Ecrire, c’est parler une langue posthume. C’est se souvenir de l’oubli et se traduire en verbe. Ecrire, c’est se jeter sans avoir vu aucun fond, écouter se briser ses mots comme des os ; prendre le risque de mourir mais aussi de vivre.
Ecrire est périlleux. C’est ouvrir des tombes.
Car écrire, c’est parler une langue posthume. C’est se souvenir de l’oubli et se traduire en verbe. Ecrire, c’est se jeter sans avoir vu aucun fond, écouter se briser ses mots comme des os ; prendre le risque de mourir mais aussi celui de vivre.
J’ai souvent regardé l’avenue en contrebas en me demandant quelle sensation ce serait de voler avant de m’écraser – le voilà, mon rêve d’enfant qui souffrait. (p.14)
Ma mère serait-elle venue si elle avait été encore vivante ?
Se serait-elle une dernière fois placée entre nous ? Entre le cercueil et moi ?
La douceur moite des doigts de l'autre est une anesthésie.
J'aurais préféré des griffes. J'aurais alors plus crier. J'aurais pu repousser. Me défendre. J'aurais pu choisir de mourir.
Tu n'auras désormais plus de corps à frapper. Tu es devenu ce jour-là à jamais une victime sans coupable.
Elle a des rêves. Ce n'est pas une vie, dit-elle, attendre. Les choses n'arrivent jamais, il faut les ravir.
Elle ne m’en parlera jamais. Le déni est une façon de survivre. Douloureuse. Un mensonge à soi-même. Ma mère ne voulait pas risquer d’entrouvrir une porte. Laisser passer un rai de lumière. L’enfouissement de mon agression était une chance pour elle. Le silence maintenait la paix.
Je suis un écrivain du hasard.
Une bousculade.
C’est la faim qui m’a poussé à écrire. À dix-neuf ans, j’avais faim et la faim ôte l’envie de danser. Elle est un vide qui se dévore lui-même.
Mon absolue incapacité d’aimer. Car aimer c’est aussi faire mal. C’est détruire. Ruiner. Voilà ce que mon père m’a légué, ce que mon corps de marmot a enseveli ; ce que mes livres un jour finiront par essoucher.