Ça raconte Sarah est un refrain murmurant la passion amoureuse entre deux femmes inconnues l'une de l'autre, deux femmes aux vies différentes, l'une croqueuse de la vie, tourbillonnant comme un électron libre dans l'atmosphère des autres, diffusant son humeur joyeuse dans l'allégresse de la plénitude de ses émotions , et l'autre est plus ancré dans la société, comme une pantin de la vie stéréotypée, un travail de professeur, une petite fille, un compagnon et la routine de son quotidien. C'est le premier roman de
Pauline Delabroy-Allard, une écriture de solitude, une écriture en deux parties, comme son roman, cette écriture fût une période assez solitaire pour cette auteure, pour accoucher de sa progéniture avec beaucoup de fierté, cette émotion d'avoir fini son livre, de s'être échappée de sa prison d'écriture, d'une solitude d'une maman de lettres,
Pauline Delabroy-Allard avec ça raconte Sarah libère une oeuvre sauvage et brute pour être par ses lecteurs dompté, dévoré et digéré avec une grande satiété.
Ce roman est divisé en deux parties, l'une est centrée sur Sarah, la passion entre cette violoniste et la narratrice et la seconde est la fuite en Italie de la conteuse, de sa visite à Trieste. Comme le dit notre auteure lors d'une interview, c'est deux parties sont deux écritures différentes, chacune à des moments différents, le roman suit le fil de son écriture, respectant le temps de son inspiration. Ce style direct, à la première personne aspire le lecteur dans le coeur de la passion dévorante de ces deux femmes, la première partie, le elle prédomine, c'est Sarah narrer par sa bien-aimée, nous ne connaissons son prénom, juste qu'elle raconte cette aventure tumultueuse amoureuse, cette cristallisation Flaubertienne. La seconde partie, le Je est plus présent, comme un effacement de Sarah qui devient de plus en plus lointaine, un fantôme d'un amour passé, Sarah quitte le présent de notre conteuse mais obsède son esprit, la happant dans une mélancolie maladive. La narratrice découvre son passé dans cette petite ville italienne bercé par La Bora, une fuite de la réalité, laissant derrière elle sa fille, sa vie, son amour Sarah, devenue morte.
Le début du roman s'ouvre sur un couple dans un lit, l'un dort, l'autre le raconte puis brule cet instant, comme un tableau, peignant l'instant avec beaucoup de douceur et de tendresse, ce corps couché dans ce lit d'amour, gisant comme une morte, déjà flotte dans l'atmosphère une ombre funèbre, une douleur s'incrustant dans cette scène première, d'un couple errant dans la chaleur moite d'une nuit d'amour à la sensualité irréelle, est-ce un rêve !
Ce leitmotiv ça raconte Sarah piège le lecteur dans un tourbillon passionnel, celui de cette femme anonyme récitant sa rencontre lors d'un réveillon avec Sarah, violoniste, exubérante, d'une vulgarité étonnante, s'habillant comme un sac, d'une pétulance sauvage et d'une vitalité sans borne. de cette rencontre, une amitié se lie, puis petit à petit un amour s'installe, et le souffre d'une allumette grave l'aveu de Sarah et son amour pour cette professeure, maman d'une petite fille, narratrice de ce roman où chante la passion de ces deux femmes, prisonnière de cette passion destructrice. Toute la première partie ruisselle les affluents diverses de leur amour, de cette rivière coulant le fleuve amoureux de ces deux tourterelles, roucoulant de la folie de Sarah, chaque instant leur amour s'éparpille sur la vie de l'autre, Sarah de tournée en tournée avec son quatuor à cordes, de son octuor aussi, vagabonde de son art et de son amour, de rencontres furtives avec sa douce et tendre, de baisers, de caresses, de musiques, de films, de lectures, de disputes, de regards, de repas, de diners, d'embrasement et de passion, chaque paragraphe de la première partie est une ode de leur amour, un miroir dans le reflet de l'âme de la narratrice, amoureuse de Sarah.
La seconde partie est une rupture, car la passion est morte, Sarah est morte, Sarah est absente, Sarah est malade, Sarah n'a plus de cheveux, Sarah de l'aime plus, Sarah a un cancer, Sarah est restée seule dans son lit comme le décrit le préambule de ce roman, de ce tableau peint avec amour par la narratrice en fuite en Italie. Cette fuite est une blessure profonde, comme malade, notre amoureuse erre sans cette deuxième partie comme une meurtrière, s'emprisonnant de la mort de son amour pour Sarah, Sarah ne l'aime plus, Sarah est ce vent violent, balayant les nuits nocturnes de Trieste, ce chant venant hanter notre jeune femme en fuite.
IL y a deux romans dans ça raconte Sarah, deux parties et écritures différentes, l'une est le chant de la passion, l'autre la mort d'un amour. Sarah meurt dans la première partie, la narratrice se laisse mourir dans la seconde, un va et vient de ses deux parties, mais est-ce leur corps qui meurt ou leur amour ?
Pauline Delabroy-Allard avec ce roman ça raconte Sarah distille avec beaucoup d'amour la passion dévorante de ces deux femmes, prisonnière de cette passion, de cet amour nouveau, cet amour lesbien les happant dans une folie les séparant de la réalité de leur vie. L'une laissant son travail en berne, d'arrêt de maladie en arrêt de maladie, laissant sa fille à ses parents de plus en plus, comme avec sa fuite vers l'Italie. Sarah voulant avoir son amour toujours proche d'elle, capricieuse de la faire venir lors de ses concerts, Sarah vampirise, torture, est violente avec son amante. Ce roman est un kaléidoscope d'instant fugace de deux femmes amoureuses, chaque scènes respirent cette passion mais aussi précipitent cette intrigue vers un drame certain, comme cette seconde partie plus sombre, plus mélancolique, plus énigmatique aussi, me laissant songeur de cette fin fuyante et interrogative.