On a beau dire, mais la distance contribue à l’éloignement, comme disait le grandphilosophe chinois Lâ Pâ Lis.
C’est tout de même bizarre de trouver au même endroit des loups affamés et des moutons perdus, vous ne pensez pas, mes petites chéries, vous qui avez de la jugeote, pleins les tiroirs de vos slips ? Y a que dans les fables de La Fontaine qu’on trouve les loups et les agneaux réunis.
Si au moins ce mouton était une brebis, on pourrait la traire, regrette le Gros. Mais avec cette paire de cornes en coquille d’escargot c’est même pas la peine de lui explorer le sous-sol !
Notre boussole est morte ! Nos couvertures n’existent plus. Nous voici dépouillés jusqu’à l’os. Nous n’avons même plus de poils occultes.
[…] le bruit se renouvelle, très présent. Un bruit qui vous file du court-jus dans la moelle. C’est un hurlement prolongé, aigu, terrible. Il fait mal partout : aux oreilles, aux nerfs, à la viandasse. Il vous coupe le souffle, vous bloque les éponges, vous recroqueville les radis, vous défrise les poils, vous ride le mamelon et vous déguise coquette en tirette de chasse d’eau.
L’air est frais. Et le silence entier de la nature éteinte me siffle aux oreilles comme le Mistral dans une coquille de bigorneau.
J’ai jamais vu un type que les cellules grises fourmillent autant. Et, les tiennes, elles font pas la colle comme le caviar.
Un petit truc rond tombe d’un œil du Vieux et s’écrase sur mon buvard. On regarde : pas d’erreur, c’est bien une larme, une vraie. D’où est-ce que ça lui sort, ce machin-là ? Je le croyais tari à bloc, pire que le désert du Sahara, le Big Boss.
Tout en causant, on vidait des Bourbons. Pas le Vieux : lui, il scandalisait ces messieurs en éclusant du jus de fruit, ça me faisait si tellement honte que, pour nous compenser le prestige, je sifflais mes godets de whisky cul-sec. C’est ça qui a été cause de tout. Au dixième, j’étais beurré comme un Petit-Lu.
On se répartit les effusions, on se distribue l’émotion, on se l’émiette, on se la fait goûter, on se l’entre-grume, on se la lèche, on se la boit, on se la décerne, on se la cerne, on y patauge, on la distille, on l’alimente, on l’éclabousse. D’autres bras m’enlacent, d’autres lèvres me composent. Je pleure aussi. J’ai le malheur qui ronronne dans ma poitrine comme le moteur d’un rasoir électrique.