- Ce n'est pas trop triste de vieillir ?
- Non, à mon âge, c'est délicieux. Plus tard, je ne dis pas...
- Vous êtes jeune, vous avez encore à découvrir la bêtise et la méchanceté. Vous ne serez un homme que quand vous en aurez une idée précise. En attendant, gardez-vous.
On pouvait se poser des questions sur la redoutable intelligence du hasard qui prépare de longue date un événement fatal et le prépare avec une minutie dans le détail dont aucun cerveau électronique n'est capable. Cette constatation laisse peu d'illusions sur la liberté de nos choix, mais qu'importe puisque le résultat est celui auquel nous nous préparions depuis la naissance. [...] L'impression est celle d'un immense mécanisme d'horlogerie. Seul le résultat compte et, pour l'instant, Claude et Jean sont face à face.
Il faut être rigoureux avec les femmes, sinon elles n'apprécient pas ce qu'elles donnent aux hommes.
Marchons, veux-tu, j'ai besoin d'exercice. Nous parlerons dans des capsules de buée comme les héros des bandes dessinées. Si nous rencontrons des passants, ils ne pourront rien lire. Ce sera écrit à la parole sympathique.
Si un poète t'ennuie, tu en prends un autre, puis un autre, jusqu'à ce que tu aies trouvé celui qui te parle le mieux de toi-même.
On ne lit pas quand on aime.
Il sut aussi que la générosité profonde de Claude attirait les coups et qu'une âme basse serait toujours tentée de la blesser.
- Tu vois, Marceilne, je fume.
Il tirait sur une cigarette imaginaire et prétendait la cacher derrière son dos quand elle le grondait.
- C'est très mauvais de fumer à ton âge. M. Michette, qui est dix fois plus âgé que toi, n'a jamais fumé de sa vie et c'est pour ça qu'il se porte bien...
- M. Michette, c'est le père Lustucru ?
- Tu sais que je vais me fâcher vraiment !
- Oh, je sais que non. Tu es trop bonne.
Le coeur de Marceline se serra : un enfant lui apprenait qu'elle était bonne. Elle avait vécu cinquante ans sans le savoir. Cyrille saisit sa main :
- Rentrons, Maman va s'inquiéter.
Une sentinelle se tenait à la porte. jean fut certain d'avoir lu sur les visages du couple un autre sentiment que la résignation, presque un soulagement comme celui que, deux ans plus tard à Paris, Tristan Bernard allait résumer dans un mot admirable lors de son arrestation : "Jusqu'ici nous avons vécu dans la crainte, maintenant nous vivrons dans l'espoir."