Le rêve qui s’achevait ne renaîtrait plus. Elle avait longtemps gardé le violon dans sa chambre, symbole des promesses qui avaient tourné court. Un matin, elle l’avait rangé dans son étui et il avait échoué dans le grenier comme une épave dans la poussière des regrets.
Elle avait toujours cru en la puissance manifeste de la vie. « Comme l’eau qui se faufile dans les fossés, la vie trouve toujours sa route… »
Elle avait choisi sa vie. Elle aimait son métier avec l’obsession de la vérité, elle travaillait beaucoup, et savourait ses succès sans excès de vanité.
Comme sa mère avant elle, Lise fit un mariage d’amour, du moins le crut-elle, avec un professeur de littérature qui ne s’intéressa jamais à la vigne ni même au vin. Elle n’en fut que plus active en prenant la tête du syndicat viticole et partit défendre la double appellation « Blayais-Bourgeais » partout dans le monde. Lorsqu’elle céda la présidence du syndicat à un autre vigneron, ce fut pour emporter la mairie de Saint-Louis presque d’assaut. Elle eut la sagesse de ne se laisser embrigader dans aucun parti politique, ce qui lui valut une certaine liberté de parole et d’action dont elle ne se priva pas.