Aubin, un adolescent solitaire, aime se promener sur la colline qui domine le terrain de la maison rasée de son grand-oncle
Anchise et remplacée par une déchetterie. le secteur se désole au fur et à mesure, les magasins ferment, tout comme les maisons, les gens partent, les platanes sont abattus.
« Je vois le ciel qui laisse deviner que la mer n'est pas loin. Et même si je ne vois pas la mer, le ciel la porte jusqu'à moi, il la reflète, s'en inspire, le ciel qui n'est pas le nôtre mais qui s'enfuit déjà vers ailleurs, au-delà de la mer, le ciel léger, vaste, vastement découvert. »
Il préfère la compagnie de la nature à celle des membres de sa famille qui le délaissent, même s'il a pour chacun un lien trahi par les détails avec lesquels il, pense à eux. S'il appréciait de venir se blottir près du corps aux formes généreuses de sa mère lorsqu'il était petit, aujourd'hui son obésité et celle des autres membres de sa famille le révulsent.
En perpétuelle recherche de lui-même, il va et vient entre ce présent avec lequel il ne connecte pas et tous ses souvenirs.
La seule chose qui lui reste de l'aïeul, que sa mère traite de « vieux con boiteux, vieux fou », c'est sa trompette qu'il a retrouvée dans les décombres, et dans laquelle il souffle désespérément, espérant sortir des notes en pensant à
Chet Baker, au jazz.
« Je souffle en secret dans ma trompette. Je me cache avec elle dans la colline où je brais ma solitude, mon ignorance, ma maladresse. »
Anchise, silencieux et solitaire lui aussi, apiculteur un peu spécial, vivait une relation étroite avec ses abeilles. Fou amoureux de sa femme, lorsqu'elle est décédée, il ne s'en est pas remis et s'est immolé, dans sa voiture. Cette histoire a fait l'objet d'un roman précédant.
Par sa disparition et la légende qui tourne autour de lui,
Anchise est un repère pour Aubin en quête de racines, de valeurs pour l'aider à se construire puisqu'il est livré à lui-même.
C'est en allant à cette maison disparue qu'Aubin va rencontrer Adel, le gardien de la déchetterie, un garçon de 20 ans qui va l'aider à se découvrir, à découvrir d'autres horizons, à ressentir le désir, même si l'auteure aborde ce dernier sujet d'une façon discrète.
Autre personnage important, le gros chien de sa tante, un bas-rouge qui doit rester enfermé, mais qu'Aubin emmène avec lui, pour de vrai ou en imagination, le doute peut subsister…
Je ne connaissais pas
Maryline Desbiolles à la bibliographie très fournie, et j'ai découvert une écriture, poétique, rythmée. On ressent l'âpreté de la nature, de la colline, et la cavalcade des pensées d'Aubin dans ses mots martelés, dans l'anaphore parfois jusqu'au ressassement, glissant à d'autres moments au rythme du slam.
On passe de la mélancolie à l'exaltation, du souvenir à la projection de cet homme en devenir. Cette colline et ce lieu semblent être mal aimés par l'adolescent, pourtant ils sont ce qu'il deviendra, son univers, sa construction, habitée de ses espoirs, ses rêves…
« Et s'il y avait dans le vieux monde voué aux orties de quoi nous revivifier ? Les orties peut-être, l'insignifiant, le moins que rien, la quantité négligeable, le proscrit, le mis au ban, le sans titre, sans terre, sans domicile fixe, sans-papiers, sans valeur, sans prix, le non négociable. le vieux monde voué aux orties est peut-être au-devant de nous. »
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