Après dix d'absence , August, une jeune aborigène d'Australie qui a passé dix ans en Angleterre , rentre au pays pour les obsèques de son grand - Père Albert,, son Poppy , l'homme qui l'a élevée , ses parents , étant défaillants .
Son retour chez les siens est troublé par l'annonce du démarrage d'une exploitation minière dans la ville de son enfance : Prosperous , Située à proximité d'une mine d'étain , la maison familiale sera prochainement détruite , sa grand - mère Elsie doit quitter les lieux ….
Mais August refuse de baisser les bras , déterminée à sauver la terre sacrée de ses ancêtres .
L'auteure est issue de la communauté aborigène wiradjuri .
C'est un livre très complexe qui retrace l'histoire d'une famille et d'un peuple dépossédé de ses terres , de ses droits et parfois même de ses enfants .
Un chapitre sur deux est consacré au contenu du dictionnaire indigène , celui de sa langue ,celle du peuple wiradjuri , que le grand - Père d'August avait entrepris d'écrire : NJU- RAM - BANG , qui concentre une culture et commence par la fin de l'alphabet..
Il ponctue le récit , sous la forme de définitions donnant lieu à des digressions écrites par Albert .
L'auteure en profite pour présenter des épisodes de la vie d'Albert et de récits concernant sa femme Elsie , Prosperous , l'endroit où il a été initié à l'Evangile , foyer pour garçons . La voix des Gondwindi , du peuple aborigène irrigue le roman à travers les entrées du dictionnaire .
Et en plus une troisième voix surgit du passé en alternance des chapitres entre hier et aujourd'hui ,la voix d'August et l'histoire d'Albert , impliquant ses ancêtres , ses savoir - faire , ses connaissances botaniques , la spiritualité wiradjuri , la richesse de la langue —— celle du révérend Ferdinand Greenleaf, né en Allemagne qui révèle dans une longue lettre ses erreurs et ses silences coupables , autrefois les GONDIWINDI ont fréquenté sa mission .
C'est surtout l'histoire poignante , profonde , d'un peuple dépossédé : les enfants arrachés à leur famille, l'appropriation des terres , des eaux et des corps ,humiliations , tortures et viols : le pasteur Greenleaf témoigne .
La petite fille August porte tout cela en elle : une enfance morcelée ,de graves troubles alimentaires , des agressions sexuelles , des addictions , des disparitions , celle définitive de sa soeur Jedda ,, la sortie de prison de sa mère ..
Le roman se termine par une note d'espoir : il témoigne des graves erreurs commises par les colons et missionnaires du 19 ° siècle , l'histoire de l'Océanie subissant l'oubli imposé , la coexistence peu égalitaire entre BLANCS et INDIGÈNES..
Portrait acide de la déculturation du peuple de l'auteure sous forme d'un roman , l'identité et la résilience , la beauté d'une langue , et la nécessité de transmettre une mémoire bafouée .
Ces populations ont été maltraitées , bafouées ,oubliées et dénuées de leurs droits et de leur culture par les colons venus s'y installer .
Difficile de rendre compte d'un livre aussi riche ponctué par le dictionnaire wiradjuri , la langue ancienne , millénaire …
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Ce roman révèle la mentalité de la plupart des colons et missionnaires du 19ème siècle et toutes les erreurs commises envers des Peuples civilisés mais non préparés à la guerre et aux intrus armés. L'Histoire de l'Océanie a subi l'oubli imposé; survivre en plein océan pendant des millions d'années sur des iles minuscules entre Australie et Amérique du Sud!!! Bravo à l'auteur de ce livre de réveiller un peu de leur histoire; J'ai beaucoup aimé comprendre assez vite le panachage des chapitres entre hier et aujourd'hui. Bravo à la malignité de l'auteur.
Voyez déjà les voleurs d'or qui ont assassiné les civilisations précolombiennes au 16ème siècle... 3 siècles d'horreurs, dont un siècle dit des Lumières. Que sera notre siècle?
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Roman australien très intéressant, tant sur le fond que sur la forme. Trois récits enchâssés, celui d'August, une jeune Australienne aborigène qui se cherche, la lettre d'un pasteur qui lutte pour les Aborigènes au début du XXè siècle, et enfin l'étrange dictionnaire du grand-père décédé, qui par petites touches, fait avancer l'intrigue, et nous apporte de nombreux renseignements sur la culture aborigène. Si l'on laisse de côté l'aspect manichéen un peu simpliste des gentils Aborigènes qui luttent contre les méchants capitalistes pollueurs, ce roman offre un très joli portrait, celui d'une jeune femme blessée par la vie, et un témoignage passionnant sur la façon dont ce peuple a été perçu par les colons. A découvrir.
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Petite, les livres passaient juste après la nourriture, et par la suite, ils avaient pris la tête. (...)
Mais jamais, dans aucun livre du bibliobus, elle ne parvenait à se trouver ni à trouver sa soeur. (...) Elle avait lu des livres du XIXe, avec des personnages distinctement bons et méchants, des livres où le temps se déroulait de manière uniforme dans une vie, et puis des livres où les personnages pouvaient être les deux à la fois et où le temps changeait. Elle trouvait parfois quelques pages sur des personnages qui faisaient aussi partie de son enfance, de la ville où la vie des gens va, virevolte et s'achève. Elle aimait ses livres, elle aimait les pages remplies de compagnons quand elle était toute seule (...) (p. 75)
Je pensais au moins pouvoir être maître de mon esprit. Apprendre à lire correctement me semblait la chose la plus sensée. Dans un pays où on n'avait pas vraiment le droit d'être, j'ai donc décidé d'être. De décrocher la lune, vous voyez ? Après j'ai rencontré ma femme. Ma très belle femme (...)
Ce qu'elle m'a enseigné de mieux, de plus important, c'était d'écrire aussi des mots; elle m'a montré que je n'étais pas qu'un homme de seconde zone élevé à la farine blanche et au christianisme. C'est ma femme, Elsie, qui m'a acheté mon premier dictionnaire. Elle savait sans doute qu'en faisant ça, elle plantait une graine, qu'elle faisait germer quelque chose en moi. Quel bon compagnon, le dictionnaire-il y a dans ce livre des histoires à vous couper le souffle. Il reste mon bien le plus précieux et je ne l'échangerais pas pour tout l'or du monde. (p. 12)
Fleur d'acacia, acacia-yulumbang .
Les ancêtres m'ont parlé de toutes les plantes et de tous les arbres et de la façon de les utiliser. Ils m'ont dit que les plantes étaient pleines de graines, que les plantes étaient nos mères et que je ne devais donc les utiliser que pour le Gondiwindi : pas pour les vendre, juste pour vivre. Rappelez-vous ça la prochaîne fois que vous toucherez des arbres et des plantes, où que vous soyez, rappelez-vous qu'ils sont sacrés. (p. 45)
August se remémora la façon dont sa famille s'était repliée sur elle-même quand Jedda avait disparu trop longtemps, leur tristesse pareille à une nature morte. Mais elle avait compris que c'était parce qu'elle-même était encore jeune et que sa grand-mère et son grand-père avaient donc une raison de ne pas sombrer dans le désespoir. Mais à présent, sans enfants dans les parages, il n'y avait plus à craindre la douleur immense qui s'empare des gens. Pourtant Elsie n'avait pas atteint le fond du désespoir, l'onde de choc provoquée par la mort de son mari ne l'avait pas encore fait complètement ployer. (p. 29)
« La langue était le poème qu’elle avait toujours cherché , exprimant ce dont l’anglais était incapable. Elle avait atteint la Carte Rose de l’Australie , et elle était arrivée à destination .
Son grand- Père disait que les mots étaient d’une importance capitale . Qu’ils étaient comme des icebergs qui flottaient , fondaient , qu’il y avait en eux les profondeurs des océans dont ils n’auraient pas pu parler » …