Le noir se fait dans la salle.
Le silence est complet, total, sombre.
Des notes surgissent telle une vague venue ravager le rivage.
Elle enveloppe, submerge, sombre.
Le piano chavire, les oiseaux s'envolent, les pieuvres s'échouent, les sirènes coulent.
A son bord, Paul Wittgenstein.
Sombre écueil d'une vie de la bourgeoisie autrichienne,
Des guerres, des pertes, des malheurs,
Et une amputation.
Regarde ce moignon qui se déhanche autour du piano,
Phénomène de foire, les gens le regardent
Et n'entendent même plus cette musique.
Violence des sentiments
Brutalité du monde,
Etoile jaune qui scintille dans le ciel
Relents nauséabonds qui sortent des égouts du fascisme
Les instants sont toujours plus sombres
Dans cette putain de vie,
Vie d'un virtuose torturé.
Voyage au coeur de la psyche d'un pianiste
A qui il manquait un bras,
A qui un jour il commanda
une oeuvre à Ravel, le
Concerto pour la main gauche.
Roman graphique,
Biographie romancée,
Les dessins sont magnifiques,
Foisonnant de détails
D'une noirceur impénétrable
Mais d'une grandeur psychédélique.
Je m'enferme dans le silence
Dans le noir complet,
J'ouvre mon âme
Et sombre dans ce
concerto pour la main gauche
Une nouvelle fois.
Ma version : Krystian Zimerman au piano,
Pierre Boulez chef d'orchestre et le
London Symphony Orchestra