Je posais des questions sur la guerre parce que je suis du XXe siècle, né en sa moitié, et j'aurais voulu l'être plus, être né avant pour y participer davantage et mourir dedans, peut-être même le 31 décembre 1999. Quand mon coeur s'est arrêté à l'hôpital, m'offrant l'expérience de la mort, j'ai pensé au soulagement de mourir avant elle.
Je n'aimais pas les feux d'artifice, leur imitation du volcan en flammes. J'étais intrigué par l'émerveillement qu'ils provoquaient, l'antique admiration pour le feu. Chez moi, non, pourquoi ? Je l'ai compris en montagne, quand j'ai vu ma première cascade au milieu des rochers et du bois. Elle m'éblouissait, je m'approchai de son vacarme, me déshabillai et me fis tremper par la poussière d'eau émiettée. À l'intérieur passait le spectre d'un petit arc-en-ciel. Là, j'ai su que la cascade est une merveille différente du feu d'artifice. J'aime la neige, la grêle et le saut à pic d'une cascade. J'admire l'avalanche, l'air déplacé comme une gifle, l'écroulement d'une paroi qui se détache avec sa charge de neige. J'aime l'eau qui plonge en descente, mais pas le feu qui s'élance vers le haut et veut monter, se cabrer et s'effriter en cendres.
J'avais maintenant dix ans, un magma d'enfance muette. dix ans, c'était un cap solennel, on écrivait son âge pour la première fois avec un chiffre double. L'enfance se termine officiellement quand on ajoute le premier zéro aux années.
En mer, c'est pas comme à l'école, il n'y a pas de professeurs. Il y a la mer et il y a toi. Et la mer n'enseigne pas, la mer fait, à sa façon.
…je m’évadai dans mes pensées, qui arrivent de loin et s’en vont à la manière des vagues avec la barque. Elles passent dessous et la font osciller.
A travers les livres de mon père, j'apprenais à connaître les adultes de l'intérieur. Ils n'étaient pas les géants qu'ils croyaient être. C'étaient des enfants déformés par un corps encombrant; Ils étaient vulnérables, criminels, pathétiques et prévisibles. Je pouvais anticiper leurs actes, à dix ans, j'étais un mécanicien de l'appareil adulte.
Les larmes reviennent bras dessus bras dessous, deux par deux, se penchent sur le bord et plongent des cils sur mon pantalon, tandis que je pose mon front sur mes mains vides.
Aujourd'hui, je pense à un temps final en commun avec une femme, avec laquelle coïncider comme le font les rimes, en fin de mot.
J'étais resté immobile à la regarder. "Mais toi tu ne fermes pas les yeux quand tu embrasses ? Les poissons ne ferment pas les yeux."
Alors je préférais l'aube.
Aujourd'hui, je cherche le coucher du soleil dans toutes les îles où je me rends.
Je vais à l'ouest à l'heure où il se vide dans la mer.
Aujourd'hui, je racle l'assiette de l'horizon jusqu'à la dernière lumière.