Vous, vous êtes disposés à parler d'accidents du travail quand il s'agit en réalité d'homicides de travailleurs, poussés au-delà des limites de leur résistance et des conditions de sécurité.
C'est le parfait objectif du pouvoir, arriver au plus haut degré d'incompétence et décider de tout.
J’avais été amoureux avant de te connaître, mais jamais longtemps. Je cessais de l’être aux premières contradictions.
Avec toi, j’ai appris l’amour qui maintient sa prise et sa durée au-delà des disputes, des différends, des défauts, jusqu’à les aimer aussi. C’est l’amour pour ton air contrarié, tes explosions et le retour des sourires ensuite.
J'apprends à nouer une amitié avec le temps. Je me présente comme une personne de son âge. Le temps est là pour toujours et moi aussi, même si mon "pour toujours" est plus bref. Nous coïncidons dans les mêmes minutes, peu importe l'espace, nos immensités peuvent être contenues dans quelques centimètres. Tu y es toi aussi et rien d'autre ne compte pour moi.
Les montagnes sont comme les livres, des rencontres. On ne se baigne pas deux fois dans la même eau, disait un philosophe grec, on n'escalade pas deux fois la même montagne, parce qu'elle est différente comme la lecture de Pinocchio faite à dix ans puis à cinquante ans.
On peut avoir un curieux comportement en montagne. Si l’on sent quelqu’un derrière soi qui grimpe plus vite, on accélère pour ne pas se faire dépasser. C’est enfantin, mais fréquent. Il est évident que si l’autre est plus rapide, on sera rattrapé. Celui qui est devant force le rythme et devra bientôt ralentir ou s’arrêter pour reprendre son souffle. Il y a ceux qui font semblant de lacer leur chaussure, de regarder le panorama, de prendre une photo. S’il s’agit d’un couple, alors j’entends l’homme qui invite la femme à monter plus vite. Il le dit à haute voix, il tient à me faire savoir que, lui, grimperait beaucoup plus rapidement. Quand c’est moi qui tombe sur quelqu’un de plus rapide, je ralentis et je lui cède le passage. Je n’aime pas avoir quelqu’un dans le dos.
La langue est un système d’échange comme la monnaie. La loi punit ceux qui impriment de faux billets, mais elle laisse courir ceux qui écoulent des mots erronés. Moi, je protège la langue que j’utilise.
Avec toi j'ai appris le mot " amour" et les jours oeufs de Pâques , chacun avec une surprise à l'intérieur.
Mettez-le sur un autel pour en faire une idole. Il vous offre un salaire et vous paiera une bonne retraite. Je reste laïc face à l'État, je ne partage pas ses liturgies.
Au cours de l'interrogatoire, je me suis mis à parler de Leonardo Sciascia, de l'époque où il était passé d'écrivain à parlementaire. Mais avec toi, je préfère rappeler son écriture. J'ai été un de ses heureux lecteurs. J'aime la brièveté de ses récits, l'empreinte sicilienne qui ne se laisse pas aller à la cadence du dialecte. C'est une Sicile intérieure. Il propose des héros isolés face au système et à l'accoutumance aux torts.
Dans une de ses phrases dont je me souviens mal, il écrit que la vérité est au fond du puits. Si on se penche on voit le reflet du soleil ou de la lune. Mais, si on descend dans le puits, on ne trouve ni l'un ni l'autre. On trouve la vérité. C'est ainsi, il faut descendre ou tomber dedans. Le magistrat par exemple m'interroge de l'autre côté de la margelle. Il ne descend pas, il se penche tout au plus.