’est pas tout à fait exact - elle essaie de rester elle-même en gagnant l’entrée d’un monde parallèle. Elle pose le livre ouvert contre sa poitrine. Déjà sa chambre (non, leur chambre) paraît plus habitée, plus réelle, parce qu’un personnage du nom de Mrs Dalloway est sorti acheter des fleurs.
La scène entière occupe le pont, résonne à travers les pierres et le bois, et pénètre le corps de Virginia. Son visage, pressé de profil contre le pilier, absorbe tout : le camion et les soldats, la mère et l'enfant.
"But there are still the hours, aren't there? One and then another, and you get through that one and then, my god, there's another."
Elle regarde le réveil sur la table. Presque deux heures se sont écoulées. Elle se sent toujours forte, sachant pourtant que demain elle relira peut-être son travail d'aujourd'hui et le trouvera sans matière, creux. On a en permanence en soi un meilleur livre que ce que l'on parvient à coucher sur le papier.
Il reste à acheter les fleurs. [... ]
La porte du vestibule s'ouvre sur une matinée de juin si pure, si belle que Clarissa s'immobilise sur le seuil ainsi qu'elle le ferait au bord d'une piscine, regardant l'eau turquoise lécher la margelle,dans les profondeurs bleutées. Et, comme si elle se tenait debout au bord d'une piscine, elle retarde un instant le plongeon, l'étau subit du froid, le choc de l'immersion. New York, avec son vacarme [...]
Mais reste toujours les heures, n'est-ce pas ? Une heure et puis une autre, et il faut passer celle-ci et puis, oh mon Dieu, en voilà une autre. Je suis si malade.
Elle aimerait lui dire quelque chose, quelque chose d'important, et elle ne trouve pas les mots. "Je t'aime" est plutôt facile. "Je t'aime" est devenu presque banal. (...)
Elle a envie de dire quelque chose de plus, quelque chose qui aille au-delà de la gentillesse et du réconfort, au-delà même de la passion. Ce quelle voudrait dire lui est inspiré par tous ceux qui sont morts; par le sentiment d'avoir une chance extraordinaire et la crainte d'une perte imminente, dévastatrice.(...)
Ce qu'elle voudrait dire concerne la félicité et également la peur constante, envahissante, qui est l'autre face de cette félicité.
"“I remember one morning getting up at dawn. There was such a sense of possibility. You know, that feeling. And I... I remember thinking to myself: So this is the beginning of happiness, this is where it starts. And of course there will always be more...never occurred to me it wasn't the beginning. It was happiness. It was the moment, right then.”
Elle songe à la façon dont les défunts restent toute la nuit dans leur tombe, après que les parents et amis ont récité leurs prières, déposé leurs couronnes, et s'en sont retournés au village.
Après que les roues ont fini de rouler sur la bous séchée du chemin, une fois les repas du soir avalés et les courtepointes retirées ; lorsque tout a cessé, les tombes restent, leurs fleurs à peine agitées par le vent.
C'est effrayant mais pas désagréable cette impression de cimetière.