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Le périple d'un crâne…De la prise de conscience au réalisme magique…

« Les morts ont des droits. Ils ont le droit d'être couchés dans leur dernière demeure et de reposer en pays, dans leur propre pays, de façon à pouvoir entrer dans le monde des esprits et devenir un avec leur mère, la Terre ».

John est un australien, un homme blanc dans la quarantaine, qui décide après quelques petits boulots de retourner à l'Université et de prendre un cursus de littérature indigène, c'est-à-dire aborigène dans le cas de l'Australie. Une littérature qui évoque les aborigènes avant l'invasion européenne de l'Australie.
Au cours d'une journée de cours, en classe, lors d'un échange entre les étudiants et le professeur, John lâche une véritable bombe. Sur un ton léger et presque légèrement fier, il explique que sa famille, ses parents plus exactement, ont un crâne d'aborigène depuis des décennies qui décore les étagères de la bibliothèque. La famille l'a surnommé Mary, même si l'étude du crâne par un ami de la famille a pu mettre en valeur qu'il s'agissait du crâne d'un homme mort de syphilis. Cette confession choque tout le monde au point de lui faire prendre conscience de l'horreur morale de la situation, au point de le questionner et de lui faire éprouver honte et culpabilité.
Il décide ainsi de restituer Mary à son peuple, les wamba wamba dont l'animal totem est le cacatoès. Cette restitution sera source de multiples échanges avec les descendants des aborigènes, source d'un cheminement intérieur, d'un véritable apprentissage, de réflexions et d'un voyage. Il rencontrera la culture originelle de son pays qu'il a toujours côtoyée de très loin, avec une forme d'indifférence, plongé depuis l'enfance, sans en prendre conscience, dans un bain de préjugés et de clichés. Petit à petit, il décide de comprendre Mary, son histoire, sa façon de vivre et découvre ainsi toute la complexité de sa culture.

« Sur le plan émotionnel aussi, ce puzzle à la fois surprend et déconcerte la compréhension du monde occidental : l'une de ses pièces peut être lourde de désespoir mais retournez-là et il y a là assez de rire et de joie pour soulever le ciel ».

J'ai appris un certain nombre de choses dans ce livre qui lève le voile sur les atrocités commises par les européens, décimant ainsi tout un peuple. Finalement cette histoire est universelle, c'est celle de tous les peuples envahis, tués, décimés. J'ai pris conscience de la problématique des dépouilles de toutes ces personnes exterminées, dont les squelettes sont éparpillés entre des collectionneurs, des antiquaires, des musées, dormant au fond de cartons et de sacs en plastique dans des caves et des cachots du monde entier. John est tout en humilité dans cette découverte, il reconnait son ignorance, se remet constamment en question, il en est d'ailleurs touchant et attendrissant.
Mais j'ai trouvé qu'il y avait un véritable déséquilibre entre la première partie du récit, passionnante, dans laquelle décision est prise de restituer le crâne et la restitution proprement dite ; et la seconde partie du récit, bien moins subtile, où nous voyons ce qui se passe ensuite, entre la déprime de John qui sent qu'il a toujours eu un lien particulier avec ce crâne et le réalisme magique que l'auteur développe pour faire sentir à quel point ça y est, grâce à son acte, il peut sentir le coeur battant et sans âge de la terre, comme les aborigènes, voyant au-delà du vernis déposé par les européens. Cette façon de « voir à travers l'illusion, de ressentir les choses telles qu'elles sont réellement », cette façon de devenir celui qui communique avec un cacatoès noir, n'est pas convaincante, voire est assez surfaite. Sans doute la fin est-elle trop pétrie de bons sentiments.
De même voir le père de John passer d'un homme bougon, réactionnaire, borné, raciste, à un quasi militant ouvert et généreux n'est guère plausible. Cela manque de subtilité, le manichéisme et les bons sentiments de cette fin m'ont laissé tout au bord du récit et m'ont même par moment agacée.

Au final nous avons là un récit bien écrit, un livre très riche sur la culture aborigène – et rien que pour cela il vaut le détour - mais dont la fin, pétrie de bons sentiments et très manichéenne, manque de subtilité à mon goût. Pourtant, j'aurais voulu aimer totalement ce livre autant que j'aime sa couverture que je trouve vraiment très belle. Il m'est d'avis que ce livre plairait beaucoup à un public adolescent ou jeune adulte. Car c'est somme toute une belle histoire, riche d'enseignements.

« C'est moi qui devrais faire des excuses à ces gens pour tout ce que je leur ai pris, et c'est eux qui me remercient en disant qu'ils me sont redevables ».



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Ouvrage reçu lors d'une opération Masse critiques privilégiée, je tiens tout d'abord à remercier babelio ainsi que les éditions Marchialy pour l'envoi de ce magnifique ouvrage, qui l'est autant bien sur la forme avec sa couverture haute en couleurs que sur le fonds extrêmement profond et qui m'a beaucoup touchée.

Ici, le lecteur se plonge dans les us et coutumes et surtout les horribles massacres, déracinements et autre que le peuple aborigène a subi tout au long des siècles. John Danalis, enclin à devenir professeur et bien que père de deux fillettes a rejoint les bancs de l'université et c'est au contact de l'une de ses professeures, en littérature aborigène qu'il va découvrir l'histoire de ce peuple, auquel il va s'attacher, d'autant plus que son père possédait dans le salon de son enfance, un crâne aborigène qui les a accompagnés, lui et son frère, tout au long de son enfance. Alors, plus par justice pour ce peuple que par pure folie, John va décider de restituer ce dernier à ses ancêtres. Commence alors, après de longues démarches administratives, la restitution de ce crâne, dénommé Mary, bien qu'il s'agisse d'un crâne d'homme, mais cela, notre protagoniste ne l'apprendra que plus tard à la tribu des Wamba Wamba. D'abord décrié par ces dernier et face à l'offuscation de certains d'entre eux qu'un homme de couleur blanche ait pu grandir avec le crâne de l'un d'entre eux dans son salon sans que cela ne lui pose de problèmes de consciences jusqu'à présent, c'est tout un monde nouveau qui s'ouvre alors pour notre héros qui va apprendre, tout comme le lecteur, le passé mais aussi le présent et l'avenir plus qu'incertain pour toutes ces tribus de l'Australie d'aujourd'hui.

Un roman profond, extrêmement bien écrit, sans jugement mais avec simplement l'énonciation de faits historiques concernant l'épopée de ces tribus. Un texte envoûtant qui ne laisse pas le lecteur indifférent et en ce qui me concerne, j'ai bel et bien envie de pousser mes recherches et de découvrir L Histoire ou les histoires de ces tribus à qui l'on a tout pris, jusqu'à leur propre identité ! A découvrir et à faire découvrir !
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L'auteur, John Danalis, vient d'avoir 40 ans. Cet Australien, marié et père de deux petites filles, ne sait pas trop quoi faire de sa vie, et il se décide alors pour des études de littérature aborigène. Un jour en classe, pour se montrer intéressant, il raconte innocemment qu'il a passé son enfance avec un crâne aborigène trônant sur une étagère du salon, un crâne affectueusement surnommé Mary. Pendant qu'il parle, les yeux de ses condisciples s'ouvrent comme des soucoupes, et les protestations scandalisées ne tardent pas à fuser. C'est à ce moment précis que John prend tout à coup conscience qu'il est Blanc et que sa race ne représente qu'une partie de la population australienne, "l'Autre" partie étant constituée des Aborigènes, peuple natif colonisé, dépossédé, opprimé, violenté et en grande partie anéanti sauvagement par les Blancs au cours des siècles. John réalise aussi à ce moment que le crâne de Mary n'est pas qu'un objet de décoration original, mais qu'il n'est rien moins qu'une partie des restes d'un être humain que les siens n'ont pu récupérer ni enterrer comme il se doit. Débordant de honte et de culpabilité, John veut faire amende honorable et restituer le crâne au clan de Mary. Il se lance dans des recherches pour retrouver le lieu de naissance de Mary, passe des heures sur internet et au téléphone et rencontre des Aborigènes investis dans ces "restitutions" d'ossements éparpillés par centaines à travers le monde, dans les collections des musées ou de particuliers. John découvre ainsi l'Autre Australie. Un choc des cultures qui le bouleverse et l'oblige à déconstruire préjugés et clichés, et à relire l'histoire de son pays avec d'autres lunettes.

Entendons-nous, John et sa famille ne sont pas racistes. Ils savent vaguement que les colons ont malmené les Aborigènes et qu'ils sont mis à l'écart de la société, mais n'ont pas la moindre idée des souffrances que ce peuple a subies, des discriminations qu'il subit encore. Jusque là, ils ont vécu à côté d'eux sans vraiment les voir, sans s'y intéresser, sans se poser de questions à leur sujet, sans se scandaliser de leur position d'infériorité et sans en avoir mauvaise conscience. John et ses semblables vivent dans un monde parallèle à celui des Aborigènes, dans un entre-soi satisfaisant qui n'éprouve pas le besoin de fréquenter "l'Autre".

Vu de l'extérieur, c'est surprenant, et intéressant d'observer cette soudaine prise de conscience. John est attendrissant dans sa bonne volonté à vouloir réparer le passé, dans ses gaffes et ses impairs, sa façon de prendre les choses à coeur avec une réelle sincérité et de se croire investi d'une mission de rédemption. La première partie du livre est cocasse et touchante, la scène de restitution du crâne est carrément émouvante, avec le juste équilibre entre lyrisme et sobriété. La suite, avec la déprime de John et le pèlerinage sur la tombe de Mary, est moins convaincante, et l'ensemble a une fâcheuse tendance à accumuler les clichés : tous les Aborigènes sont formidables, John, piqué de mysticisme, se convainc, a posteriori, qu'il "a toujours su" qu'il avait un lien particulier avec Mary et que c'était son destin de remplir cette mission, les journalistes sont des vautours et les psychiatres des agents à la solde des Big Pharma, la transformation du père de John de conservateur rigide en quasi-militant ouvert d'esprit est instantanée, et les cacatoès noirs qu'on croyait éteints dans la région réapparaissent soudain.

C'est bien écrit, agréable à lire et instructif sur les traditions aborigènes, une gentille histoire un peu trop sucrée, pleine de bons sentiments et de bonnes intentions, d'humilité et de générosité.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Une lecture aussi vive que la couverture très réussie des éditions Marchialy…jaquette frappant le regard , comme son contenu !

Une découverte salutaire…battant en brèche « nos racismes ordinaires »…dilués sournoisement dans nos quotidiens…

Un ouvrage dénué de pédanterie qui nous raconte l'histoire d'un australien moyen…qui va faire tout un chemin de remise en question de son éducation et d'idées toutes faites inculquées comme « ordinaires », « normales »….
Une sorte d'autofiction : l'auteur reprend tardivement ses études pour enfin devenir « enseignant ». Il choisit « La Littérature indigène », et plus exclusivement la littérature aborigène… Il ne connaît rien à leur vie, leur civilisation, bien qu'il se targue d'avoir grandi avec un crâne aborigène dans son salon, crâne rapporté par son père, vétérinaire dans le bush.

Pour épater les autres étudiants, il raconte cette histoire… Il s'en mordra les doigts, ayant « la honte de sa vie »,constatant que cela ne fait rire personne, réalisant qu'il véhicule à son tour, les idées et blagues stupidement racistes, entendues dans son milieu privilégié de « blanc »….

Il se remet en question, prend conscience des souffrances tragiques et du mépris absolu supportés par les aborigènes. Il décidera de rendre le crâne appelé affectueusement « Mary » , par sa famille, à son peuple et se plongera dans l'histoire de son pays, l'Australie… élargira ainsi sa vision de « L'Autre » différent, et là en l'occurrence, « L'Aborigène ». Une vraie révolution dans son existence...

Nous assistons à ses recherches, ses questionnements, les changements qui s'opèrent dans son appréhension du monde…
« J'ai appris qu'il était acceptable de s'émerveiller de l'Aborigène dans son milieu naturel-de préférence dans le coin le plus reculé d'un désert lointain- (...)

À l'image du kangourou - emblème à l'état sauvage, mais indésirable dans notre pâturage -, le contact avec le monde aborigène avait tendance à perturber notre idée de l'ordre des choses. Les indigènes ébranlaient les clôtures bien ordonnées de notre logique : ils bousculaient nos esprits empiriques. Car leur esprit collectif ressemblait à un mystérieux entrepôt regorgeant de ce que le monde moderne considérait comme un galimatias de superstitions et de connaissances superflues. C'est seulement maintenant que nous nous éveillons à la compréhension que cet entrepôt vieux de 60 000 ans contient des réponses aux questions que nous avons à peine commencé à nous poser. Et les gardiens de cet entrepôt possédaient une joyeuse aptitude à vivre dans l'instant qui nous déroutait et nous agaçait diablement. Mais évidemment, notre plus grosse "bête noire"...c'était la couleur de leur peau. (p. 21)”….

Tout un périple mouvementé pour “rapatrier” dans les rituels aborigènes, le crâne de « Mary » dans « sa » terre d'origine. Ce que réussira à faire John Danalis, objectif qu'il atteindra et dans lequel il entraînera son père, pourtant récalcitrant, au début de l'entreprise. ..

Une lecture vivifiante qui secoue toutes les certitudes et met à mal les conditionnements tenaces dans lesquels nous grandissons, et à partir desquels, nous agissons le plus souvent, sans réfléchir plus avant…

Un vrai réquisitoire d'autant plus efficace qu'il est dénué d'agressivité, que le narrateur- auteur, se met lui-même en accusation devant ses préjugés et les images fausses inculquées au fil de sa scolarité et des enseignements « prémâchés », ainsi que par son milieu de « blanc », de classe moyenne…
Réquisitoire indirect sur tous les abus injustifiables de tous les Colonisateurs, méprisant la culture , les traditions, les usages des « colonisés » allant jusqu'à éradiquer, rejeter, détruire…faisant disparaître des arts de vivre et des savoir-faire irremplaçables… Pour illustrer ce propos essentiel traité dans ce livre, je me permets de transcrire l'extrait suivant…

"T'es au courant des écorces qui ont été amenées d'Angleterre, Gary t'en a déjà parlé ? (...)
"Ouais, je me souviens d'avoir lu quelque chose là-dessus. Vous avez intenté une action en justice contre le British Museum et le musée de Melbourne pour tenter de les garder ici, en Australie.
-C'est ça."
Jason était ravi que je sois au courant.
"Bon, imagine, elles arrivent pour une exposition, prêtées par le British Museum, et pour nous, c'est le choc ! On ne savait même pas que ce type de gravure sur écorce faisait partie de notre patrimoine. Parce que, après nous avoir tous chassés de notre terre, nous les Koori, ils ont abattu tous les grands vieux arbres, y compris ceux qui étaient gravés. Ces écorces sont les dernières qui restent au monde.Tous, on ignorait qu'on savait faire ça, c'était un savoir perdu. Et bon, soudain, voilà que les jeunes se mettent à étudier ces écorces de très près, à essayer de lire les symboles, à essayer de retrouver quels outils ils utilisaient, et du jour au lendemain, nous voilà tous en train de graver des écorces comme des fous, on a fait une exposition, on retrouvait nos racines !"
J'ai regardé Jason et vu que la lumière était revenue dans ses yeux. Nous sommes restés quelques minutes en silence; on en dit parfois tellement plus en se taisant. « (p. 198)

Ce texte est d'autant plus réussi qu'il éveille l'envie de se documenter en profondeur sur la population aborigène et son histoire…sur l'histoire Australienne. Après cette narration de qualité, communicative , je reprends un autre roman débuté, cette fois, d'une auteure issue de la communauté aborigène wiradjuri, Tara June Winch, « La Récolte »[éditions Gaïa 2020 ]
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J'ai beaucoup aimé le début de ce livre: le narrateur, pour faire son malin et son petit effet, ce qui va souvent de pair, annonce qu'il a passé son enfance en compagnie d'un crâne aborigène, négligemment posé sur une étagère de bibliothèque par un père collectionneur. Et là, il comprend son erreur: 1) ça ne fait rire personne et il ne va pas devenir la personnalité la plus cool de la semaine 2) ce crâne n'est pas un bibelot mais les restes d'un homme dont la mort a créé l'affliction et qui ne s'est retrouvé au-dessus de la télé que parce qu'appartenant à un peuple nié et dépouillé. Et les premières pages sont magnifiques pour ce qu'elles parviennent à traduire: un homme découvre qu'il n'est pas un exemplaire aussi moyen que débonnaire de l'Australien universel mais qu'il est en réalité un Blanc, un colonisateur, descendant d'une histoire particulière et oublieux de privilèges que toute son éducation s'est obstinée à nier, bref que son innocente médiocrité n'est qu'apparence.
Rétropédalage. John, fermement incité à rendre le crâne à qui de droit, se prend au jeu et découvre l'autre moitié sinon de l'humanité, du moins des Australiens. Et le voilà qui, de toute sa naïveté, tente de réparer à lui tout seul plusieurs siècles d'injustices, bardé de certitudes et de gaffeuses étourderies, sous l'oeil parfois consterné de ses nouveaux amis.
J'ai dû lire quelque part qu'en Australie ce livre appartient à la littérature de jeunesse. Clairement, en France, il ne peut intéresser qu'un lectorat plus âgé. Mais après que les écailles sont tombées des yeux de John, on ne comprend que trop bien qu'il ne s'agit pas d'une histoire très élaborée. le crâne va revenir chez lui, tout le monde (sauf les journalistes) est adorable, le père du narrateur se convertit la larme à l'oeil à l'anti-racisme, et, en prime, les cacatoès noirs renaissent de leurs cendres. John fait quand même une grosse déprime, mais cette réaction, si intéressante qu'elle soit, se transforme en hymne aux médecines (et à l'enseignement) alternatifs. Trois petits tours extatiques sur la tombe de Mary (nom affectueusement donné au crâne lorsqu'il servait de presse-papier) et hop, envolés les doutes et tari le sanglot de l'homme blanc.
Bref, l'histoire tourne court. Et même la magnifique édition dans laquelle j'ai lu cette histoire de John et de Mary ne m'a pas consolée de ma frustration. En fait de tempête sous un crâne, on se contentera de vaguelettes.
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John Danalis, dans son instabilité professionnelle, décide, à l'aube de la quarantaine, de reprendre des études pour devenir enseignant. Dans son cursus universitaire, il choisit l'option littérature indigène. Tout au fond de lui subsiste, latente, une honte vis-à-vis de l'ignorance et du rejet orchestrés par son monde blanc envers les Aborigènes de ce pays acquis par la force. Une connaissance limitée à quelques clichés, des rapports inexistants sous peine d'être rejeté par sa race et une volonté de les tenir à l'écart, le plus loin possible, résument l'attitude des siens envers les autochtones.
Lorsqu'il explique, en classe, qu'il a vécu 40 ans avec un crâne aborigène dans le salon parental, un crâne qui fut baptisé Mary mais qui se révéla finalement être celui d'un homme, il suscite incrédulité, horreur, dégoût. Il réalise alors que dans sa famille, l'Aborigène est au même stade que le kangourou ; un emblème indésirable.
Hanté par le regard des autres, il se décide à rechercher le crâne qu'il avait fait cacher afin de ne pas effrayer ses propres filles. L'ayant retrouvé, un sentiment brumeux se profile ; celui de ramener Mary chez lui, sur sa terre. Au nom de la dignité des morts, il réussit à convaincre son père de la nécessité de cette restitution.

Lors de la rédaction de ce récit, la honte refait surface alors qu'il se doit de poser sur le papier tous les stéréotypes affreusement et injustement négatifs que les siens attribuaient à ce peuple noir, dans leurs conversations, dans les films d'alors, lourds de préjugés de toutes sortes, dans d'ignobles blagues racistes.
C'est pour lui, subitement, à l'image d'une déflagration, la douloureuse mise en lumière du racisme. Les informations qu'il avait sur ce peuple indigène se cantonnaient à consolider la peur qu'il fallait en avoir, donc la haine, en ne montrant que leur côté coléreux face à l'injustice dont ils étaient bel et bien victimes dans leur propre pays.

La cérémonie de restitution de Mary est émouvante et ne peut qu'ébranler la pauvreté de notre monde moderne face à une si belle et totale humanité. Comment ne pas ressentir de la honte et du dégoût face à l'occultation, sans aucun scrupule, de l'importance que revêt pour ce peuple le fait que leurs ancêtres doivent demeurer au pays ? le colonisateur désire la terre pour satisfaire sa soif de conquêtes mais n'y éprouve aucun attachement profond comme ce peuple bien plus proche de la nature.
Au-delà de la cérémonie pour réparer cette profanation des restes de personnes qui avaient autant le droit, si ce n'est plus, de reposer dignement dans leurs terres, c'est un fil lancé entre deux peuples dont les premières interactions furent immédiatement haineuses, racistes.
L'auteur a désiré aller plus loin, a voulu creuser dans l'histoire de cette colonisation. Ce fut le constat de l'abomination du vol de bébés aborigènes pendant des décennies, des sites funéraires mis à nus pour effectuer des travaux d'irrigation ou de voirie, des dépouilles stockées dans des cartons poussiéreux remisés dans d'innombrables musées sous prétexte de recherches inexistantes, de la destruction des arbres qui constituaient l'habitat du cacatoès noir d'où la raréfaction de cet oiseau…
Il déplore la facilité de mettre des étiquettes sur des hommes, des coutumes, sans creuser plus avant dans leurs motivations bien plus belles, plus humaines et plus respectueuses que bon nombre de nos comportements dits civilisés. C'est finalement la pauvreté de notre vie qui éclatera aux yeux de John Danalis. L'homme blanc est fort pour juger que sa culture est celle qui doit être appliquée, tout en écrasant et profanant celle des autres.

On respire dans ce récit les senteurs de myrte citronné et d'eucalyptus, tout en cherchant des yeux les plumes rouges du cacatoès noir qui nous pousse son cri de défi « Karak, Karak ! » Cet oiseau agira comme messager, guidera notre narrateur pour lui ouvrir les portes de ce monde aborigène qui le bouleversera jusqu'à l'extrême.
Ce récit suscite aussi une profonde réflexion sur l'absence de rites et de totems étroitement liés à la nature de notre civilisation qui pourraient pourtant apporter une plus belle harmonie de vie et surtout un respect plus profitable à la terre qui nous héberge.
Il y a des passages particulièrement chargés d'émotions, dans l'évolution de l'opinion du père, dans le soulagement manifesté par la mère, mais aussi dans la simplicité et la générosité des Aborigènes contemporains. Ils font monter la larme à l'oeil.

C'est un récit d'une très grande franchise, empli d'humilité. Je remercie vivement Babelio pour cette proposition de Masse Critique privilégiée ainsi que les Editions Marchialy pour leur magnifique ouvrage édité avec un si grand soin.
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L'auteur, John Danalis qui reprend, à la quarantaine des études de littérature aborigène, annonce, en classe que son père possède, sur une étagère, dans son salon, un crâne aborigène, qui, bien qu'il s'agisse de celui d'un homme, est appelé Mary. Devant le tollé général il entreprend de rendre le crâne à son peuple.
Oui, mais, bien entendu, ce n'est pas aussi facile à faire qu'à dire.
D'abord il faut convaincre le père de céder le crâne puis l'oncle car c'est lui qui l'a trouvé et offert à son frère. Pas facile mais il y arrive.
Le gros morceau restant étant de trouver de quel peuple est originaire le défunt ou ce qu'il en reste et comment se pratique ce genre de rétrocession.
Il s'ensuit une recherche géographique et de localisation avec un spécialiste aborigène de l'université d'où il ressort que le peuple est celui des Wamba Wamba. Une initiation doit être mise en place ainsi qu'une cérémonie de réenterrement officielle. le tout en présence des membres de la communauté.
Le cacatoès noir à plumes rouge est l'animal totem des Wamba Wamba et entre fumigations, poèmes, discours et air de didjeridoo, une plume de cet animal doit accompagner la mise en terre du crâne de Mary. Ce n'est pas une mince affaire que de trouver une plume de ce cacatoès!
L'auteur nous offre ici un récit, bien emballant, sur les rites et coutumes des natifs australiens. Peuples récriés, décriés et laissés pour compte par les colons blancs. Il gagnera une place privilégiée, ainsi que sa famille, auprès de ces peuples.
Il faut dire que c'est une belle et bonne plume qui nous conte cette aventure, on lit facilement tout en apprenant diverses choses aborigènes, instruments de musique, de culte, plantes et arbres, cuisine, bref une avancée, pour moi, dans cette nation connue, uniquement, par mes lectures de Arthur Upfield et son Napoléon Bonaparte pour ceux qui connaissent. Upfield est à l'Australie aborigène ce que Hillerman est à la nation amérindienne.
Le grand respect des aborigènes, de leurs ressortissants et de leurs coutumes pour leurs différentes nations, courtoisie, amabilité, respect des territoires, de la faune et de la flore montre ou démontre que la culture orale est aussi efficace, sinon plus que la culture écrite. Ici, également, un ancien qui meurt c'est une bibliothèque qui disparaît.
A lire à tous âges.
Je remercie Babelio pour cette jolie masse critique ainsi que les éditions Marchialy pour l'envoi de ce livre, j'en profite pour les féliciter de la qualité de cet ouvrage, couverture et maquette.

Lien : https://www.babelio.com/livr..
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John Danalis, l'auteur australien de « L'appel du cacatoès noir » a décidé de raconter sa propre histoire.
Dans un désir de surenchère vantarde, lors d'un cours de littérature indigène, il avait lancé au prof, et surtout à l'ensemble de la classe : "Eh bien moi… j'ai grandi avec un crâne aborigène sur les étagères du salon."

A partir de ce moment, il commence à rédiger un journal intime, en nous offrant les périples d'un processus à la fois personnel et universel de réconciliation interculturel, qui s'est révélé suffisamment détaillé pour me captiver, assez intimiste pour me toucher, et très agréable à lire grâce à son style doux amer collant parfaitement à la situation.

Où l'on découvre que nombre de restes humains aborigènes ont été expédiés aux quatre coins du globe, et que grâce à de belles rencontres, la restitution d'un crâne du siècle dernier, avec son rapatriement, et la cérémonie de ré-enterrement transforme un homme.
Faisant tantôt montre de douceur et de bienveillance, tantôt d'autodérision, John Danalis raconte sa métamorphose, et sa dépression post - Mary. Ce « représentant d'une famille qui avait profané les morts », « conditionné par une éducation blanche, découvre et commence à comprendre la raison des poings levés que brandissent dans les manifestations et les marches de protestation les aborigènes ».
Les morts ont donc aussi des droits.

- " Tu vas revenir là-bas. » a-t-il promis à Mary-le crâne.
A mesure que l'aventure avance, celui-ci réalise l'existence du profond respect qu'ont les aborigènes pour leurs morts "et, par-dessus tout, de l'importance (pour eux) de revenir chez soi, au pays". Mais défier les normes sociales régissant les relations interraciales australiennes se révèle encore aujourd'hui un sacré défi humain.

Alors, « Mère Terre fredonne ses douces cantates aux oreilles initiées », des « gens d'une authenticité réelle » et d'une « tranquille générosité d'esprit » font tomber pour quelques heures la fracture raciale de sorte que le périple inattendu de John D. se trouve transcendé par tant de lumières et d'amour. Et nous avec.

Attention, « l'appel du cacatoès noir » raconte donc « comment le racisme produit insidieusement de la haine, comment une culture a été réprimée depuis 200 ans », et dans les signes de cette humanité inattendue, une « relation originale » se nouera subrepticement entre une famille blanche australienne et les restes d'un Wamba Wamba depuis longtemps décédé (de la syphilis !).
Dans le crépitement des feuilles et le parfum d'eucalyptus, dans la danse des flammes, le temps se dissout pour un instant, JD bascule alors dans un univers parallèle où c'est lui l'étranger.

Ce beau récit nous dirige invariablement vers l'histoire de la « guerre de conquête non déclarée » que fut à partir de 1770, l'expansion des colons britanniques en Australie, et le calvaire des premiers habitants de l'Australie qui durera plusieurs siècles. Les fondations de ce pays prospère sont imbibées du sang de ses propriétaires originels, et un crâne oublié derrière la télé réveille et « instruit » une famille.
Quand James Cook a débarqué à Botany Bay, en Australie, en 1770, il a appliqué ses propres critères pour déterminer que cette terre n'appartenait à personne (« Terra nullius »). Dans son journal, l'explorateur britannique a décrit les Aborigènes – qui sont entre 300 000 et 1 million sur cet immense territoire (quatorze fois la France !) – comme une « nation errante, sans agriculture ni industrie » dont l'idéologie de Charles Darwin et les volontés expansionnistes de l'Empire britannique ne feront qu'une bouchée.

Mais, pour John, « La couche de vernis européen s'écaille » pour qu'il puisse « pour la première fois sentir le coeur battant et sans âge de la Terre vibrer ».
Peut-on sans scrupules profiter des privilèges liés à l'histoire sans accepter d'endosser aussi une partie des responsabilités liées à la colonisation et l'occupation ?
Est-il possible de dédommager les peuples humiliés et spoliés ?

Merci à Babelio et aux Éditions Marchialy, qui dans le cadre d'une opération Masse critique privilégiée, m'ont permis de lire un beau message d'humanité en me tournant vers l'Australie ancestrale. Ce fut un moment fort de lecture comme je les aime !





Lien : http://justelire.fr/lappel-d..
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Avant toute chose, je remercie Babelio et les éditions Marchialy pour cet envoi.
Un crâne exposé sur une étagère du salon, voila qui peut sembler anecdotique, mais c'est ce que révèle un jour John Danalis à ses camarades d'un cours de littérature indigène.
Il se souvient que durant toute son enfance, un crâne aborigène a trôné chez ses parents comme une curiosité.
Et c'est en le disant qu'il prend conscience de ce que cela implique, à la fois concernant le respect dû aux morts, mais aussi de la façon dont les australiens blancs traitent les aborigènes.
Il va donc entreprendre des démarches pour restituer le crâne à son peuple afin de lui donner une sépulture décente, et c'est tout ce cheminement qu'il nous raconte dans ce livre.
J'ai trouvé que l'idée de base était intéressante, mais j'ai été très étonnée de constater l'ignorance des australiens face aux conditions de vie et aux sévices infligés aux aborigènes depuis des décennies.
L'auteur semblait par exemple ignorer que de nombreux bébés et enfants aborigènes avaient été enlevés à leur famille pour être élevés dans des lieux éloignés de leur famille, où on leur interdisait de parler leur langue et où on les dépouillait de leur culture, tout comme les américains l'avaient déjà fait avec les amérindiens par exemple.
L'auteur semble prendre conscience qu'il existe de forts préjugés contre les aborigènes et un racisme évident face à ce peuple.
J'aurais compris si ces propos venaient d'un enfant, mais d'un adulte, cela me semble un peu étrange, à moins que les australiens soient tous complètement ignorants, ce dont je doute.
J'ai trouvé que le récit était un peu délayé, 300 pages pour raconter que l'auteur avait entrepris des démarches pour rendre le crâne et qu'avec sa famille il avaient assisté à une cérémonie émouvante de restitution, c'est quand même un peu long.
Avis mitigé donc pour ce récit qui présente un intérêt mais qui est un peu trop long et dont les propos sont parfois un peu simplistes, notamment concernant le racisme et la tolérance.
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Fermez les yeux et projetez-vous mentalement dans votre lieu de travail, là où vous passez le plus clair de votre temps. Vous fouillez dans les tiroirs, armoires, vitrines, et là, vous tombez sur des cartons que vous ouvrez, un peu surpris, puis totalement déstabilisé : vous venez d'ouvrir un carton d'ossements étiquetés à votre nom, celui de votre famille.

Fermez encore les yeux et cette fois, situez-vous dans le salon de votre enfance. Exposé sur la plus haute étagère, bien en vue, trône un crâne humain. Vous avez sept ans et durant toute votre enfance, vous avez été terrorisé par « Mary », ainsi gentiment nommé par votre père, vétérinaire, qui l'a rapporté du bush australien.

Ceci est vraiment arrivé, en 2005, à deux hommes qui n'auraient jamais imaginé partager une telle histoire.

Le second s'appelle John Danalis, il écrit ce livre pour raconter son chemin dans la culture aborigène, Wamba Wamba exactement.

Le premier s'appelle Jason, c'est un grand Noir, Aborigène stagiaire au musée de Melbourne dans le département « Indigènes ».

Nous plongeons dans une aventure extra-ordinaire, un parcours initiatique vers une culture méconnue, méprisée souvent, un cheminement vers ce qu'on est en profondeur, vers la connaissance, vers le pardon. John se connaîtra mieux, son père, le pilleur de tombes, y fera son chemin également.

John a honte d'être le fils et le neveu de deux médecins du bush qui n'ont rien trouvé à redire à exposer ainsi un crâne humain. Sa plus grande victoire sera de voir son père découvrir et respecter des gens profondément méprisés en Australie : les Aborigènes. Grâce à John, « Mary » (qui en fait est un homme) retrouve sa place, sa dignité, le respect, lors d'un retour difficile vers les siens puis une cérémonie de « ré-enterrement ».

Avec lui, nous apprenons que plus de 15000 « dépouilles » dorment dans les tiroirs des labos de sciences, dans les universités, chez les collectionneurs. Et combien d'autres dont ne sait rien?
Grippe, tuberculose, coqueluche, rougeole et syphilis : les cadeaux apportés aux natifs par les soldats anglais, les bagnards, les colons.

On découvre aussi que pour creuser des canaux d'irrigation, les Blancs ont dévasté des tumulus de pierres, coquilles, (connus sous le nom de « fours de campement »), tumulus qui abritaient des milliers de dépouilles aborigènes.

John nous fait partager ses émotions : son indignation, son irritation devant les clichés et idées toutes faites, le racisme , son amitié immédiate avec les Aborigènes rencontrés, leur simplicité, leur gentillesse à l'égard de ceux qui ont tant insulté leurs ancêtres.

Le témoignage est parfois empreint de mysticisme, le crâne et les ossements semblant être connectés à la réalité des événements et les guider. Et surtout porter malheur à ceux qui les ont ramassés. On y parle de la cosmogonie aborigène, des mythes, de l'art de la peinture sur écorce que les natifs se réapproprient.

Un livre riche, sensible, intelligent. Et une traduction manifestement de qualité. Nous découvrons avec bonheur la culture aborigène, (et pas seulement le didgeridoo et les gravures sur écorce du Musée de l'histoire de l'immigration du Palais de la Porte dorée).

Plaisir supplémentaire : le livre est beau, avec sa couverture cartonnée illustrée de plumes de cacatoès noir, cet étrange oiseau qui joue du tam-tam avec son bec, totem des Wamba Wamba !
Un grand merci aux éditions Marchialy et à Babelio pour ce joli cadeau.

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