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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Aubin est un jeune homme très attachant.
Son Grand Oncle, Anchise, était un apiculteur installé sur les hauts de Nice, tout comme toute la famille d'Aubin. Celui-ci garde un souvenir mémorable de la fois où les abeilles de son rucher avaient attaqué sa mère et lui, par un soir d'orage, sans que le Grand Oncle se décide à leur prêter main forte : il riait à gorge déployée devant le spectacle et ne voyait pas l'intérêt de lever le moindre petit doigt pour éviter l'attaque. de ce souvenir douloureux, dont Aubin conservera quelques jours un oeil gonflé par une piqure d'abeille, sa mère gardera l'idée que son oncle est quelqu'un d'infréquentable, et il ne sera plus question de le revoir. Pourtant cet Anchise n'était qu'un original qui, quelques temps plus tard se suicidera en s'immolant par le feu, inconsolable de la mort de sa femme 60 ans plus tôt, une femme portant un prénom un peu désuet mais adorable : « Blanche » ….

Aubin grandit.
Entre une mère caissière et un père ripeur – on aurait pu dire aussi « agent de collecte des déchets ou bien encore éboueur, mais le père préférait ripeur, plus chic – qui les quitta tous deux du jour au lendemain, sans coup férir, et remplacé un an plus tard par un dénommé Maxence dit Maxou, avec qui Aubin ne veut rien à voir à faire.
Ça tombe bien : Maxou joue aux jeux vidéo, tandis qu'Aubin grimpe dans la colline derrière chez lui. Il habite proximité de son oncle et de sa tante : Tante Stefi est maître-chien et le beauceron qu'elle a dressé loge dans sa niche à côté de la maison, tandis que les deux jumeaux passent leur temps à se goinfrer et que l'oncle regarde des films pornos. Un cadre charmant, quoi …

Il y a peu la maison d'Anchise a été rasée. Mais juste avant Aubin trainait souvent dans la maison désaffectée, une maison tout en fouillis et dans laquelle il a déniché une trompette. L'instrument trône maintenant sur une étagère au-dessus de son lit : trouvera-t-il une occasion de l'utiliser un jour ?
La maison d'Anchise rasée, la commune décide d'y installer une déchetterie. Des déchets, il en sera question tout au long de ce récit, et c'est un des thèmes de ce récit qui révèle plein de surprises. A l'image de cet Abdel, jeune gardien de la déchetterie, qu'Aubin va rencontrer : « Adel je ne sais pas le décrire, il a des yeux jaunes, et tout est dit ». Adel va faire découvrir une musique à Aubin, une musique dont il n'a jamais entendu parler – chez lui on écoute « Chériefem » - une musique qu'il appelle Jazz. Alors Aubin fouille sur Internet et découvre l'histoire triste et belle de Chet Baker. Ce trompettiste hors norme lui donne envie de s'essayer à la trompette d'Anchise : « La trompette pourrait-elle être un leurre pour attraper Adel ? »

Je connaissais Maryline Desbiolles pour avoir lu plusieurs de ses livres, notamment « la Seiche » que je vous recommande. Elle avait déjà brossé le portrait d'Anchise dans un livre qui avait pour titre ce seul nom, « Anchise ». Ici l'autrice poursuit et fouille encore la question de la mémoire, de la transmission, des restes que nous laissons derrière nous et de cette civilisation du déchet recyclé que nous connaissons.

Et bien sûr, on croisera des migrants. Ils passeront comme des ombres sur la route qu'empruntera Aubin avec son père, et, tout comme nous le faisons, les deux hommes détourneront les yeux pour ne pas savoir ce qu'il adviendra de ses jeunes garçons, à peine plus vieux que lui, mais venus d'ailleurs.

Maryline Desbiolles excelle aussi à décrire ces zones urbaines délaissées, bien loin de Nice et de ses beaux quartiers, et ses romans pourraient être des manuels de sociologie, s'il n'y avait surtout chez elle quelque chose de très fort : le style.
Le mieux pour en rendre compte est d'en lire quelques extraits, car il relève à la fois de la poésie, de la peinture aussi, qui a touché était très importante pour Maryline Desbiolles, et qui ressort dans sa façon de décrire ses paysages que plus personne ne regarde, mais encore de la mélancolie, avec ce regard tendre qu'elle porte sur des personnages qui ont de la profondeur.

Roman initiatique, qui verra Aubin passer d'une adolescence solitaire à l'entrée dans l'âge adulte par le désir, avec un état de tension qui nous conduira jusqu'au drame final, ce « Neveu d'Anchise » est un de mes coups de coeur 2021.
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Après l'histoire d'Anchise l'apiculteur veuf et solitaire, Maryline Desbiolles raconte celle de son neveu Aubin. Même lieu, les collines au-dessus de Nice, même paysage écrasé de lumière, même atmosphère nostalgique.
Le jeune Aubin n'a d'Anchise que le souvenir d'une attaque d'abeilles mais adolescent il aime jouer dans sa maison abandonnée, loin dans les collines. Bientôt, à cet emplacement on construit une déchetterie et Aubin va se lier à Adel le jeune gardien. Il découvre grâce à lui le désir amoureux, la musique, sa différence.
Un roman d'apprentissage qui interroge aussi sur la filiation et la migration. ( le grand-père d'Aubin a quitté son Italie natale pour travailler en France - sans papiers- les grands-parents d'Abel sont originaires des Aurès. )
Le style simple, le rythme poétique , les reprises lexicales font de ce court roman un bon moment de lecture pleine d'odeurs et de sensations.
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Aubin, un adolescent solitaire, aime se promener sur la colline qui domine le terrain de la maison rasée de son grand-oncle Anchise et remplacée par une déchetterie. le secteur se désole au fur et à mesure, les magasins ferment, tout comme les maisons, les gens partent, les platanes sont abattus.
« Je vois le ciel qui laisse deviner que la mer n'est pas loin. Et même si je ne vois pas la mer, le ciel la porte jusqu'à moi, il la reflète, s'en inspire, le ciel qui n'est pas le nôtre mais qui s'enfuit déjà vers ailleurs, au-delà de la mer, le ciel léger, vaste, vastement découvert. »
Il préfère la compagnie de la nature à celle des membres de sa famille qui le délaissent, même s'il a pour chacun un lien trahi par les détails avec lesquels il, pense à eux. S'il appréciait de venir se blottir près du corps aux formes généreuses de sa mère lorsqu'il était petit, aujourd'hui son obésité et celle des autres membres de sa famille le révulsent.

En perpétuelle recherche de lui-même, il va et vient entre ce présent avec lequel il ne connecte pas et tous ses souvenirs.
La seule chose qui lui reste de l'aïeul, que sa mère traite de « vieux con boiteux, vieux fou », c'est sa trompette qu'il a retrouvée dans les décombres, et dans laquelle il souffle désespérément, espérant sortir des notes en pensant à Chet Baker, au jazz.
« Je souffle en secret dans ma trompette. Je me cache avec elle dans la colline où je brais ma solitude, mon ignorance, ma maladresse. »

Anchise, silencieux et solitaire lui aussi, apiculteur un peu spécial, vivait une relation étroite avec ses abeilles. Fou amoureux de sa femme, lorsqu'elle est décédée, il ne s'en est pas remis et s'est immolé, dans sa voiture. Cette histoire a fait l'objet d'un roman précédant.
Par sa disparition et la légende qui tourne autour de lui, Anchise est un repère pour Aubin en quête de racines, de valeurs pour l'aider à se construire puisqu'il est livré à lui-même.
C'est en allant à cette maison disparue qu'Aubin va rencontrer Adel, le gardien de la déchetterie, un garçon de 20 ans qui va l'aider à se découvrir, à découvrir d'autres horizons, à ressentir le désir, même si l'auteure aborde ce dernier sujet d'une façon discrète.
Autre personnage important, le gros chien de sa tante, un bas-rouge qui doit rester enfermé, mais qu'Aubin emmène avec lui, pour de vrai ou en imagination, le doute peut subsister…

Je ne connaissais pas Maryline Desbiolles à la bibliographie très fournie, et j'ai découvert une écriture, poétique, rythmée. On ressent l'âpreté de la nature, de la colline, et la cavalcade des pensées d'Aubin dans ses mots martelés, dans l'anaphore parfois jusqu'au ressassement, glissant à d'autres moments au rythme du slam.
On passe de la mélancolie à l'exaltation, du souvenir à la projection de cet homme en devenir. Cette colline et ce lieu semblent être mal aimés par l'adolescent, pourtant ils sont ce qu'il deviendra, son univers, sa construction, habitée de ses espoirs, ses rêves…

« Et s'il y avait dans le vieux monde voué aux orties de quoi nous revivifier ? Les orties peut-être, l'insignifiant, le moins que rien, la quantité négligeable, le proscrit, le mis au ban, le sans titre, sans terre, sans domicile fixe, sans-papiers, sans valeur, sans prix, le non négociable. le vieux monde voué aux orties est peut-être au-devant de nous. »
Lien : https://dominiquelin.overblo..
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