Une histoire d'amour banale. Certes elle est blanche, il est noir… quoi d'étrange ? Mais Marie Darrieussecq en fait une œuvre captivante, presqu'à suspense, et surtout une œuvre riche et subtile. De surcroît dans un style limpide, précis mais tonique et harmonieux, sans pédanterie aucune… ce qui devient rare, tant d'écrivains se regardant écrire ! Un seul bémol. Cette aliénation de l'amante m'a paru peu réaliste pour une femme indépendante et moderne comme elle.
Quoi qu'il en soit, la construction du livre est très réussie, la première partie se situant dans la société cinématographique d'Hollywood, factice et superficielle, et la seconde dans la brousse africaine, âpre et hostile. Le contraste est admirablement rendu et peut-être lourd de sens. Pour ma part, j'ai trouvé la partie africaine plus prenante. Un très beau roman.
on prend la mer et on atteint un fleuve
C'était comme si avant lui, il n'y avait rien. Comme si le temps commençait avec les matins contre lui. Qu'avait-elle fait toutes ces années? Avant cette intensité?
Est-ce qu'il n'était pas physiquement insupportable d'être à deux endroits à la fois, est-ce que la planète, dans sa rotation, ne se vengeait pas d'être ainsi dédoublée?
Kouhouesso fumait, appuyé à un bidon de Castrol, et elle eut à nouveau un flash-back de son père quand elle était petite, cette beauté, cette force, cette absolue fermeture sur soi.
Oublier qu’elle était blanche, toute leur politesse était là. Et elle, elle l’oubliait. Et K., elle l’oubliait, un peu ; elle le diluait dans la fête autour du pangolin, elle le voyait partout mais nulle part, elle souriait à tous. Vouloir se faire aimer de tout le monde plutôt qu’un seul, ça lui faisait comme un repos.
Comment avait-elle fait, sans son descriptif inlassable ? C’était comme être privée de ses propres yeux. De ses propres mains, songeait-elle en les prenant dans les siennes. De sa propre tête sur son propre cou. De sa propre voix douce et mouillée. Elle l’embrassait, dans le creux sous la pomme d’Adam. Et elle lui demandait si sa tendresse l’ennuyait, et il lui répondait : pourquoi m’ennuierait-elle ?
Les deux cents figurants refusaient d’être filmés nus. Une épidémie. Une sorte de mode. Même à moitié nus, non : quelle image voulait-on donner de l’homme noir ? On les prenait pour des sauvages. Nus c’étaient les Pygmées.
Seuls les gens sans vision s'échappent dans le réel.
Deux mois et demi. Au bout de combien de temps se rompt un lien ? se dénoue une histoire ? L’amour, lui, empirait. L’amour idiot, celui qui empêche de vivre. Le désir qui est une des formes de l’enfer. Ciao ma belle. Bien des choses.