— Du neuf ? je fais, non, rien, si ce n'est que cette truffe de Mireille ne sait pas se servir d'un feu. Elle a voulu m'assaisonner et c'est votre copain Charles qui a bloqué dans la calbombe la bonne marchandise.
— C'est la première fois qu'il a quelque chose dans la tête, fait Angelino, en guise d'oraison funèbre.
— Je vais vous charger d'un sale boulot, vieux...
— Allez-y, je suis là pour ça, non ?
— Un boulot qui sort un peu du cadre de vos activités...
— Y a pas de cadre à mes activités, boss.
Il a l'air du gars qui a porté son cerveau au mont-de-piété et qui a perdu le récépissé.
Il est mort !
Je ne sais pas lequel des deux types présents a proféré ces mots.
Il l'a fait, en tout cas, avec la voix d'un somnambule brutalement éveillé.
Il y a de l'angoisse là-dedans et aussi beaucoup d'incrédulité. Qu'un type diminué, lié à un siège soit parvenu à tuer son bourreau, voilà qui les dépasse et les plonge dans un trouble enchantement.
Les regards qu'ils me décochent sont emplis d'admiration. Pendant un instant, ce qu'ils éprouvent à mon endroit confine à la ferveur.
Je crache à plusieurs reprises ce sang étranger qui m'emplit la bouche.
— Voilà le travail, je leur dis... Avez-vous d'autres spécialistes de la question à me soumettre ?
Je le regarde en me demandant si ce type est directeur des services secrets ou bien si c'est lui qui décharge les wagons de marchandises à la gare de l'Est.
Lorsque votre chef vous demande à brûle-pourpoint ce que vous pensez d'un copain, on ne peut que la boucler un instant, ne serait-ce que pour se demander ce qui le pousse à poser une question pareille et aussi comment on va y répondre.
Tout ça c'est le train-train quotidien, c'est tiède, c'est la bonne vie... On pourrait croire que tout est bien réglo, bien ratissé... Seulement nous vivons une illusion. Une illusion de paix. Wolf est un traitre et je dois le descendre...
L'autre est un Ricain et, fatalement, il a un nom ricain. Il a sûrement été conçu par un planteur de courges, ça se manifeste par son visage aussi expressif qu'un écran de cinéma pendant une panne de courant. Il mâche de la la gum pour faire tout à fait gangster et il a l'air du gars qui a porté son cerveau au Mont-de-Piété et qui a perdu le récépissé.
La rue Gerbillon est l’une des plus calmes de Paris. Des immeubles confortables, des magasins discrets, des chiens qui reniflent les bordures de trottoir, vous voyez le style ?
Au moment où je tends la main vers la sonnette, la porte s’ouvre. Un rectangle de lumière orangée tombe sur mes épaules et, juste au milieu de ce rectangle lumineux, se tient une souris qui couperait les bras à un manchot.