AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,38

sur 67 notes
5
19 avis
4
5 avis
3
0 avis
2
0 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Après avoir été séduite par Majnoun et Leïli : Chants d'outre-tombe, j'ai souhaité poursuivre ma découverte de Yann Damezin.
Un univers complètement différent ici, car après les couleurs vives et presque criardes de Majnoun et Leïli, se trouve ici un tout autre monde, austère et froid, en noir et blanc.
Pas de quoi se réjouir, car si l'homme qui nous narre son aventure est né avec une cuiller en argent dans la bouche, elle n'a pas été remplie d'amour parental.
Le petit garçon autrichien peine à exister face à ses talentueux frères et soeurs, qui sont tous pourvus de dons en musique ainsi que ses parents, alors il s'escrime pendant des heures sur le piano, mais ses professeurs et sa famille ne lui concèdent aucun talent.
Le jeune Paul va s'acharner durant des heures sur son instrument qu'il semble frapper violement. Il va y mettre toute sa rage, son manque d'amour et de reconnaissance. Son rêve va être de devenir concertiste, contre l'avis de ses parents pour qui musicien n'est pas un métier véritable.
La première guerre mondiale va bouleverser sa vie, lors d'une mission e reconnaissance il est gravement blessé au coude. Lorsqu'il se réveille hébété à l'hôpital il découvre avec horreur qu'il a été amputé de la quasi-totalité de son bras droit. L'infirmière lui dit qu'il peut s'estimer heureux d'être encore en vie, tous n'ont pas cette chance, en plus il est désormais déclaré inapte au combat. Vivant, oui, mais mort à l'intérieur. Qu'est donc un pianiste avec sa seule main gauche à part un pianiste mort ?
Fait prisonnier, son grade et son infirmité lui permettent d'échapper aux tâches harassantes, il se met à jouer sur un piano imaginaire. À la fin de la guerre, de retour dans sa famille, il a soudain une illumination ; demander aux plus grands compositeurs de son époque de lui écrire des oeuvres. Ainsi Maurice Ravel lui compose Concerto pour main gauche mais également Benjamin Britten, Richard Strauss, Sergueï Prokofiev, …
J'ai oublié de vous dire que le jeune homme en question n'est pas n'importe qui, il s'agit de Paul Wittgenstein, qui a acquis une très forte notoriété par sa virtuosité.
D'ascendance juive, la famille Wittgenstein, bien que convertie au catholicisme depuis plusieurs générations va être pourchassée par le national-socialisme. Triste ironie du sort, car plus jeune, Paul Wittgenstein ne se cachait pas de ses idées fascistes.
Le traitement de ce pan d'histoire s'avère très intéressant, à nouveau admirablement servi par le dessin ciselé de Yann Damezin. Une belle découverte, même si j'ai été moins séduite que par la beauté onirique de Majnoun et Leïli.
« Il est normal que la jeunesse se moque.
Elle pense que les vieillards sont lents à cause de leur dos, de leurs articulations, de leur arthrose…
Elle ignore ce que nous avons de souvenirs et de regrets, qu'il nous faut tirer après nous à chacun de nos pas.
Puisse-t-elle l'ignorer longtemps.
Puisse-t-elle se moquer longtemps. »
Commenter  J’apprécie          509
Du noir et blanc, c'est dire un monochrome tellement le noir et le blanc s'appellent, s'interpellent, se tranchent, s'entretissent pour ne former qu'un. La ligne, une vraie anguille, nette, précise, audacieuse, se faufile, ondoie, encercle, sillonne, pointe, efface, casse, se brise, et charge. Une atmosphère est créée, et elle n'est pas légère, loin de là. La première page, une image de la maternité, un cri, un son est attendu, mais, "... ma mère, je ne crois pas qu'elle ait été heureuse", et le blanc devient noir, et le blanc devient larmes.
Chaque trait, aussi petit soit-il, exprime une émotion, raconte infiniment plus qu'une case, il vient avec le vécu d'une vie et toutes ses tourmentes, ses joies aussi, fausses ou vraies.
Le héros est un pianiste génial, passionné, torturé, sombre, froid, rigide, sec ; des épithètes qui se contredisent mais qui vivent ensemble dans ce personnage complexe. Ayant perdu son bras gauche à la guerre, il continue à jouer d'une seule main, et reste génial. Ce n'est pas tellement l'histoire, librement inspirée de la vie du pianiste Paul Wittgenstein qui est très intéressante dans cet album, mais l'histoire des émotions et des traits, des lignes ensorcelantes d'une formidable richesse donnant à chaque planche et à l'ensemble l'image d'un tapis magique, conteur majestueux, où les valeurs de gris sont des plus surprenantes, toutes froides, démunies de douceur, relatant des émotions intellectuelles, vécues qui reviennent avec le recul en analyses des traumas, des blessures, de la lâcheté terrifiante mais qui n'y peuvent plus rien maintenant.
La vie et ses mystères, le sens que nous cherchons et que nous croyons donner aux choses, les questions qui nous prennent d'assaut dans notre mortalité qui va de la générosité à la mesquinerie, de la lâcheté au courage, de l'amour à la haine, jusqu'aux regrets inutiles, l'angoisse qui prend souvent possession de notre cerveau, le tumulte de notre existence intérieure, où le vertige ne rend pas facilement la place à la quiétude. Ce n'est pas de tout repos.
Yann Damezin est un véritable talent, et son graphisme décrit magistralement ce monde, les lignes se font une joie de s'entremêler dans un tissage où la menace plane, le surréalisme trouve joyeusement son compte, le grotesque ne quitte pas la scène, l'imagination est reine et le silence trouve sa place dans le peu de mots, dans une musique lointaine vers laquelle on se laisse emporter "puisque le silence aussi est musique".
Commenter  J’apprécie          183
Magnifique BD. le mot "magnifique" a toute son importance et tient essentiellement à la beauté du livre, à son graphisme, ses sublimes dessins très approfondis et riches en détails.
En dehors de l'histoire vraie qu'il nous est conté, celle d'un pianiste amputé du bras droit à cause de la guerre, il se dégage beaucoup de poésie et d'onirisme dans ce livre d'une grande profondeur, grâce aux dessins mais aussi à la narration, à la disposition et l'arrangement des pages, au noir et blanc... Ce savant mélange tend à nous faire voyager, méditer, nous toucher au delà des mots, toucher notre imaginaire et notre inconscient.
L'histoire est très dure, poignante mais aussi tragique et un peu déprimante. Un témoignage choc et lourd d'une époque, d'une classe sociale, d'une politique, d'un mutilé de guerre. On se trouve accablé par les malheurs à répétition du pauvre pianiste qui aura souffert toute sa vie.

Un magnifique livre qui vaut le détour rien que pour sa beauté et son originalité.
Commenter  J’apprécie          150
Je me surprends vraiment à donner cette note de 4 étoiles et également de conseiller la lecture. Il faut dire que ce n'était pas pari gagné d'avance.

En effet, je n'apprécie guère les bandes dessinées en noir et blanc où la narration est omniprésente car il faut alors raconter des choses intéressantes. Là, on entre dans la psychologie d'un pianiste qui a été amputé de son bras droit durant la grande guerre.

C'est inspiré de la vie de Paul Wittgenstein commanditaire du fameux concerto pour la main gauche de Ravel. le personnage est plutôt assez antipathique. Il a laissé mourir l'amour de sa vie par lâcheté à cause des convenances sociales pour en épouser aussitôt une autre. Par ailleurs, il était fortement nationaliste et contre la classe ouvrière en vivant dans une certaine aisance bourgeoise. Bref, un portrait pas forcément flatteur.

Cependant, il faut aller au-delà de ses propres sentiments pour juger objectivement une bd et admirer tout son potentiel. Il s'agit là d'une oeuvre intimiste d'une grande sincérité. le graphisme est également fascinant en dégageant un certain onirisme. Au final, c'est réussi dans son effet. Pour une première oeuvre de l'auteur, je ne peux que le féliciter pour cette qualité à la fois d'écriture et du dessin. le contraire aurait été crétinerie.
Commenter  J’apprécie          50
Avec un graphisme à la fois sec et nerveux, jouant sur des contrastes de noir et de blanc, Yann Damezin revient sur la vie de Paul Wittgenstein, pianiste amputé lors de la première guerre mondiale, né dans une famille de mélomanes aux accents dépressifs et mélancoliques. Tourmente, suicide, secrets de famille émaillent sa petite enfance et forgent sa nature torturée qui ne cessera de rechercher la réussite et la reconnaissance malgré son handicap. Conte cruel d'une existence fragile et torturée, la narration revient également sur ses relations de couples souvent cachées et mal assumées.
Un très bel album dans l'esprit 19ième rendant hommage à la musique et aux destins brisés par la guerre.
Commenter  J’apprécie          50


Lecteurs (129) Voir plus



Quiz Voir plus

Arts et littérature ...

Quelle romancière publie "Les Hauts de Hurle-vent" en 1847 ?

Charlotte Brontë
Anne Brontë
Emily Brontë

16 questions
1085 lecteurs ont répondu
Thèmes : culture générale , littérature , art , musique , peinture , cinemaCréer un quiz sur ce livre

{* *}