Histoire de la création et diffusion d'un film documentaire retraçant le combat d'hommes contre le patronat et le décès d'un des leurs. Nous apprenons ici cette histoire avec la belle mise en scène de Davodeau.
Commenter  J’apprécie         20
En avril 1950, mon père était ouvrier dans le bâtiment, embauché comme maçon, alors qu'il avait une formation de charpentier. Mais à cette époque, c'était le métier de maçon qui était le plus sollicité, compte tenu du contexte. Il travaillait à Brest, il avait alors vingt-cinq ans, un jeune homme en plein dans la force de l'âge. Il participait à sa manière à la reconstruction de la ville qui fut en grande partie dévastée par les bombardements de la seconde guerre mondiale sous lesquels il était aussi présent en tant que résistant. De cette reconstruction, va surgir une ville qui est à peu près semblable à celle que je connais aujourd'hui, que je vois au moins une fois par semaine, dans laquelle j'ai fait toutes mes études. Une ville aux rues rectilignes, d'allures staliniennes, grises. On pourrait dire que cette ville est laide. Et pourtant, l'âme qui y règne, son atmosphère, ce sont des choses très fortes. C'est une ville portuaire. Elle a continué de garder cela, ce côté porté plus vers les lointains que la Bretagne profonde, celtique. Ce n'est pas une ville bretonne, ce n'est pas cette âme-là qui y règne. C'est une ville ouvrière, portée vers l'horizon. Il y a aussi une âme fortement humaniste, associative, militante sur bien des sujets, culturelle aussi. C'est un peu comme s'il y avait la Bretagne et puis Brest, comme une enclave, comme une île. C'est une ville où il est très agréable de vivre, malgré ces horribles murailles grises qui enlaidissent la ville, rayent le regard au premier abord, se dressent de chaque côté de la rue de Siam, au-dessus du Port, devant le goulet qui mène vers le grand large et un peu partout tout autour. C'est une ville magnifique si l'on prend le temps de s'y attarder.
Lorsque la BD, Un homme est mort, est sortie, c'était je crois en 2006. Un couple d'amis me l'avait offert en cadeau d'anniversaire. Mon père était décédé depuis vingt-deux ans déjà. Je n'ai donc pas pu le questionner sur les grèves de 1950. Ma mère, aujourd'hui décédée depuis peu, s'en rappelait, mais déjà âgée, elle ne savait pas donner beaucoup de détails. Elle savait seulement que mon père était en grève comme la plupart de ses collègues de travail.
Alors, forcément, la BD écrite par Etienne Davodeau pour les dessins et Kris pour le scénario, m'a tout d'abord happé à titre personnel. C'est cela qui a été tout d'abord le chemin déclenchant. Ensuite, l'originalité du scénario m'a conquis. C'est l'histoire d'un film documentaire, dont le cinéaste est René Vautier, cinéaste militant, contesté par l'ordre établi, qui décide de venir tourner sur cette ville en état de siège, suite au décès d'un gréviste, Édouard Mazé, lorsque la police charge les manifestants.
Les auteurs se sont attachés aux faits, de manière très documentée. Kris qui habite près de Brest, que j'ai eu l'occasion de rencontrer au mois de juin dernier lors de la sortie sur Arte du film tiré de la BD, nous expliquait lors de ce colloque organisé par une librairie brestoise, son souci de la recherche du détail historique, c'est quelqu'un qui est insatiable dans la recherche documentaire qui précède un ouvrage. Il parlait aussi ce soir-là de l'amitié qui le lie à Étienne Davodeau, de leur complicité, de leur connivence. Cette connivence est essentielle en BD entre celui qui apporte l'écriture du texte et du scénario et celui qui dessine. Elle ne s'impose pas forcément et de manière naturelle. Parfois, cela ne fonctionne pas, disait-il. Ici pourtant ce duo est réussi. La justesse est au rendez-vous de leurs talents réunis, l'émotion aussi. La solidarité qui a précédé et suivi les événements est magnifiquement retranscrite. Et une humanité très forte, teintée parfois d'humour, se dégage de cette fresque sociale qui fait partie de l'histoire d'une ville que j'aime par-dessus tout.
Un seul regret, mon père aurait tant aimé lire cette BD...
Commenter  J’apprécie         5324
Voici à nouveau pour moi une leçon d'histoire : L'histoire de la reconstruction de Brest servant de "décors" à un événement qui a marqué les esprits en 1950, mais qu'on a oublié aujourd'hui : la mort d'un syndicaliste pendant une manifestation, tué par balle, par la police.... Ça fait froid dans le dos.
C'est l'histoire de ce cinéaste censuré au milieu de ces ouvriers, c'est aussi un peu l'histoire de ces ouvriers à la vie assez rude dans l'époque de la construction, mais qui font preuve d'une grande solidarité.
Et en bonus en fin de lecture, un dossier sur tout ça : la reconstruction, sur le cinéaste, sur un syndicaliste blessé, sur l'histoire du livre...
Une super lecture encore une fois
Commenter  J’apprécie         180
1950, Brest, complètement détruite par les bombardements de la seconde guerre mondiale, se reconstruit. Mais les conditions de travail ne sont pas idéales et les revendications des travailleurs sont ignorées alors des mouvements de grève voient le jour, jusqu'au drame, la mort d'un manifestant tué par les forces de l'ordre.
Un film a été réalisé à l'époque par René Vautier, reporter et enfant du pays, pour témoigner de l'engagement des ouvriers et de ceux qui soutenaient la lutte. Cette bd est un beau témoignage sur le tournage de ce film et sur la classe ouvrière de l'époque. Un dossier et des interviews viennent compléter le récit.
Commenter  J’apprécie         40
Une des nombreuses qualités de Davodeau : relater des faits avec justesse et précision....
Commenter  J’apprécie         10