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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Une histoire incroyable, vécue et retranscrite de manière romanesque, un vrai tour de force des éditions Marchialy, où l'art de dénicher les intrigues les plus originales aux quatre coins de la planète !
Un régal de lecture où j'ai suivi avec attention le récit de ce quarantenaire blanc découvrant le racisme envers les aborigènes et ce son engagement pour rapporter à son peuple, ce crâne qui décorait la cheminée de sa maison d'enfance. Une longue et difficile prise de conscience de notre anti-héros et puis la révélation, la rencontre de personnages truculents, d'une culture millénaire incroyable de complexité et la multitude d'émotions que tout ce parcours génère. Une plongée dans l'anthropologie australienne qui m'a permise, à moi aussi, de découvrir un peuple dénigré mais ô combien fascinant. Un témoignage qui rend hommage, qui dénonce et qui apprend beaucoup. Une aventure qui m'aura fait traverser les émotions les plus fortes, un énorme coup de coeur !
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Nous suivons John, l'auteur, qui durant son cours de littérature aborigène s'aperçoit de l'énormité de la situation : un crâne abo trônait dans son salon pendant toute son enfance et ce sans que ça fasse sourciller personne.
A la vue du choc de ses camarades lors de son récit, il décide de rendre le crâne à son peuple. Il va devoir affronter son père, les clichés, et la paperasse.
Cela va également lui permettre d opérer un profond changement dans sa perception des aborigènes qui se bornait jusqu'à la à tara dans skippy le kangourou... Il va s'apercevoir des inepties qui l'entourent et de la méconnaissance de la culture abo des blancs australiens. Il va également faire la connaissance d'un peuple bienveillant et pas seulement mystique comme l'image qu'il en a, il va découvrir qu'il y a plusieurs la multitude des peuples abos. Il va complément déconstruire toute sa vision et l'histoire de l'Australie.
C'est ce qu'a vécu l'auteur. Tout le long, j'ai découvert la culture des aborigènes que je connaissais peu. L'écriture est belle et nous emporte jusqu'à la dernière page. Ce fut un coup de coeur qui va laisser sa trace dans ma petite bibliothèque.
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Le récit commence lorsque John Danalis, éternel étudiant australien, à quarante ans, décide que sa voie est l'enseignement, et va suivre un cours sur la littérature indigène, cours qui comprend entre autre une partie sur les Aborigènes d'Australie. C'est lors de ce cours qu'il déclare, effarant tous ses camarades de classe, qu'un crâne aborigène surnommé « Mary » trône sur une étagère dans la maison de ses parents.
Vivant depuis son enfance dans un milieu blanc qui distille des propos à tendance raciste et méprise ceux qui aiment les Aborigènes, cela ne l'avait jusqu'alors pas choqué, ce crâne, pas plus que les outils ou objets anciens que son père collectionnait. Une prise de conscience s'ensuit, elle l'amène à vouloir rendre ce reste humain à sa communauté d'origine.

Attention, voici un livre très prenant ! Il représente exactement tout ce que j'attends d'un récit nourri de faits réels. Tout d'abord, un sujet original et un angle très personnel pour l'aborder. Ensuite, une attention portée aux personnes et aux détails de leur existence qui permet de bien s'imprégner du sujet. Enfin, une légère dose d'humour ou d'autodérision, ingrédient non négligeable. J'avoue aussi que l'objet-livre en lui-même m'a attiré comme un aimant dès que j'en ai vu la couverture !
Ce texte est très éclairant au sujet du racisme et des épisodes historiques de génocides d'Aborigènes en Australie. Tout Australien blanc les méconnaît forcément, tant cette partie de leur histoire est occultée. L'auteur, rencontrant des Aborigènes très concernés, apporte aussi beaucoup de précisions sur les cérémonies de rapatriement des restes humains, détenus auparavant par des particuliers comme dans le cas de John, ou par des musées étrangers.
Le plus passionnant reste la prise de conscience de John Danalis de tous les clichés sur les Aborigènes trimballés depuis son enfance comme des bagages peu encombrants, et qui lui font honte tout à coup. Passionnantes aussi sont ses rencontres avec des membres de la communauté Wamba Wamba. Je ne vous raconte pas tout, notamment le rôle du cacatoès, ou pourquoi le narrateur sombre dans la dépression, et finit par en sortir.
L'ensemble, avec son style direct et fluide, se lit comme un roman, presque d'une traite !


Lien : https://lettresexpres.wordpr..
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Merci à Babelio et aux éditions Marchialy pour ce partenariat.

"De quelle justification as-tu besoin ? Il n'est pas à vous. Ce que ta famille a fait est mal" [...] "Tu pourrais parler de la dignité des morts - regarde la quantité d'efforts que vous autres blancs déployez pour retrouver et rapatrier les soldats tombés sur les différents champs de bataille. C'est pareil".
J'ai voulu commencer ma chronique en présentant cet état d'esprit : on fait tout ce qui est possible pour rapatrier dans son pays d'origine les restes des soldats morts au combat loin de chez eux. On laisse les restes des aborigènes dans des caisses, dans des musées. Au mieux. Je vous laisse imaginer le pire.
Le pire, il est peut-être ici, finalement. John Danalis a grandi avec un crâne aborigène sur l'une des étagères du salon familial sans que cela ne dérange un seul des membres de sa famille. Pourquoi cela les auraient-ils questionné ? C'était un souvenir, un parmi d'autres, ramené par le père, vétérinaire, lors d'une de ses tournées dans le bush. Il a fallu attendre ce que je qualifierai de "crise de la quarantaine", de "remise en question" pour qu'un jour, John formule à haute voix, pendant un cours (il a repris ses études pour devenir enseignant) ce fait et, tout en parlant, tout en se confrontant au regard des autres, prenne enfin conscience de l'énormité de ce fait. le récit autobiographique qui commence alors nous montrera comment il va restituer le crâne à son peuple.
Ce n'est bien sûr pas si simple. John Danalis découvre alors ce que lui et des milliers (des millions ?) d'australiens ignorent : l'existence de nombreuses tribus aborigènes, leur organisation, leurs différents territoires, ou plutôt, territoires qu'ils devraient avoir si les terres leur appartenaient. C'est tout un ensemble de préjugés que John doit combattre en lui-même, et les clichés ont la vie dure. John doit se battre contre l'administration, aussi : à quoi bon rendre un crâne à son peuple ? "Pourquoi s'en soucier ?" comme le demande un journaliste. Il doit également, avant toute chose, demander à son père son accord pour rendre ce crâne - et ce n'était pas forcément pour ce quadragénaire la partie la plus facile.
L'écriture de ce livre apparaît alors comme un moyen de partager, de faire voyager Mary (nom que les Danalis avaient donné au crâne, et tant pis s'il s'est avéré que c'était celui d'un homme) grâce aux mots.
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Par où commencer ?
D'un côté, Babélio et les éditeurs, en l'occurrence les éditions Marchialy, font un travail remarquable. de l'autre côté, à l'autre bout du processus, les lecteurs sans lesquels la Grande Machine de l'Édition n'existerait pas sont nourris de ce labeur. Les « masses critiques » de Babélio nous permettent de découvrir des trésors par le plus grand des hasards, mais pour John Danalis le hasard n'existe plus.

Blanc, Australien, John Danalis a fort peu côtoyé les Aborigènes pendant une quarantaine d'années sans connaître à leur sujet autre chose que des clichés. C'est presque par hasard, ce hasard auquel il ne croira plus, à force, qu'il décide de restituer aux siens un crâne que son collectionneur de père avait exposé dans le salon familial et que John a toujours connu.

Avant la prise de conscience que va faire John Danalis, le crâne exposé chez ses parents ne lui faisait ni chaud ni froid.

Cette restitution du crâne, l'imposante cérémonie qu'elle va générer, de nouvelles amitiés avec les Aborigènes vont modifier en profondeur l'existence de John. Il prend conscience de la richesse de leur culture et se met à l'étudier avec passion.

Cela change sa vision du monde aborigène.

Il nous suggère de définir ce qu'est l'Europe en quelques paragraphes : la culture aborigène est tout autant riche et complexe, et elle permet [p 215] « de cohabiter simultanément dans les monde rationnel et spirituel. »

Ce beau récit autobiographique se lit comme un roman, bien écrit, bien structuré, à l'issue duquel on n'est plus la même personne : ce qui est vrai pour John Danalis, au terme d'une véritable quête initiatique, peut le devenir pour vous ou moi.

Pour moi, ce livre est bien plus qu'une occasion de se distraire, ou même de se cultiver. C'est un ouvrage d'une grande importance, il pousse à une prise de conscience et il doit nous ouvrir l'esprit, suivant en cela la démarche de John Danalis. Tous les lecteurs de ce livre ne vont pas nécessairement émigrer en Australie, ni même étudier à fond la culture aborigène, mais peut-être allons-nous manifester plus d'attention bienveillante à l'égard de l'Autre, l'étranger, l'inconnu.

Car nous avons tant à apprendre des Aborigènes. Mais, au contraire, les Européens, imbus de leur soi-disant supériorité, n'ont pas cherché à connaître les « sauvages » quand ils ont exploré l'Australie ; ils ont décidé que leur niveau d'intelligence était fort bas, que le leur était largement supérieur. Aussi valait-il mieux élever les enfants aborigènes en les coupant de leur milieu d'origine.

Je me permets une parenthèse : le vol légal d'enfants s'est pratiqué dans d'innombrables pays, sans oublier la France, où plus de 1 600 enfants réunionnais ont été placés dans des familles de la métropole alors que certains avaient leurs parents vivants entre 1963 et 1982. Ce ne serait pas surprenant de découvrir que cette pratique existe encore ici ou là.

Pour l'auteur, le fait d'enlever de force les enfants à leur famille est un [p118] « génocide culturel et spirituel. »

La suffisance, l'arrogance du Blanc, John ne manque pas de la rencontrer. Alors que les Aborigènes occupent un lieu sacré qu'on veut leur confisquer, une chaîne de télévision privée s'installe en espérant avoir du « bien saignant » à filmer. Les militants gardent difficilement leur sang-froid alors que les journalistes les couvrent d'insultes et de moqueries afin de filmer une séquence sensationnelle.

L'auteur compare ses nouveaux amis et le comportement de ces citadins stressés dont l'existence se poursuit entre nourriture industrielle, embouteillages, course permanente contre la montre.

Internet a changé ma façon de lire : c'est pourquoi je peux vous suggérer de faire les recherches que j'ai faites : en cherchant Gary Murray Australie (d'autres personnes portent ce nom ailleurs sur la planète), vous trouverez la photo de cet aîné du groupe des Wamba Wamba, vêtu de la famuse cape en peau d'oppossum largement décrite par John.

Vous pourrez aussi trouver le portrait fait par Craig Ruddy de David Gulpili, chanteur et danseur, en tapant leur deux noms : ce portrait a tenu compagnie à John, figurant en bonne place dans la chambre d'ami lors de son séjour à Melbourne.

John a cessé de croire au hasard et il le précise tout au long de son texte. Je ne sais pas s'il faut croire au hasard au sujet du cheminement qui a fait tomber son livre dans ma boîte aux lettres. Hasrad ou pas, je vous invite vivement à découvrir cet ouvrage et à le faire connaître autour de vous – et je remercie encore les éditions Marchialy et Babélio.
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Une lecture aussi vive que la couverture très réussie des éditions Marchialy…jaquette frappant le regard , comme son contenu !

Une découverte salutaire…battant en brèche « nos racismes ordinaires »…dilués sournoisement dans nos quotidiens…

Un ouvrage dénué de pédanterie qui nous raconte l'histoire d'un australien moyen…qui va faire tout un chemin de remise en question de son éducation et d'idées toutes faites inculquées comme « ordinaires », « normales »….
Une sorte d'autofiction : l'auteur reprend tardivement ses études pour enfin devenir « enseignant ». Il choisit « La Littérature indigène », et plus exclusivement la littérature aborigène… Il ne connaît rien à leur vie, leur civilisation, bien qu'il se targue d'avoir grandi avec un crâne aborigène dans son salon, crâne rapporté par son père, vétérinaire dans le bush.

Pour épater les autres étudiants, il raconte cette histoire… Il s'en mordra les doigts, ayant « la honte de sa vie »,constatant que cela ne fait rire personne, réalisant qu'il véhicule à son tour, les idées et blagues stupidement racistes, entendues dans son milieu privilégié de « blanc »….

Il se remet en question, prend conscience des souffrances tragiques et du mépris absolu supportés par les aborigènes. Il décidera de rendre le crâne appelé affectueusement « Mary » , par sa famille, à son peuple et se plongera dans l'histoire de son pays, l'Australie… élargira ainsi sa vision de « L'Autre » différent, et là en l'occurrence, « L'Aborigène ». Une vraie révolution dans son existence...

Nous assistons à ses recherches, ses questionnements, les changements qui s'opèrent dans son appréhension du monde…
« J'ai appris qu'il était acceptable de s'émerveiller de l'Aborigène dans son milieu naturel-de préférence dans le coin le plus reculé d'un désert lointain- (...)

À l'image du kangourou - emblème à l'état sauvage, mais indésirable dans notre pâturage -, le contact avec le monde aborigène avait tendance à perturber notre idée de l'ordre des choses. Les indigènes ébranlaient les clôtures bien ordonnées de notre logique : ils bousculaient nos esprits empiriques. Car leur esprit collectif ressemblait à un mystérieux entrepôt regorgeant de ce que le monde moderne considérait comme un galimatias de superstitions et de connaissances superflues. C'est seulement maintenant que nous nous éveillons à la compréhension que cet entrepôt vieux de 60 000 ans contient des réponses aux questions que nous avons à peine commencé à nous poser. Et les gardiens de cet entrepôt possédaient une joyeuse aptitude à vivre dans l'instant qui nous déroutait et nous agaçait diablement. Mais évidemment, notre plus grosse "bête noire"...c'était la couleur de leur peau. (p. 21)”….

Tout un périple mouvementé pour “rapatrier” dans les rituels aborigènes, le crâne de « Mary » dans « sa » terre d'origine. Ce que réussira à faire John Danalis, objectif qu'il atteindra et dans lequel il entraînera son père, pourtant récalcitrant, au début de l'entreprise. ..

Une lecture vivifiante qui secoue toutes les certitudes et met à mal les conditionnements tenaces dans lesquels nous grandissons, et à partir desquels, nous agissons le plus souvent, sans réfléchir plus avant…

Un vrai réquisitoire d'autant plus efficace qu'il est dénué d'agressivité, que le narrateur- auteur, se met lui-même en accusation devant ses préjugés et les images fausses inculquées au fil de sa scolarité et des enseignements « prémâchés », ainsi que par son milieu de « blanc », de classe moyenne…
Réquisitoire indirect sur tous les abus injustifiables de tous les Colonisateurs, méprisant la culture , les traditions, les usages des « colonisés » allant jusqu'à éradiquer, rejeter, détruire…faisant disparaître des arts de vivre et des savoir-faire irremplaçables… Pour illustrer ce propos essentiel traité dans ce livre, je me permets de transcrire l'extrait suivant…

"T'es au courant des écorces qui ont été amenées d'Angleterre, Gary t'en a déjà parlé ? (...)
"Ouais, je me souviens d'avoir lu quelque chose là-dessus. Vous avez intenté une action en justice contre le British Museum et le musée de Melbourne pour tenter de les garder ici, en Australie.
-C'est ça."
Jason était ravi que je sois au courant.
"Bon, imagine, elles arrivent pour une exposition, prêtées par le British Museum, et pour nous, c'est le choc ! On ne savait même pas que ce type de gravure sur écorce faisait partie de notre patrimoine. Parce que, après nous avoir tous chassés de notre terre, nous les Koori, ils ont abattu tous les grands vieux arbres, y compris ceux qui étaient gravés. Ces écorces sont les dernières qui restent au monde.Tous, on ignorait qu'on savait faire ça, c'était un savoir perdu. Et bon, soudain, voilà que les jeunes se mettent à étudier ces écorces de très près, à essayer de lire les symboles, à essayer de retrouver quels outils ils utilisaient, et du jour au lendemain, nous voilà tous en train de graver des écorces comme des fous, on a fait une exposition, on retrouvait nos racines !"
J'ai regardé Jason et vu que la lumière était revenue dans ses yeux. Nous sommes restés quelques minutes en silence; on en dit parfois tellement plus en se taisant. « (p. 198)

Ce texte est d'autant plus réussi qu'il éveille l'envie de se documenter en profondeur sur la population aborigène et son histoire…sur l'histoire Australienne. Après cette narration de qualité, communicative , je reprends un autre roman débuté, cette fois, d'une auteure issue de la communauté aborigène wiradjuri, Tara June Winch, « La Récolte »[éditions Gaïa 2020 ]
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Parlons d'abord un peu de la maison d'éditions Marchialy.
Jeune maison fondée en 2016, leur ligne éditoriale est originale, portée par une exigence littéraire.
Ils publient de grands reportages, des enquêtes romancées, tout cela dans la tradition des romans d'aventures et enveloppés dans de très belles couvertures.
Elle nous donne à découvrir d'autres univers, d'autres cultures et des auteurs enfin traduits en français.
C'est le cas ici pour l'auteur John Danalis et "L'appel du cacatoès noir" publié en anglais en 2009.
"L'incroyable épopée d'un australien pour restituer un crâne aborigène à sa tribu : un chemin de connaissances, d'ouvertures et de rédemption".
Nous voilà embarqué dans l'aventure et l'histoire d'un pays méconnu, en tous cas pour moi.

John Danalis, homme dans la quarantaine se trouve à un tournant de son parcours professionnel et décide de s'engager dans une recherche sur la littérature indigène.
Australien "blanc", il occulte le peuple originel de son pays comme tout le monde et comme dans tous les territoires colonisés.
Le crâne baptisé "Mary", celui d'une tribu ancestrale et qui trône dans le salon de ses parents depuis 40 ans va bouleverser sa vie, ses croyances, son confort, sa famille et sa propre conscience.
Nous sommes tous (je l'espère) au courant des génocides perpétrés aux Etats-Unis, en Amérique du Sud, en Afrique et bien d'autres endroits du globe, il n'en reste que ce récit humble m'a transporté et plongé dans une réalité, une intimité de l'histoire humaine.
Lire ce livre et surtout le partager sont notre seule contribution à éviter que ce peuple soit oublié à jamais.



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Un récit étrange, mettant en scène un crâne aborigène que l'auteur a connu trônant sur une étagère dans la maison familiale. Un crâne soigneusement entretenu par son père, qui l'a recouvert de nombreuses couches de vernis destinées à le protéger de la corrosion et lui a donné un nom, Mary, croyant à tort qu'il s'agissait d'une femme. Retrouvé par hasard au fond d'une armoire dans un débarras, il va être le point de départ d'une épopée fantastique. L'auteur, quadragénaire australien ayant repris sur le tard ses études, suit un cours de civilisation aborigène et va se mettre en tête de faire retrouver à Mary sa terre ancestrale. Ce sera la découverte de tout un pan caché de l'histoire de son pays, celle de ce peuple méprisé, en communion étroite avec la nature et les forces qui la gouvernent. Celle aussi d'une civilisation dont les valeurs ont été systématiquement bafouées par les colons européens, en particulier le culte des morts, ciment de leur unité profonde. Cette quête des origines sera un bouleversement total, qui mènera l'auteur au bord de la dépression, mais aussi une occasion unique de rencontrer des gens généreux, d'une extraordinaire ouverture d'esprit, ravis de faire connaître au monde entier les trésors d'une civilisation qui a bien failli disparaître à tout jamais…
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Fermez les yeux et projetez-vous mentalement dans votre lieu de travail, là où vous passez le plus clair de votre temps. Vous fouillez dans les tiroirs, armoires, vitrines, et là, vous tombez sur des cartons que vous ouvrez, un peu surpris, puis totalement déstabilisé : vous venez d'ouvrir un carton d'ossements étiquetés à votre nom, celui de votre famille.

Fermez encore les yeux et cette fois, situez-vous dans le salon de votre enfance. Exposé sur la plus haute étagère, bien en vue, trône un crâne humain. Vous avez sept ans et durant toute votre enfance, vous avez été terrorisé par « Mary », ainsi gentiment nommé par votre père, vétérinaire, qui l'a rapporté du bush australien.

Ceci est vraiment arrivé, en 2005, à deux hommes qui n'auraient jamais imaginé partager une telle histoire.

Le second s'appelle John Danalis, il écrit ce livre pour raconter son chemin dans la culture aborigène, Wamba Wamba exactement.

Le premier s'appelle Jason, c'est un grand Noir, Aborigène stagiaire au musée de Melbourne dans le département « Indigènes ».

Nous plongeons dans une aventure extra-ordinaire, un parcours initiatique vers une culture méconnue, méprisée souvent, un cheminement vers ce qu'on est en profondeur, vers la connaissance, vers le pardon. John se connaîtra mieux, son père, le pilleur de tombes, y fera son chemin également.

John a honte d'être le fils et le neveu de deux médecins du bush qui n'ont rien trouvé à redire à exposer ainsi un crâne humain. Sa plus grande victoire sera de voir son père découvrir et respecter des gens profondément méprisés en Australie : les Aborigènes. Grâce à John, « Mary » (qui en fait est un homme) retrouve sa place, sa dignité, le respect, lors d'un retour difficile vers les siens puis une cérémonie de « ré-enterrement ».

Avec lui, nous apprenons que plus de 15000 « dépouilles » dorment dans les tiroirs des labos de sciences, dans les universités, chez les collectionneurs. Et combien d'autres dont ne sait rien?
Grippe, tuberculose, coqueluche, rougeole et syphilis : les cadeaux apportés aux natifs par les soldats anglais, les bagnards, les colons.

On découvre aussi que pour creuser des canaux d'irrigation, les Blancs ont dévasté des tumulus de pierres, coquilles, (connus sous le nom de « fours de campement »), tumulus qui abritaient des milliers de dépouilles aborigènes.

John nous fait partager ses émotions : son indignation, son irritation devant les clichés et idées toutes faites, le racisme , son amitié immédiate avec les Aborigènes rencontrés, leur simplicité, leur gentillesse à l'égard de ceux qui ont tant insulté leurs ancêtres.

Le témoignage est parfois empreint de mysticisme, le crâne et les ossements semblant être connectés à la réalité des événements et les guider. Et surtout porter malheur à ceux qui les ont ramassés. On y parle de la cosmogonie aborigène, des mythes, de l'art de la peinture sur écorce que les natifs se réapproprient.

Un livre riche, sensible, intelligent. Et une traduction manifestement de qualité. Nous découvrons avec bonheur la culture aborigène, (et pas seulement le didgeridoo et les gravures sur écorce du Musée de l'histoire de l'immigration du Palais de la Porte dorée).

Plaisir supplémentaire : le livre est beau, avec sa couverture cartonnée illustrée de plumes de cacatoès noir, cet étrange oiseau qui joue du tam-tam avec son bec, totem des Wamba Wamba !
Un grand merci aux éditions Marchialy et à Babelio pour ce joli cadeau.

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John Danalis, dans son instabilité professionnelle, décide, à l'aube de la quarantaine, de reprendre des études pour devenir enseignant. Dans son cursus universitaire, il choisit l'option littérature indigène. Tout au fond de lui subsiste, latente, une honte vis-à-vis de l'ignorance et du rejet orchestrés par son monde blanc envers les Aborigènes de ce pays acquis par la force. Une connaissance limitée à quelques clichés, des rapports inexistants sous peine d'être rejeté par sa race et une volonté de les tenir à l'écart, le plus loin possible, résument l'attitude des siens envers les autochtones.
Lorsqu'il explique, en classe, qu'il a vécu 40 ans avec un crâne aborigène dans le salon parental, un crâne qui fut baptisé Mary mais qui se révéla finalement être celui d'un homme, il suscite incrédulité, horreur, dégoût. Il réalise alors que dans sa famille, l'Aborigène est au même stade que le kangourou ; un emblème indésirable.
Hanté par le regard des autres, il se décide à rechercher le crâne qu'il avait fait cacher afin de ne pas effrayer ses propres filles. L'ayant retrouvé, un sentiment brumeux se profile ; celui de ramener Mary chez lui, sur sa terre. Au nom de la dignité des morts, il réussit à convaincre son père de la nécessité de cette restitution.

Lors de la rédaction de ce récit, la honte refait surface alors qu'il se doit de poser sur le papier tous les stéréotypes affreusement et injustement négatifs que les siens attribuaient à ce peuple noir, dans leurs conversations, dans les films d'alors, lourds de préjugés de toutes sortes, dans d'ignobles blagues racistes.
C'est pour lui, subitement, à l'image d'une déflagration, la douloureuse mise en lumière du racisme. Les informations qu'il avait sur ce peuple indigène se cantonnaient à consolider la peur qu'il fallait en avoir, donc la haine, en ne montrant que leur côté coléreux face à l'injustice dont ils étaient bel et bien victimes dans leur propre pays.

La cérémonie de restitution de Mary est émouvante et ne peut qu'ébranler la pauvreté de notre monde moderne face à une si belle et totale humanité. Comment ne pas ressentir de la honte et du dégoût face à l'occultation, sans aucun scrupule, de l'importance que revêt pour ce peuple le fait que leurs ancêtres doivent demeurer au pays ? le colonisateur désire la terre pour satisfaire sa soif de conquêtes mais n'y éprouve aucun attachement profond comme ce peuple bien plus proche de la nature.
Au-delà de la cérémonie pour réparer cette profanation des restes de personnes qui avaient autant le droit, si ce n'est plus, de reposer dignement dans leurs terres, c'est un fil lancé entre deux peuples dont les premières interactions furent immédiatement haineuses, racistes.
L'auteur a désiré aller plus loin, a voulu creuser dans l'histoire de cette colonisation. Ce fut le constat de l'abomination du vol de bébés aborigènes pendant des décennies, des sites funéraires mis à nus pour effectuer des travaux d'irrigation ou de voirie, des dépouilles stockées dans des cartons poussiéreux remisés dans d'innombrables musées sous prétexte de recherches inexistantes, de la destruction des arbres qui constituaient l'habitat du cacatoès noir d'où la raréfaction de cet oiseau…
Il déplore la facilité de mettre des étiquettes sur des hommes, des coutumes, sans creuser plus avant dans leurs motivations bien plus belles, plus humaines et plus respectueuses que bon nombre de nos comportements dits civilisés. C'est finalement la pauvreté de notre vie qui éclatera aux yeux de John Danalis. L'homme blanc est fort pour juger que sa culture est celle qui doit être appliquée, tout en écrasant et profanant celle des autres.

On respire dans ce récit les senteurs de myrte citronné et d'eucalyptus, tout en cherchant des yeux les plumes rouges du cacatoès noir qui nous pousse son cri de défi « Karak, Karak ! » Cet oiseau agira comme messager, guidera notre narrateur pour lui ouvrir les portes de ce monde aborigène qui le bouleversera jusqu'à l'extrême.
Ce récit suscite aussi une profonde réflexion sur l'absence de rites et de totems étroitement liés à la nature de notre civilisation qui pourraient pourtant apporter une plus belle harmonie de vie et surtout un respect plus profitable à la terre qui nous héberge.
Il y a des passages particulièrement chargés d'émotions, dans l'évolution de l'opinion du père, dans le soulagement manifesté par la mère, mais aussi dans la simplicité et la générosité des Aborigènes contemporains. Ils font monter la larme à l'oeil.

C'est un récit d'une très grande franchise, empli d'humilité. Je remercie vivement Babelio pour cette proposition de Masse Critique privilégiée ainsi que les Editions Marchialy pour leur magnifique ouvrage édité avec un si grand soin.
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