« Dans la nuit commençante, corps abolis dans l'habitacle, ceinturés, les mots montent du fond de soi.
Ils disent, d'une voix affermie par nécessité – juste de quoi couvrir le bruit du moteur – des fêlures inattendues, qui viennent épouser familièrement les contours de la route […] perspectives d'avenir ou de passé en lignes droites, courbes maîtrisées des contradictions. » (pp. 65-66)
C'est dur de jouer les pudibondes par défaut.
Certaines hypothèses sont crueles,par trop d'écart avec une réalité que le miroir n'est pas seul à refléter.
Pour presque tout le monde, le vrai problème c'est de se réunir quand on n'a rien à dire, et le contestataire est moins soutenu pour la nature de la brèche que pour la brèche elle même, qui libère soudain un souffle d'air. Et l'on s'en veut toujours d'avoir osé soi-même,juste pour se donner cette illusion:sur chaque réunion peut planer quelques instants l'espérance vibrante de sa négation.
Mais pourquoi les mères veulent-elles toujours que le mieux soit l'ennemi du bien?
C'est à la fin d'une fête familiale, ou d'une réunion d'amis. Il est tard, tout autour on continue de parler fort, de rire, d'entrechoquer les verres, il peut même y avoir de la musique, rien n-y fait. Il s'est endormi sur un coin de sofa, un bras étendu en arrière, la tête renversée. Il a deux ans, trois ans.
(...) la coquetterie comme moyen de changer la couleur des jours, de se reconnaître dans un autre personnage mystérieusement conforme et transformé.
Les héritiers sont là, dans les courants d’air, attendant qu’on brade à dix ou quinze euros tous les objets familiers. C’est une lente incinération, ces poussières de vie qui s’envolent une à une, estimées à leur juste prix, celui de l’envie des autres, quand elles devaient enfermer tant de choses, de gestes, de goûts et de manies.
Elle possède ce panache des humbles qui savent consommer leurs défaites sans aigreur.
(...) c’est tellement plus facile, quand le regard ne vient pas soupeser l’équilibre entre l’expression du visage et le sens des paroles. Le corps est toujours une gêne, il en dit trop. La vérité ? Peut-être, mais cette vérité peut devenir mensonge, si les paroles sont obligées de reculer d’autant.