**Qu'est-ce qu'il y a dans ta tête, dans ta tête, zombie, zombie, zombie, hi, hi, hi ? Cette (honteuse) traduction personnelle du questionnement de Dolores O'Riordan trouvera quelques éléments de réponse dans l'ouvrage dystopique de
Kévin D. Santos, qui propose à vos regards réjouis et sadiques d'innombrables craniectomies plutôt indélicates sur des sujets mort-vivants, entre démence latente et soubresauts d'espoir incurable. **
*La quatrième de couverture lapidaire reflète l'ensemble du roman, dans l'écriture comme dans le récit : c'est pas le moment de gamberger des hexamètres dactyliques, bande de poigraillons, comme le beuglait mon adjudant-chef, dans une scansion des plus admirables au demeurant. L'intrigue et le style sont sans fioritures, simples et efficaces, et surtout directs comme une Rangers dans les molaires. Ce parti pris sert d'ailleurs le sentiment d'urgence qui se diffuse dans tout le livre, associé à une construction rythmique très entraînante, fluide, qui propose des séquences effrénées de péripéties, presque suffocantes, interrompues par quelques moments de répit, pour les personnages comme pour le lecteur.
*Cette cadence, cet effet de syncope est l'une des plus grandes forces de ce premier tome, avec le souci de réalisme qu'on retrouve à chaque page. Les réactions des personnages et leurs choix, comme l'enchaînement des événements obéissent à une logique certaine qui permet l'immersion du lecteur dans ce monde ravagé par de charmantes créatures.
*Des zombies, donc, la plèbe de la société morte-vivante, les bas-fonds gluants du consortium des revenants, ont envahi la planète. Si leurs assauts ne se font pas attendre, la figure de ces créatures prend surtout corps à travers les sentiments et les hypothèses des personnages.
*Ce Projet Zéro ne propose pas de véritable originalité autour de ce célèbre monstre en décomposition. On retrouve les repères classiques mis en place par le cinéma de genre, la batte de base-ball, le supermarché, l'indispensable pulvérisation encéphalique, les toilettes publiques et jusqu'à l'inéluctable infection d'un allié.
À tel point d'ailleurs que je pourrais presque soupçonner que ce côté très conventionnel est volontairement accentué. Les personnages eux-mêmes se demandent à d'innombrables reprises s'ils n'ont pas atterri dans un film. Quoiqu'il en soit, cette banalité ne m'a pas gênée ; elle a d'une part quelque chose de familier, et d'autre part, les oeuvres qui mettent en scène des zombies s'en servent la plupart du temps comme prétexte, simple support de la réflexion du créateur.
*Et il est vrai ici que la masse grouillante et bavante de morts-vivants s'efface assez régulièrement, au profit notamment du personnage principal, Ethan. Si ceux qui l'entourent souffrent d'un léger manque de consistance, lui est un héros bien construit, pas vraiment exceptionnel, avec ses doutes et ses motivations, et qui évolue au fil de l'intrigue. Tous bénéficient de dialogues pertinents et qui sonnent juste.
*Plongés dans une ambiance de violence insane et de paranoïa rampante, rien ne leur sera épargné. L'auteur leur assène quantité de coups du sort avec une régularité et une férocité qu'aurait applaudies mon adjudant-chef. Des lois de la mécanique jusqu'à la météo, tout joue contre ces malheureux survivants, qui errent dans une tension permanente, surchargés d'objectifs en perpétuelle mutations et d'enjeux multiples. L'unique raison de leur survie se dessine en filigrane :
*La rencontre avec d'autres groupes humains (que je ne vous divulgâcherai pas) permet l'élargissement de cette question d'une persistance envers et contre tout. Que faire, pourquoi faire, comment faire, dans un univers anéanti ?
L'épilogue du roman amplifie encore le spectre des points de vue, et esquisse une intrigue bien différente pour le tome suivant.
**Conclusion :**
Si on ne sait toujours pas ce qu'il y a dans ta tête, dans ta tête, zombie, zombie, zombie, hi, hi, hi, au moins dans le Projet Zéro, t1 : le nouveau monde, il y a du bon vieux mort-vivant putride sans surprise comme je l'aime, avec les gerbes de sang qui vont bien, quelques fautes d'orthographe qui piquent un peu, un rythme haletant et un héros sympathique, pour une lecture agréable que je poursuivrai sur le second opus.
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