Mon dernier regard est pour le plus grand lac d'Ecosse dont le mystère demeure. Entier.
Le calme du lac me gagne peu à peu. Mon pouls ralentit pour se mettre en résonance avec le rythme du Loch Ness. Slow. Tout en moi devient slow. Des nuages passent sur le Loch, voilant et dévoilant le soleil d'automne dans un jeu d'ombres et de lumières trompeurs.
Je serai à l'affût de chaque frémissement, de chaque bruissement, de chaque remous, de chaque ondulation, de chaque sillon à la surface du lac. Je deviendrai ce galet humide, l'eau qui le mouille, le vent qui le sèche, les feuilles qui dansent, fragiles, accrochées à leur branche, l'air chargé d'odeurs, une goutte de pluie, un grain de sable, un rai de lumière, l'espace vierge et le temps qui ruisselle. Je deviendrai le temps lui-même.
Au-delà des témoignages, Constance Whyte a saisi l'essence même du Loch Ness. Elle a saisi ce qui, à force d'obsessions ou de persévérance est devenu plus qu'une légende. Une réalité humaine.
Les plus belles inventions humaines ne viennent-elles pas de nos désirs les plus profonds, ceux qui nourrissent la chair des mythes?
Le monstre, quant à lui, n'est pas absent, car pour être absent, il faut avoir été présent. Il faut exister. Or le monstre est, en même temps qu'il n'est pas. Un monstre quantique.
Je veux bien, moi aussi, dans une telle nature "chasser" le monstre. Me lever chaque matin face à ce paysage, à cette lumière sur le lac. Mais la solitude, encore elle... Qu'en ferais-je? Aurais-je la force , le courage de la supporter des semaines, des mois, des années?
La pluie s'abat bientôt en un rideau opaque à travers lequel je ne vois plus rien que de vagues masses alternant entre clair et obscur.
En même temps que le vent se lève, le loch est parcouru de frissons qui hérissent l'eau en petites crêtes d'écume.
Ils transforment l'attente et l'absence en autre chose. Une réponse radicale à l'absurdité de la vie. Là où l'espoir lui-même est dépassé, où il finit par ne plus exister.