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Qui n'a pas été impressionné de voir des gorilles attraper leur maître par les bras, et mettre en œuvre un véritable code de signes linguistiques pour communiquer avec lui ! Il ne s'agit pas de performances intellectuelles médiocres, au contraire : certains chimpanzés parviennent à utiliser presque complètement les trois cents signes de l'ASL (American Sign Language); ils réussissent même des associations entre ces signes pour composer des véritables phrases. Je crois savoir que beaucoup d'hommes politiques font carrière avec moins que cela...
Aucun être vivant non-homme ne peut transmettre une information en référence à un événement totalement absent. Ce qui stimule la communication doit être proche dans le temps et dans l'espace. Aucun pinson ne peut chanter la chanson du pinson français qui a chassé le pinson anglais de Normandie. Les pinsons n'ont pas d'histoire, même s'ils se développent bien, et que leurs chants sont étonnamment riches en infor mations variées.
Si vous pensez que l'inné prédomine, cela signifie que vous tenez l'homme pour soumis à la loi de l'univers, en l'occurrence à la loi des chromosomes... Et comme il règne une certaine inégalité parmi les hommes, vous l'expliquez par l'inégalité desdits chromosomes. Si au contraire vous avez l'idée que c'est le milieu, ou, comme on dit aujourd'hui, l'environnement qui est déterminant, vous < dématérialisez > ou, en tout cas, vous < débiologisez > l'homme. Du coup, vous pensez qu'en modifiant le milieu vous pouvez changer l'inégalité entre les hommes, voire l'homme lui-même pour l'améliorer. Cette représentation vous engage socialement: vous manifestez, vous luttez...
Pourtant désormais, l'animal en l'homme ne renvoie plus à quelque au-delà mystérieux, il « est » sa folie, à l'état de nature. Lautréamont (1846-1870), après Emmanuel Kant (1724-1804), témoignera encore de la force de cette conviction occidentale, d'origine chrétienne : l'animal appartient à la contre-nature, à une négativité qui met en péril, par sa bestialité, l'ordre et la sagesse supposée de la nature, à commencer par celle de l'homme.
Je savais que pour donner à l'enfant le désir de communiquer, mais aussi de boire et de manger, il faut qu'il y ait une présence affectueuse maternelle ou maternante (s'il s'agit du père).
Le langage ne commence à apparaître que sur la base d'un ensemble comportemental désignatif, lequel suppose une maturation biologique déterminée, et s'instaure non dans un face à face de l'enfant avec la chose qu'il désigne mais à la faveur d'une double référence affective à la chose et à la personne d'attachement. Et c'est ains que la chose peut devenir < objet> de désignation ; thème d'une vocalisation qui accompagne régulièrement le pointer du doigt.