"Le marchand de lunettes" est une pièce, résolument poétique, une comédie fantaisiste en trois actes, faite de prose et de vers qui fait immanquablement penser à la chanson "Arlequin assassinée", autrefois chantée par
Serge Reggiani.
C'est une oeuvre délicate et charmante, qui, derrière une grande sensibilité et une apparente simplicité, dissimule une observation et une réflexion très poussée, mais sans pessimisme ni cruauté.
La forme de la pièce, très originale, est faite de deux actions simultanées, de deux dialogues de personnages imaginés et réels.
Un premier rideau se lève, Ariel et Clown, échappés du théâtre shakespearien, se rencontrent. Ariel veut entrer dans la vie réelle et pour ce faire commente la vie d'une famille bourgeoise que dévoile le lever d'un second rideau à l'italienne.
Cette famille est composée du père, de la mère, d'une tante et d'une jeune fille. Pendant trois actes, l'action se déroule. Les parents veulent marier leur fille à un riche industriel qui a le double de son âge. Malheureusement, celle-ci est amoureuse, comme on l'imagine aisément, d'un jeune poète qui a le plus grand tort d'être désargenté.
Ariel et Clown ne se contentent pas de commenter la comédie qui se joue sous leurs yeux. Ils s'y mêlent, l'inspirent et la rendent tangible aux spectateurs.
"Ils savent que les humains ont tous sur le visage des lunettes qui modifient, selon leurs couleurs, les valeurs de l'existence".
Ils savent que la mère pessimiste a des lunettes grises, que la tante méchante les a noires et que la bonne qui est coléreuse porte de rouges lorgnons....Alors, pour l'épilogue, aidés de Primavéra qui incarne la jeunesse, Ariel et Clown débarrasseront la famille de ces malencontreuses lunettes.....
Cette jolie pièce, écrite en 1921, a gardé intactes jusqu'à aujourd'hui toute sa fraîcheur et sa fantaisie. Elle est un rare moment de bonheur.