«
De pareils tigres »
Jean Marie Dallet
Lecteurs accrochez-vous. le début de ce roman n'a rien d'engageant tant il est difficile d' en comprendre le sujet.
Cela commence par les dialogues alternés de deux frères -marins de leur état- Joseph et Alexandre Rorique. L'incipit écrit au présent comme le veut cette détestable mode actuelle m'a quelque peu refroidi. Suivent, inattendues, les interventions du peintre Gauguin (pas moins!) ainsi que d'autres personnages inconnus dont il faut deviner le rôle.
Peu à peu tout s 'éclaire . En fait , nous sommes dans un montage à la Agnès Varda ou encore à la Orson Welles dans « Mensonges et vérités ». Des personnages se succèdent. Ils témoignent. Comme un puzzle, les témoignages s'assemblent et le lecteur commence à comprendre.
Je tiens
Jean-Marie Dallet pour un de nos plus grands écrivains contemporains. Son style d'abord, fait de longues phrases mais des phrases fluides qui roulent comme une houle avec des images surprenantes et des sonorités renouvelées. C'est un style marin avec une mer aux reflets changeants qui va du bleu de Prusse au vert émeraude en permutant par le gris argenté du mercure, une mer aux bruissements divers du simple clapotis aux hurlements de cyclone, un style océanique qui passent du zéphyr caressant au grain piquant, un style aux parfums tantôt exotiques et enivrants, tantôt âpre comme du goudron norvégien. Ses histoires ensuite, toujours renouvelées. Ses personnages enfin jamais d'un bloc .
Jean-Marie Dallet est de la race de
Jacques Perret, de
Mac Orlan, de
Francis Carco. Il est bien supérieur à Conrad dont la célébrité me surprend tant le style de ce dernier est besogneux,ses histoires incompréhensibles et ses constructions bancales.
Pour se hisser au rang de génie, il manque à J.M. Dallet la profondeur d'un
Dostoïevski, d'un Camus et même d'un Kazuho Ishiguro. Mais qu'importe, l'essentiel étant qu'il nous régale.