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Citations sur Truismes (40)

«  L’imaginaire est toujours hanté par la vie » .
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Je me suis approchée des arbres. C'était la première fois que je voyais des arbres aussi hauts, et qui sentaient si bon. Ils sentaient l'écorce, la sève sauvage ramassée à ras de tronc, ils sentaient toute la puissance endormie de l'hiver. Entre les grosses racines des arbres la terre était éclatée, meuble, comme si les racines la labouraient de l'intérieur en s'enfonçant profondément dedans. J'y ai fourré mon nez. Ça sentait bon la feuille morte de l'automne passé, ça cédait en toutes petites mottes friables parfumées à la mousse, au gland, au champignon. J'ai fouillé, j'ai creusé, cette odeur c'était comme si la planète entrait tout entière dans mon corps, ça faisait des saisons en moi, des envols d'oies sauvages, des perce-neige, des fruits, du vent du sud. Il y avait toutes les strates de toutes les saisons dans les couches d'humus, ça se précisait, ça remontait vers quelque chose. J'ai trouvé une grosse truffe noire (...), j'ai croqué dans la truffe, du nez le parfum m'est entré dans la gorge et ça a fait comme si je mangeais un morceau de la Terre. Tout l'hiver de la Terre a éclaté dans ma bouche, je ne me suis plus souvenue ni du millénaire à venir ni de tout ce que j'avais vécu, ça s'est roulé en boule en moi et j'ai tout oublié, pendant un moment indéfini j'ai perdu ma mémoire. J'ai mangé, j'ai mangé. Les truffes avaient la saveur des mares quand elles gèlent, le goût des bourgeons recroquevillés qui attendent le retour du printemps, le goût des pousses bandées à craquer dans la terre froide, et la force patiente des futures moissons. Et dans mon ventre il y avait le poids de l'hiver, l'envie de trouver une bauge et de m'assoupir et d'attendre.
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J’ai passé une nuit horrible. A peine m’assoupissais-je sur mon tabouret que des images de sang et d’égorgement me venaient à l’esprit. Je voyais Honoré ouvrir la bouche sur moi comme pour m’embrasser, et me mordre sauvagement dans le lard. Je voyais les clients faire mine de manger les fleurs de mon décolleté et planter leurs dents dans mon cou. Je voyais le directeur arracher ma blouse et hurler de rire en découvrant six tétines au lieu de mes deux seins. C’est ce cauchemar-là qui m’a fait me réveiller en sursaut. J’ai couru vomir à la salle de bain, mais l’odeur des rillettes m’a soulevé le cœur encore plus. Ça a fait comme si mon intérieur se retournait, le ventre, les tripes, les boyaux, tout à l’extérieur comme un gant à l’envers. J’ai vomi sans pouvoir m’arrêter pendant plusieurs minutes. Après j’ai ressenti le besoin urgent de me laver. Je me suis frottée sur tout le corps, savonnée dans les moindres recoins, je voulais enlever tout ça. Il y avait une odeur très particulière attachée à ma peau. Les poils surtout me dégoûtaient. Je me suis séchée soigneusement dans une serviette bien propre, je me suis frottée au talc, et je me suis sentie un peu mieux. Ensuite, je me suis rasé les jambes et, comme je pouvais, le dos. Un peu de sang a coulé, c’est difficile de se raser le dos. La vue du sang m’a pétrifiée. (p. 52)
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Honoré m'a embrassée sur le front et m'a dit que puisque j'étais en beauté ce soir, il m'invitait à l'Aqualand. J'en aurais pleuré de joie.
Il y avait une cabine réservée au nom d'Honoré quand nous sommes arrivés. Cela m'a fait un plaisir immense que de son coté il ait tout organisé. Dans la cabine, Honoré a fait un effort sur lui-même et il m'a sodomisée. Je crois qu'il ne pouvait même plus penser à mon vagin. Moi, penchée en avant, j'avais pour ainsi dire une vue imprenable sur ma vulve, et je trouvais qu'elle dépassait étrangement ; en quelque sorte les grandes lèvres pendaient un peu plus que la normale, c'est pour ça que je pouvais si bien les voir.
Dans "femme-femme" ou "ma beauté ma santé", je ne sais plus, j'avais lu que le plat préféré des Romains, et le plus raffiné, c'était la vulve de truie farcie. Le magazine s'insurgeait contre cette pratique culinaire aussi cruelle que machiste envers les animaux.
Je n'avais pas d'avis sur la question, je n'ai jamais eu d'opinions bien précises en politique.
Honoré a terminé. Nous sommes sortis de la cabine.
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Je cherchais donc un travail. Je passais des entretiens. Et ça ne donnait rien. Jusqu'à ce que j'envoie une candidature spontanée, à une grande chaîne de parfumerie. Le directeur de la chaîne m'avait prise sur ses genoux et me tripotait le sein droit, et le trouvait visiblement d'une élasticité merveilleuse. A cette époque de ma vie les hommes s'étaient tous mis à me trouver d'une élasticité merveilleuse.
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J'ai senti la solitude au creux de la poitrine, là, avec violence, avec terreur, avec jouissance ; je ne sais pas si vous pouvez comprendre tout ça en même temps.
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Il y avait quand même des satisfactions. Les clients, une fois qu'ils avaient eu leur comptant, avaient toujours un petit mot gentil pour moi, ils me trouvaient ravissante, parfois ils employaient d'autres mots que je n'oserais pas écrire mais qui finalement me faisaient autant plaisir.
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Je sais à quel point cette histoire pourra semer de trouble et d'angoisse, à quel point elle perturbera de gens. Je me doute que l'éditeur qui acceptera de prendre en charge ce manuscrit s'exposera à d'infinis ennuis. La prison ne lui sera sans doute pas épargnée, et je tiens à lui demander tout de suite pardon pour le dérangement.
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Dans tout mon corps j'ai viré à nouveau avec le tournoiement de la planète, j'ai respiré avec le croisement des vents, mon cœur a battu avec la masse des marées contre les rivages, et mon sang a coulé avec le poids des neiges. La connaissance des arbres, des parfums, des humus, des mousses et des fougères, a fait jouer mes muscles.
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Heureusement, il restait des fidèles, une poignée de doux dingues. Ceux-là me faisaient toujours mettre à quatre pattes, me reniflaient, me lèchaient, et faisaient leurs petites affaires en bramant, poussaient des cris de cerf en rut, enfin, ce genre de choses.
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