AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,01

sur 104 notes
5
5 avis
4
8 avis
3
2 avis
2
0 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Osamu Dazaï (1909-1948), l'enfant terrible des lettres japonaises a composé Soleil couchant après la capitulation du Japon. le livre est publié en 1947 qui est aussi l'année de naissance de sa fille. En 1948 paraît son autre chef d'oeuvre, La déchéance d'un homme et puis Osamu se suicide. Dans Soleil couchant, le désenchantement stoïque, la révolte scandaleuse et l'angoisse auto-destructrice que l'écrivain confesse, sans masque, par l'intermédiaire de trois personnages se confond avec le profond désarroi de tout un pays au sortir de la guerre. "Shayō, le Soleil couchant" fait sensation dès sa sortie. Très vite, l'expression « peuple du Soleil couchant » se répand pour désigner l'aristocratie japonaise en voie de disparition. La force et la modernité du livre proviennent de cette authenticité incomparable associée à une très grande maîtrise littéraire. C'est aussi un livre qui fait la part belle aux femmes.


Kazuko, la jeune narratrice, vit avec sa mère qu'elle admire profondément dans une maison du quartier résidentiel de Nishikata à Tokyo. Elle est divorcée et privée d'horizons. En plein désarroi. La mort du père et la défaite du Japon lors de la Seconde Guerre mondiale ont considérablement réduit les ressources de la famille. Il a fallu à contre coeur écouter l'oncle Wada qui s'occupe du budget de la famille, vendre la villa, renvoyer les domestiques pour déménager dans une petite maison de la péninsule d'Izu, disposant d' un salon chinois et d'une grande chambre -supérieure- occidentale. La fragile harmonie de la vie à la campagne, où Kazuko cultive la terre et soigne sa mère malade est perturbée par l'apparition d'un serpent, symbole funeste dans la famille. Naoji, le frère de Kazuko, écrivain et ancien opiomane qui était porté disparu est de retour...

L'écriture d'Osamu Dazaï n'est pas linéaire mais spiralaire. le livre s'ouvre par la fin d'un dialogue. La mère est en train de manger un potage et pousse un cri. La narratrice pense qu'un cheveu est tombé dedans. La mère nie. Suit une ellipse où la narratrice décrit les différentes manières de tenir sa cuiller à soupe et présente les membres de la famille. En fait le cri de la mère n'est pas lié à un cheveu mais à un souvenir de mauvais présage. Un après-midi Kazuko alors petite fille avait brûlé les oeufs d'une couleuvre, pensant qu'il s'agissait de ceux d'une vipère et s'était fait gronder. Quand le père était mourant, la mère crut voir une corde noire au pied du lit. Il s'agissait d' un serpent qui se faufila dans le couloir et disparut. Alors qu'elle marchait près de l'étang afin de couper des roses pour le service funèbre, Kazuko le vit. Puis le même jour, elle le retrouva dans les iris alors qu'elle traversait un jardin (pour aller prendre un recueil de peintures de Marie Laurencin). Il fit frémir sa langue qui avait l'air d'une flamme, il paraissait chercher quelque chose. Elle pensa alors qu'il s'agissait d'une femelle. Mère et fille ont songé ensemble qu'il s'agissait de la mère des oeufs brûlés dix ans plus tôt. A présent Kazuko attribue la détérioration de la santé de sa mère au geste sacrilège des oeufs brûlés et culpabilise. Ce motif du serpent réapparaîtra à différents moments du roman avec celui du feu. Ils sont annonciateurs d'événements funestes mais aussi d'une renaissance à la fin du livre.

Autre caractéristique du style d'Osamu Dazaï, le recours aux journaux intimes et aux lettres à l'intérieur du récit. Les trois personnages ne communiquent jamais directement.
Naoji réapparaît et fait vivre un enfer quotidien aux deux femmes à cause de ses addictions et de son caractère suicidaire. La mère l'aime absolument sans jamais se plaindre. Kazuko est jalouse et révoltée. D'abord elle a un secret. Ensuite à cause des dépenses du frère pour acheter de la drogue et de la maladie coûteuse de la mère, l'oncle Wada suggère que Naoji se remarie. Trop, c'est trop ! Cependant elle tombe sur le journal intime de son frère. Elle découvre alors l'écrivain qu'il est, son désespoir et sa révolte. Kazuko enfermée dans son rôle de domestique et de garde-malade, de ses taches subalternes et répétitives, tombe amoureuse de Uehara, l'écrivain mentor de son frère. Elle lui écrit trois lettres sans obtenir de réponses...A la fin elle trouvera la lettre-testament de Naoji. Un texte magnifique à lui tout seul, testament de l'écrivain. Naoji demande à être enterré dans le kimono de sa mère. Kazuko a pris en son sein la force de sa mère et aussi la liberté individuelle de son frère. Elle est bien décidée à se battre dans ce Japon nouveau.

Il y aurait bien d'autres choses à dire sur ce court roman que l'on peut trouver dans deux traductions. Les pages sur la mère sont bouleversantes, le testament du frère est un texte sensationnel à lui tout seul, un cri. Je vous renvoie aux excellentes critiques des amis babelionautes.
Commenter  J’apprécie          599
Dans un quartier huppé de Tokyo, Nishikata, Kasuko, jeune femme de vingt-neuf ans vit avec sa mère. le père est décédé depuis une dizaine d'année et le frère, Naoji, est à la guerre.
Kasuko nous raconte les bouleversements de la société nippone après la guerre, qui a tout dévasté. Les valeurs ont changé, il faut s'adapter coûte que coûte. Mais comment faire face, quand on a eu une vie protégée ?
Les changements ne sont pas seulement matériels.
« Ma mère ne m'avait jamais, au grand jamais, parlé de sa détresse jusqu'à ce jour ; et ces violents sanglots étaient un spectacle qu'elle ne m'avait jamais encore donné. Ni lorsque mon père était mort, ni lorsque je m'étais marié, ni lorsque j'étais revenue enceinte chez ma mère, ni lorsque j'avais à l'hôpital mis au monde un enfant mort-né, ni, lorsque moi-même malade, je m'étais alitée, ni non plus lorsque Naoji s'était mal conduit…non, jamais ma mère n'avait laissé voir une telle détresse. »
Ces deux femmes, enfermées dans une relation silencieuse, vont devoir tout quitter pour s'installer à Izu, dans une propriété à la campagne. C'est l'exil.
Kasuko, montre les fissures créées par ces changements par un attachement obsessionnel à des détails : des oeufs de serpent brûlés, un feu déclenché par des braises mal éteintes, qu'elle rattache à la dégradation qu'elle observe chez sa mère. Et en même temps, le concept de devoir et d'honneur perdure : « A l'heure qu'il est, appartenir à la famille impériale ou à la noblesse, ce n'est plus ce que c'était ; et pourtant, si cela doit périr, j'ose le dire : périssons en beauté. »
Concernant Naoji, il est vivant mais il est retourné à son addiction : l'opium.
En conséquence Kasuko se voit assigner par son oncle Wada la tâche de se trouver un nouveau mari ou « travailler » mais selon un critère restrictif, question d'honneur et pour alléger les charges de l'oncle. Elle est piégée et va se révoltée contre ce diktat afin de trouver sa liberté.
Eclate enfin ce qui était tu et insupportable pour Kazuko : « Et vous, quand vous apprenez que Naoji va venir, me voilà tout d'un coup devenue pour vous un fardeau, et vous me dites d'aller me placer comme domestique dans une grande famille ! Trop, c'est trop ! »
Naoji va plonger le lecteur dans les affres de la création, écrivain conscient d'avoir du génie mais pas de reconnaissance et la dichotomie entre ce qu'il veut exprimer et ses écrits…
Une conscience prégnante que le suicide sera sa seule issue honorable (l'auteur s'est suicidé avec sa compagne à l'âge de trente-neuf ans).
« Pour un homme il est impossible de continuer à vivre sans se dire des choses telles que : je suis un être d'élite. »
J'ai aimé ce roman pour cette originale étrangeté qui pour moi préfigure une belle réflexion sur le monde et donne des clefs sur l'évolution de ce pays.
Une écriture double, féminine et masculine qui nous fait passer par différentes phases, de l'empathie à la distanciation, cet effet yo-yo qui nous garde en éveil sur un propos aussi profond que le style est fluide.
La noirceur que l'on met en exergue chez cet auteur me semble exagérée, elle me parait mâtiner de lucidité, que chacun choisit d'affronter ou non.
Oui le nihilisme de Dazai Osamu – Naoji est omniprésent mais la lumière est donnée à travers cette voix de femme qu'est Kazuko, c'est d'une force incroyable, car elle montre qu'après l'effondrement des valeurs qui suit la défaite du Japon en 1945, un pays qui voit tout disparaitre a tout à reconstruire. Qui mieux qu'une femme, qui s'est vu attribuer des rôles sans que la société ne s'interroge sur leur bien-fondé, peut relever les défis comme le déclassement et ses corollaires, le désespoir d'un monde qui sombre…interdite de séjour ou en exil dans sa propre société, elle ne peut qu'être l'étendard de la révolte nécessaire à la Vie. L'auteur est très original dans cette démarche et par son écriture qui sait se faire féminine quand c'est nécessaire, il montre un aspect qui caractérise le Japon à cette période mais va au-delà des frontières.
Au vu de ce qui se passe dans le monde actuel, certaines voix de femmes portent des révoltes salvatrices.
Si ce livre date de 1947, il reste sur une réflexion universelle et donne sens à la belle littérature, celle qui demande une lecture exigeante comme la vie.
Merci à Masse critique Babelio et aux éditions Les Belles Lettres.
Chantal Lafon-Litteratum Amor 21 octobre 2017.
Commenter  J’apprécie          62
Je remercie Masse Critique Babélio et l'éditeur Les Belles Lettres pour m'avoir fait confiance dans la lecture de ce livre.
Je suis une grande amatrice de littérature japonaise, aussi c'est avec un réel plaisir que je me suis plongée dans la découverte d'Ozumo Dazaï, auteur tourmenté que je ne connaissais pas.
Ici Kazuko, jeune fille divorcée de 29 ans, vit avec sa mère. Issues des milieux aisés mais sans le sou à l'issue la 2ème guerre mondiale, elles partent vivre à la campagne. La santé déclinante de sa maman entraîne Kazuko dans les réminiscences de sa vie passée et les perspectives qu'elle pourrait envisager. le retour de son frère, Naoji, après 6 ans d'absence, va les perturber. Jeune homme insouciant mais surtout drogué, a toujours compté sur sa soeur et sa mère pour le tirer de situations scabreuses.
L'ambiance est douce et dérive sur les analyses que fait Kazuko de son quotidien, des présages qu'elle interprète. Elle se prend d'amour pour un homme compliqué, se projette dans une histoire d'amour épistolaire à sens unique qui lui servira pour assoir sa construction psychique.
La préface du livre nous explique que l'auteur était très torturé, se laissant vivre entre excès d'alcool et de stupéfiants et dépression. Ici, on peut sans peine faire un corolaire avec Naoji. Les sentiments dépeints sont puissants, l'amour maternel étant la clé de voute d'une famille partant en dérive. Les mots et les phrases percutent le lecteur par la justesse qu'ils dévoilent. La bonté de Kazuko et de sa maman transpire à chaque page, aucune mauvaises pensées ne les assaillent ce qui crée un gouffre avec le frère Naoji, opportuniste, enfant gâté et profiteur. Malgré tout, cet homme nous laissera un souvenir marquant par sa décision ultime, s'expliquant sans phare sur ce qu'il ressent à l'intérieur de son corps dévasté par toutes ces substances ingurgitées.
Un roman magnifique, dont l'auteur a pris le parti de le faire vivre par la parole d'une jeune fille qui se considère déjà comme vieille, divorcée sans enfant, n'ayant pas de revenu mais qui voudrait changer tout ça, qui voudrait se voir ‘révolutionnaire' de sa vie et décider en son âme et conscience de ce qu'elle veut pour elle.
Un moment de lecture sans pareil, merci pour cela !
Enjoy !
Lien : http://saginlibrio.over-blog..
Commenter  J’apprécie          30
Soleil couchant est un très beau roman, sur la fin d'une époque et d'une caste. Kazuko, sa mère, son frère, sont des aristocrates et n'ont plus leur place dans la société japonaise, en train de se reconstruire après la seconde guerre mondiale. Non parce qu'ils n'ont plus les privilèges auxquels ils avaient droit, mais parce que plus personne ne reconnait leur raffinement culturel, leur extrême sensibilité. Il faut dire aussi que les enfants ont été littéralement broyés, soit par leur expérience d ela guerre (Naoji) soit par leur expérience de l'amour (Kazuko). Si le garçon perd pied, dans cette société qui n'a plus de place pour lui, la fille fait face et croit encore en un avenir possible.
Soleil couchant : un roman simple, à l'écriture ciselé, à lire pour tous ceux qui veulent en savoir plus sur le Japon d'après guerre.
Commenter  J’apprécie          30
Commenter  J’apprécie          00


Lecteurs (320) Voir plus



Quiz Voir plus

Les mangas adaptés en anime

"Attrapez-les tous", il s'agit du slogan de :

Bleach
Pokemon
One piece

10 questions
890 lecteurs ont répondu
Thèmes : manga , littérature japonaiseCréer un quiz sur ce livre

{* *}