Les frères et les soeurs qui se succédaient rapidement, descendaient de ce même peuple dont l'air noble, sombre et fier, se mélangeait à des attitudes sauvages que brisait un rayonnement de douceur très profond et comme caché. En fait, de l'or brut coulait dans tous ces personnages d'encre.
"J'ai fini la lecture des "Voyageurs au Sang d'Or". J'ai fait un voyage magnifique grâce à cet ouvrage remarquable. J'avais l'impression d'être dans la roulotte avec eux ! Je suis très heureuse d'avoir fait plus ample connaissance avec le peuple Rom... et désire encore davantage un jour participer aussi au pèlerinage des Saintes Maries de la Mer."
"Lui aussi apprit à déceler les signes, à boire dans le gobelet d'argent utilisé depuis des générations, à lire dans les quatre livres sacrés, à être fier de porter du sang doré dans les veines, à reconnaître les trois étoiles d'orient et qui guident leur destin, à déchiffrer les grimoires, à croire en la vertu des talismans, à utiliser le pouvoir des forces occultes, à boire le thé brûlant, à ne pas frôler les jupes des femmes, à respecter les aînés, à croire aux dons surnaturels, à admettre la destinée, sachant que ce qui est écrit contient à la fois chance et malchance, pur et impur, sacré et prophane."
Et la course vers le soleil couchant reprit comme si un fil invisible se mettait à tirer par intermittence et à la secousse duquel ils ne pouvaient résister.
Une grande force, un effluve d'énergie, une onde immense venait ébranler ces voyageurs privilégiés au fin fond d'eux-mêmes et ils répondaient inconditionnellement sans qu'ils connussent la véritable cause perdue depuis des générations dans la mémoire collective.
Parce qu'un jour fut insufflé en eux le désir de partir ; siècles après siècles, millénaires après millénaires peut-être, ils planteraient leur campement pour le lever quelques jours, quelques semaines après, mûs par le grand mouvement cyclique qu'ils sentaient vibrer en leurs entrailles.
Le grand chariot stellaire inversé reprenait sa course sur l'orbe terrestre.
Le long fleuve sans source coulait vers une mer jamais atteinte.
La quête les tiendrait jusqu'à leur dernier souffle pour être reprise ensuite par leur descendance, quête sublime née du mystère qui les alimentait, les poussait, forgeait leurs rêves.
Les obscures racines de leur destinée leur donnaient une vérité inaltérable d'hommes authentiques encore liés aux mystères cosmiques, aux grands symboles de leur histoire, exceptionnellement unis avec leurs dieux oubliés.
Ainsi vivaient-ils dans l'infini sillage émanant de leur patronne, dans cette chaude et douce ombre illuminée de l'intérieur, dans cette invisible mais prodigieuse aura de leur vierge noire, et l'or coulait en leurs veines.