Cet album récit de 68 pages, « d'après
Rudyard Kipling » séduit par de nombreuses qualités.
le scenario donne le tempo : des projets de conquête d'un pays, on passe à l'action sans délai : telle est la détermination d'un couples d'aventuriers, sans hésitations ni scrupules, pour conquérir un pouvoir, par tous les moyens. Mégalomanie, hubris, tout y passe, dans la gamme des rêves prométhéens.
le récit se fait épopée brutale, au pas de charge, puis tragédie, et relation du Calvaire. C'est une histoire sans cesse en progression, ascension, puis chute, prévue depuis le titre, les thèmes de la menace et de l'échec, sous forme de mises en garde non écoutées.
Visuellement les bulles aux couleurs vives se succèdent sur un rythme rapide, sensibles au mouvement déterminé des personnages. Toute une page pour la chute d'un cheval et de son cavalier. Parfois, la vue d'une bataille, d'une foule dense et miséreuse ou d'un palais somptueux. Les auteurs font rêver de splendides aventures. D'autre fois l'attitude avantageuse du « Roi » satisfait de lui-même, comblé de la jouissance du Pouvoir ; Gros plan d'un Falstaff égocentrique...
Kipling, prix Nobel d littérature en 1907, passait pour un maître du récit : cet album repose sur des récitants et un écouteur-narrateur,
Kipling lui-même. On y retrouve les thèses de l' impérialisme colonial réalisé dans l' Inde natale de
Kipling, son goût des voyages d'aventures, ses passions ésotériques fondées dans la franc-maçonnerie et un christianisme fumeux.
Les symboles et les références sont partout, Alexandre et les Conquérants romains, chacun usera de sa grille.
le lecteur contemporain, bien différent d'un lecteur historique prompt à l'enthousiasme, à l' 'indulgence, puis à la compassion, y verra conspirationnisme et anti-impérialisme. Signe des temps.