Je ne connaissais rien de l'auteur si ce n'est le nom qui me semblait célèbre. N'ayant rien lu de lui, j'ai d'abord voulu combler une lacune dans ma culture. D'entrée de jeu, j'ai été horripilée par le style ampoulé et le vocabulaire choisi par ce qui m'a paru une forme de pédanterie. Et le personnage m'a été tout à fait antipathique, son côté Vielle-France et prétentieux, son donjuanisme, tout m'exaspérait et je n'ai pas pu m'empêcher de penser qu'il d'agissait d'un récit partiellement autobiographique. Je reconnais cependant, a posteriori, beaucoup de qualité littéraires à l'écrivain et, même s'il m'a beaucoup agacée, je pense retourner visiter sa production pour me faire une idée moins parcellaire. À suivre, donc…
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L'auteur raconte les quelques jours d'un homme : celui-ci perd d'abord une canne lors d'une ascension en montagne, il retrouve un corail cassé par terre (dans lequel il voyait une fouine) et pour finir, son chien casse un plat ancien venant de sa famille. Il tenait à ces différents objets et sa pensée est obnubilée par la perte de ceux-ci. Quand il apprend que sa maîtresse qu'il adore l'a quitté pour un autre homme complètement inintéressant, il reste indifférent à la nouvelle, mais ne comprend pas sa propre réaction. Il finira par réagir et recherchera l'affection de sa femme puis d'une autre femme de connaissance. Elle tient une auberge au pied de la montagne où il se rend de temps en temps pour ses promenades en solitaire. Puis la souffrance apparaît sous toutes ses formes...
De ces quelques jours, l'auteur en fait un roman ! C'est passionnant et très bien écrit.
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La mythologie grecque est la plus figurative des mythologies. Dédaignant la spiritualité, elle a inventé des dieux à l’image du sol et des hommes, résumant dans leur cruauté, leur appétit de puissance, leur orgueil, leur favoritisme, leurs mesquines vengeances et leur luxure, les plus criantes des passions humaines. Victimes de leurs propres tares, tombés de l’Olympe, rejetés par la mer ou expulsés des entrailles de la terre, les dieux grecs ont été foudroyés par le monothéisme comme de vulgaires tyrans chassés par la colère du peuple. Leurs corps éclatés ont formé le relief du monde. L’homme ne voulait plus de dieux qui lui rappelassent sa triste image, il voulait, lui, être à l’image d’un dieu rédempteur. Du haut de sa montagne, l’alpiniste salue la déconfiture des faux héros.
Vient un moment de la vie – mais lequel ? il diffère pour chacun, très tôt pour les uns, très tard pour les autres, parfois jamais pour de rares élus comblés, mourant les mains, la mémoire et le cœur pleins –, vient donc un moment de la vie où nous nous apercevons que les amitiés, les amours, les sentiments et jusqu'aux mots et aux noms que nous croyons perdre par une sorte de maladresse déprimante, en réalité nous quittent d'eux-mêmes, animés d'une sournoise volonté de fuite.
Le 31 décembre au soir, Gilbert est allé presque à contrecoeur chez les Z. qui ont exceptionnellement invité Rhadamanthe. Ils se sont tous assis par terre devant le feu de bois de la cheminée. Une inconnue, dont il n'a d'abord pas compris le nom, mais qui s'est révélée par la suite être Angèle Quelque Chose, a placé un pouf à côté du sien. Ils ont peu parlé, échangé des cigarettes et du feu. Gilbert s'étonnait qu'elle fut l'exact négatif de Marie : cheveux blonds et yeux noirs, une peau mate contre une peau blanche qui résistait à tous les bronzages. De temps à autre, Angèle passait la main sur la tête de Rhadamanthe affalé entre eux. Si, à cette occasion, leurs mains se sont rencontrées une fois, c'est bien tout, et par inadvertance. Un moment, une jeune femme a dit quelque chose sur les hommes et Angèle s'est tournée vers Gilbert pour murmurer : "Les idées générales sont un réservoir inépuisable d'idioties." A minuit, au cours des embrassades, Gilbert a su dans la seconde où sa joue a rencontré la joue d'Angèle, où ses lèvres l'ont effleurée qu'il venait d'entrer aveuglément dans une zone de totale insécurité : il aimait.
Disparaître n'est rien, mais ne pas laisser de traces, si vaines soient-elles, est une intolérable punition. or, qu'abandonner derrière soi, de plus durable que des larmes _ même à supposer qu'elles soient sincères _ , si ce n'est des objets : les uns enfantins comme un vieil ours mité, un bol ébréché, un plumier laqué, un foulard de boy-scout, une médaille de sauvetage ; les autres rappelant des conquêtes, comme une rose de sable du désert mauritanien, un edelweiss du pic du Midi maintenant séché entre deux plaques de verre, et, en particulier, une formation madréporique pêchée en mer Rouge, une étrange figure, rose sous l'eau, blanchie à l'air, qui représente selon un certain angle quand Gilbert est assis dans son fauteuil, une fouine dressée sur ses postérieurs, la gueule de profil, l'oeil noir, l'oreille courte ?
Vient un moment de la vie - mais lequel ? il diffère pour chacun, très tôt pour les uns, très tard pour les autres, parfois jamais pour de rares élus comblés, mourant les mains, la mémoire et le cœur pleins -, vient donc un moment de la vie où nous nous apercevons que les amitiés, les amours, les sentiments et jusqu'aux lieux et aux mots que nous croyons perdre par une maladresse déprimante, en réalité nous quittent d'eux mêmes, animés d'une sournoise volonté de fuite.
Des messages portés par les nuages : lettres à des amis
Jean d'Ormesson
Jean-Luc Barré, Martin Veber
Éditions Bouquins
Recueil de lettres reflétant la grande diversité des correspondants de l'écrivain français : Marguerite Duras, Michel Déon, Raymond Aron, Jacques de Lacretelle, Jean-François Brisson, Roger Callois, Jeanne Hersch, Claude Lévi-Strauss, Simone Veil, Michel Debré, entre autres. Un dévoilement des jugements littéraires de l'auteur, de ses admirations, de son intimité et de son engagement d'écrivain. ©Electre 2021
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