AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,5

sur 18 notes
5
3 avis
4
6 avis
3
1 avis
2
0 avis
1
0 avis
Aubin est un jeune homme très attachant.
Son Grand Oncle, Anchise, était un apiculteur installé sur les hauts de Nice, tout comme toute la famille d'Aubin. Celui-ci garde un souvenir mémorable de la fois où les abeilles de son rucher avaient attaqué sa mère et lui, par un soir d'orage, sans que le Grand Oncle se décide à leur prêter main forte : il riait à gorge déployée devant le spectacle et ne voyait pas l'intérêt de lever le moindre petit doigt pour éviter l'attaque. de ce souvenir douloureux, dont Aubin conservera quelques jours un oeil gonflé par une piqure d'abeille, sa mère gardera l'idée que son oncle est quelqu'un d'infréquentable, et il ne sera plus question de le revoir. Pourtant cet Anchise n'était qu'un original qui, quelques temps plus tard se suicidera en s'immolant par le feu, inconsolable de la mort de sa femme 60 ans plus tôt, une femme portant un prénom un peu désuet mais adorable : « Blanche » ….

Aubin grandit.
Entre une mère caissière et un père ripeur – on aurait pu dire aussi « agent de collecte des déchets ou bien encore éboueur, mais le père préférait ripeur, plus chic – qui les quitta tous deux du jour au lendemain, sans coup férir, et remplacé un an plus tard par un dénommé Maxence dit Maxou, avec qui Aubin ne veut rien à voir à faire.
Ça tombe bien : Maxou joue aux jeux vidéo, tandis qu'Aubin grimpe dans la colline derrière chez lui. Il habite proximité de son oncle et de sa tante : Tante Stefi est maître-chien et le beauceron qu'elle a dressé loge dans sa niche à côté de la maison, tandis que les deux jumeaux passent leur temps à se goinfrer et que l'oncle regarde des films pornos. Un cadre charmant, quoi …

Il y a peu la maison d'Anchise a été rasée. Mais juste avant Aubin trainait souvent dans la maison désaffectée, une maison tout en fouillis et dans laquelle il a déniché une trompette. L'instrument trône maintenant sur une étagère au-dessus de son lit : trouvera-t-il une occasion de l'utiliser un jour ?
La maison d'Anchise rasée, la commune décide d'y installer une déchetterie. Des déchets, il en sera question tout au long de ce récit, et c'est un des thèmes de ce récit qui révèle plein de surprises. A l'image de cet Abdel, jeune gardien de la déchetterie, qu'Aubin va rencontrer : « Adel je ne sais pas le décrire, il a des yeux jaunes, et tout est dit ». Adel va faire découvrir une musique à Aubin, une musique dont il n'a jamais entendu parler – chez lui on écoute « Chériefem » - une musique qu'il appelle Jazz. Alors Aubin fouille sur Internet et découvre l'histoire triste et belle de Chet Baker. Ce trompettiste hors norme lui donne envie de s'essayer à la trompette d'Anchise : « La trompette pourrait-elle être un leurre pour attraper Adel ? »

Je connaissais Maryline Desbiolles pour avoir lu plusieurs de ses livres, notamment « la Seiche » que je vous recommande. Elle avait déjà brossé le portrait d'Anchise dans un livre qui avait pour titre ce seul nom, « Anchise ». Ici l'autrice poursuit et fouille encore la question de la mémoire, de la transmission, des restes que nous laissons derrière nous et de cette civilisation du déchet recyclé que nous connaissons.

Et bien sûr, on croisera des migrants. Ils passeront comme des ombres sur la route qu'empruntera Aubin avec son père, et, tout comme nous le faisons, les deux hommes détourneront les yeux pour ne pas savoir ce qu'il adviendra de ses jeunes garçons, à peine plus vieux que lui, mais venus d'ailleurs.

Maryline Desbiolles excelle aussi à décrire ces zones urbaines délaissées, bien loin de Nice et de ses beaux quartiers, et ses romans pourraient être des manuels de sociologie, s'il n'y avait surtout chez elle quelque chose de très fort : le style.
Le mieux pour en rendre compte est d'en lire quelques extraits, car il relève à la fois de la poésie, de la peinture aussi, qui a touché était très importante pour Maryline Desbiolles, et qui ressort dans sa façon de décrire ses paysages que plus personne ne regarde, mais encore de la mélancolie, avec ce regard tendre qu'elle porte sur des personnages qui ont de la profondeur.

Roman initiatique, qui verra Aubin passer d'une adolescence solitaire à l'entrée dans l'âge adulte par le désir, avec un état de tension qui nous conduira jusqu'au drame final, ce « Neveu d'Anchise » est un de mes coups de coeur 2021.
Commenter  J’apprécie          382
J'ai retrouvé dans ce beau livre de MD le même souffle que dans son roman « ceux qui reviennent ». Mais c'est ici le souffle du vent de l'arrière pays niçois qui charrie les senteurs des lentisques et des pins d'Alep.

Le verbe de MD est comme un fleuve qui nous entraîne. Comme le Paillon de Nice quand il est en eau. C'est rare mais cela arrive après les fortes pluies. Un fleuve impatient qui nous interdit de flâner en chemin, de nous arrêter pour admirer la beauté du paysage. le flot ne s'arrête jamais et nous porte toujours plus avant, vers d'autres beautés, des beautés encore plus belles.
La rivière et le vent nous portent et nous rapportent, ébloui et heureux, aux origines. À nos origines ; à ce lieux qui rassemble tous les humains, ceux que que nous avons connus et ceux que nous n'avons pas connus, ceux que nous avons aimés et ceux que nous n'avons pas su aimer.

Aubin est le neveu d'Anchise. C'est un nom plutôt chic pour le fils de la Lolo, le fils d'un éboueur et d'une caissière de supermarché.
Aubin est mince. C'est le seul mince de sa famille. Ses parents sont gros, ses oncles et tantes sont gros, ses cousins sont gros.
Aubin ira au lycée. C'est le 1er membre de la famille qui fera des études.
Aubin est-il vraiment de cette famille-là ?

Le vieil oncle Anchise, jamais guéri de la douleur d'avoir perdu sa jeune et belle épouse Blanche, a fini par se faire brûler dans sa voiture. Au beau milieu du chemin qui menait à sa maison.
Anchise boitait, comme l'autre Anchise, le père d'Enée, qui avait été lui-aussi séduit par la beauté parfaite de la déesse Aphrodite.
Dans la maison restée déserte après la mort de son oncle, Aubin allait jouer en secret. Il y a découvert une trompette.

Un jour cette maison d'une enfance solitaire et solaire a été détruite et on a construit une déchèterie à sa place. Dans les veilles maisons les objets oubliés ont une âme qui nous invite au voyage ; dans les déchèteries neuves les objets sont disloqués et classés selon leurs matériaux, et ne racontent plus rien de ceux qui les ont possédés.

Mais le gardien de la déchèterie est Adel, beau comme un pâtre de légende.
Adel est un méditerranéen, mais un méditerranéen de l'autre côté de la mer.
Sa rencontre sera pour Aubin l'occasion de découvrir ce qu'a été et ce qu'est réellement sa famille. Adel fera découvrir la musique et le jazz à Aubin.
Aubin ne sait rien de la musique, ni du jazz. Sur internet il découvre Chet Baker un américain italien, beau gosse mais mauvais garçon. Il faisait du jazz en s'accompagnant à la trompette.

Le neveu d'Anchise est l'histoire d'un enfant qui se sent complètement différent de sa famille, qui a parfois honte d'elle ; un adolescent sauvage qui arpente en solitaire d'abord, puis accompagné d'Adel, les paysages solaires de l'arrière pays niçois.

Mais il faut bien tuer les rêves de l'enfance pour qu'advienne l'Homme, celui qui se reconnaît dans les autres, qui les accueillent enfin, les étreins pour les ressusciter ou les faire advenir, dans le grand mouvement qui fait avancer l'humanité ; la fait avancer jusqu'à ces origines-mêmes.

Dans ce roman très contemporain, dont le titre sonne comme un récit mythologique, MD déroule une tragédie antique à hauteur d'hommes, c'est à dire très haut. Car ses personnages, tous des gens du petit peuple et moins encore, sont considérés sans complaisance mais sans mépris. MD ne les regarde jamais par le petit bout de la lorgnette, ce qui lui évite de tomber dans la démagogie, la mièvrerie ou la condescendance.

Le souffle qui parcourt tout le livre tisse intimement la Grande Histoire et les petites histoires de chacun. Quand les histoires s'emmêlent, les géographies le font aussi et ce maillage serré des destins et des lieux donne une étoffe bigarrée qui confère aux personnages une immense dignité.

MD sait comme peu d'écrivain nous regarder et nous renvoyer l'image des héros épiques que nous n'avons pas cessés d'être sous les oripeaux peu flatteurs d'une certaine modernité.
Commenter  J’apprécie          70
Le neveu d'Anchise, un style, une ambiance, une histoire et l'expression clair obscur qui vient à l'esprit.

Un style. Qui nous change des écrits plats, des lieux communs et des expressions toutes faites. Maryline Desbiolles prend le temps, les mots sont pesés, les mots sont choisis, le rythme est lent à souhait, les répétitions nombreuses mais sans redondance comme des pas de danse qui se répètent sans que cette répétition ne fasse du sur place. Les idées s'enchaînent en toute liberté, un tiens tu l'auras, Laura est une belle femme, femmes d'aujourd'hui, rebelles à tout.

Une ambiance, qui m'échappe en grande partie n'étant pas habitué à Maryline Desbiolles. Anchise a déjà existé dans une autre vie, les mêmes paysages doivent ancrer d'autres personnages dans d'autres livres, certains se retrouveront en terre connue, d'autres pas.

Une histoire. Celle du neveu d'Anchise. Que n'est il lui même ?
Aubin, 17-18 ans, en mal de famille, en mal de passé, en mal de solitude, sur sa route, Adel. Des portes s'ouvrent, regarder de l'autre côté, simplement, seulement, ou selon ce que l'on verra, franchir le pas ou pas.

Clair obscur. Ce chien noir qui accompagne Aubin, en rêve et en vrai, qui est il, que représente il, que veut il ? Destin funeste, vérité redondante, figure noire, ange protecteur ?
Aubin, ce prénom, cherchons, Aubin Albinus blanc, symbole d'innocence et de pureté, Aubin, à l'aube de sa vie d'adulte, et l'aube d'un communiant.
Et autres dualités
Ce qui n'est pas dit ne se devine pas forcément.

Le livre débute avec lenteur puis le rythme est pris et enfin s'achève effréné en de multiples pensées éparses.

Que cherche Aubin, que trouve Aubin.
Une richesse intérieure qui ne le laissera jamais seul.
Ce n'est pas dit.
Et ce qui n'est pas dit ne se devine pas forcément.

A lire, avec humilité.
Commenter  J’apprécie          61
Aubin peine à trouver ses marques au sein de sa famille. Il y a déjà ce prénom, un peu trop chic pour son milieu. Et puis sa corpulence. Il est le seul à ne pas avoir d'embonpoint dans cette famille de « gros ». Toutefois, les rondeurs de sa mère étaient apaisantes dans l'enfance, surtout après l'abandon du père. Aujourd'hui, Laurence a tant maigri depuis son opération. Elle n'est plus si attentionnée. Elle ne s'occupe que de Maxence, son nouveau compagnon.

Rien n'est plus comme avant. Depuis la mort d'Anchise, son grand-oncle, un apiculteur taiseux, vivant dans une maison délabrée depuis le décès de sa femme, son grand amour.

Aubin traîne dans la colline, sur les lieux de la maison d'Anchise rasée pour construire une déchèterie. Là, il rêve qu'il court derrière le gros chien noir de sa tante, un Bas-rouge qui doit rester en cage.

« Nous sommes au temps des déchets. »

Les maisons sont à vendre, les magasins ferment mais il y a la déchèterie. Et surtout, Adel, son gardien. Il habite la banlieue de Nice et il est si différent des habitants du village.

Avec lui, Aubin découvre le jazz, Chet Baker et l'émoi amoureux. Il apprend à jouer de cette trompette retrouvée chez Anchise, seul, dans le silence des collines, attendant Adel.

« L'enfance ne passe pas, l'été non plus.»

C'est le temps ultime de glaner les traces du passé, de se découvrir grâce à Adel, de sentir aussi le racisme des gens du village. le temps des prises de conscience, de l'apprentissage mais la douceur est-elle possible dans cette maison de l'enfance?

J'ai beaucoup aimé le style de Maryline Desbiolles. le lyrisme, la simplicité procurent une émotion naturelle, de la nostalgie. Les sentiments effleurent un texte imprégné de la nature des lieux, de l'évolution lente de la vie de village. Un roman tout en nuances, une belle découverte d'auteur.
Lien : https://surlaroutedejostein...
Commenter  J’apprécie          60
Après l'histoire d'Anchise l'apiculteur veuf et solitaire, Maryline Desbiolles raconte celle de son neveu Aubin. Même lieu, les collines au-dessus de Nice, même paysage écrasé de lumière, même atmosphère nostalgique.
Le jeune Aubin n'a d'Anchise que le souvenir d'une attaque d'abeilles mais adolescent il aime jouer dans sa maison abandonnée, loin dans les collines. Bientôt, à cet emplacement on construit une déchetterie et Aubin va se lier à Adel le jeune gardien. Il découvre grâce à lui le désir amoureux, la musique, sa différence.
Un roman d'apprentissage qui interroge aussi sur la filiation et la migration. ( le grand-père d'Aubin a quitté son Italie natale pour travailler en France - sans papiers- les grands-parents d'Abel sont originaires des Aurès. )
Le style simple, le rythme poétique , les reprises lexicales font de ce court roman un bon moment de lecture pleine d'odeurs et de sensations.
Commenter  J’apprécie          30
Aubin, un adolescent solitaire, aime se promener sur la colline qui domine le terrain de la maison rasée de son grand-oncle Anchise et remplacée par une déchetterie. le secteur se désole au fur et à mesure, les magasins ferment, tout comme les maisons, les gens partent, les platanes sont abattus.
« Je vois le ciel qui laisse deviner que la mer n'est pas loin. Et même si je ne vois pas la mer, le ciel la porte jusqu'à moi, il la reflète, s'en inspire, le ciel qui n'est pas le nôtre mais qui s'enfuit déjà vers ailleurs, au-delà de la mer, le ciel léger, vaste, vastement découvert. »
Il préfère la compagnie de la nature à celle des membres de sa famille qui le délaissent, même s'il a pour chacun un lien trahi par les détails avec lesquels il, pense à eux. S'il appréciait de venir se blottir près du corps aux formes généreuses de sa mère lorsqu'il était petit, aujourd'hui son obésité et celle des autres membres de sa famille le révulsent.

En perpétuelle recherche de lui-même, il va et vient entre ce présent avec lequel il ne connecte pas et tous ses souvenirs.
La seule chose qui lui reste de l'aïeul, que sa mère traite de « vieux con boiteux, vieux fou », c'est sa trompette qu'il a retrouvée dans les décombres, et dans laquelle il souffle désespérément, espérant sortir des notes en pensant à Chet Baker, au jazz.
« Je souffle en secret dans ma trompette. Je me cache avec elle dans la colline où je brais ma solitude, mon ignorance, ma maladresse. »

Anchise, silencieux et solitaire lui aussi, apiculteur un peu spécial, vivait une relation étroite avec ses abeilles. Fou amoureux de sa femme, lorsqu'elle est décédée, il ne s'en est pas remis et s'est immolé, dans sa voiture. Cette histoire a fait l'objet d'un roman précédant.
Par sa disparition et la légende qui tourne autour de lui, Anchise est un repère pour Aubin en quête de racines, de valeurs pour l'aider à se construire puisqu'il est livré à lui-même.
C'est en allant à cette maison disparue qu'Aubin va rencontrer Adel, le gardien de la déchetterie, un garçon de 20 ans qui va l'aider à se découvrir, à découvrir d'autres horizons, à ressentir le désir, même si l'auteure aborde ce dernier sujet d'une façon discrète.
Autre personnage important, le gros chien de sa tante, un bas-rouge qui doit rester enfermé, mais qu'Aubin emmène avec lui, pour de vrai ou en imagination, le doute peut subsister…

Je ne connaissais pas Maryline Desbiolles à la bibliographie très fournie, et j'ai découvert une écriture, poétique, rythmée. On ressent l'âpreté de la nature, de la colline, et la cavalcade des pensées d'Aubin dans ses mots martelés, dans l'anaphore parfois jusqu'au ressassement, glissant à d'autres moments au rythme du slam.
On passe de la mélancolie à l'exaltation, du souvenir à la projection de cet homme en devenir. Cette colline et ce lieu semblent être mal aimés par l'adolescent, pourtant ils sont ce qu'il deviendra, son univers, sa construction, habitée de ses espoirs, ses rêves…

« Et s'il y avait dans le vieux monde voué aux orties de quoi nous revivifier ? Les orties peut-être, l'insignifiant, le moins que rien, la quantité négligeable, le proscrit, le mis au ban, le sans titre, sans terre, sans domicile fixe, sans-papiers, sans valeur, sans prix, le non négociable. le vieux monde voué aux orties est peut-être au-devant de nous. »
Lien : https://dominiquelin.overblo..
Commenter  J’apprécie          30
Les lecteurs assidus de Maryline Desbiolles ne sont pas en terre inconnue : Ugine en Savoie où est née l'écrivaine, la région de « Nice, entre mer et montagne, où le beau temps donne idée de l'éternité » où elle vit, le quartier de l'Ariane après les Aurès… autant de lieux cultes dans l'oeuvre de l'écrivaine.
Certains personnages sont familiers, c'est le cas d'Anchise. (Anchise, roman paru en 1999, avait été couronné du prix Fémina).

Veuf inconsolable après la mort de sa jeune femme pendant la guerre, 60 ans après Anchise s'est immolé dans sa veille voiture sur la colline.
Dans ce roman, Anchise, cède le devant de la scène à son neveu, Aubin.

Aubin se souvient vaguement de son grand-oncle, solitaire et taiseux, et de ses abeilles, « ce vieux con boiteux, ce vieux fou » disait sa mère.
Dans un contexte dénué d'amour parental, il aimait se réfugier, jouer et rêver dans ces lieux délaissés et sans vie. « La maison d'Anchise était mon île déserte, mon île au trésor… j'y ai déniché une trompette ». Puis, comme une offense, la maison de ses souvenirs a été détruite et remplacée par une déchèterie. C'est au coin de cet équipement qu'Aubin rencontra Adel, c'est à ce moment que se déployèrent les ailes du désir.

Comme dans un roman mémoire, Maryline Desbiolles parle de gens et de vies ordinaires, des évolutions qui transforment l'environnement et les façons de vivre. A travers les paysages âpres, tout converge pour apporter une ouverture dans la vie étriquée d'Aubin qui va découvrir la musique et Chet Baker, découvrir un nouveau langage, s'ouvrir sur le monde.
La psychologie des personnages et la description des lieux sont deux forces importantes de ce livre ; de longues phrases, des mots martelés, de la poésie, beaucoup de mélancolie emportent le lecteur avec Aubin sur les chemins de l'espérance…

Un roman assez court mais intense souvent traversé par la « lumière noire » ou les bleus froids de Picasso : c'est en effet dans un tableau que j'ancrerais l'histoire du Neveu d'Anchise.
Merci à Babelio et sa Masse Critique , merci aux éditions du Seuil.
Commenter  J’apprécie          30
Maryline Desbiolles née en 1959 à Ugine a notamment écrit La seiche, 1998, Anchise, prix Fémina 1999, Ceux qui reviennent, 2014, Machin, 2019.
Le titre
-Dans la mythologie grecque, il y eut Anchise, un beau et jeune mortel, père d'Enée, né de son union secrète avec la déesse Aphrodite. Lorsque Zeus l'apprit, il fit frapper Anchise qui devint boiteux. Quand Troie tomba aux mains des Grecs, Enée s'enfuit, emportant sur son dos Anchise.
-Il y eut en 1999 Anchise, portrait d'un veuf, très vieux, enfermé dans le passé, le souvenir de son épouse Blanche, depuis longtemps disparue.
-Dans le Neveu d'Anchise le narrateur revient sur les lieux où vécut Anchise, cette fois disparu.
**********************
Le Neveu d'Anchise est un court récit d'une grande délicatesse, à l'écriture singulière et poétique. L'auteure revient sur des thèmes qui lui sont chers : le territoire, ici Nice et ses limes, un territoire qui se métamorphose ; un paysage lieu de mémoire, de traces du passé, des collines blanches et un ciel bleu. Maryline Desbiolles parle des origines, des exils recommencés, contrariés. Elle dit l'enfermement des hommes dans leurs préjugés et l'enclos dans lequel ils vivent est une métaphore de cette étroitesse d'esprit. Avec une grande pudeur, l'auteure dit l'éveil à la sensualité des deux adolescents, Aubin et Adel.
Le thème des déchets est central dans le récit. Une déchèterie a été construite sur les décombres de la maison du grand-oncle Anchise, Adel est fier d'être le gardien de ce lieu organisé de façon méthodique, pour un tri parfait. Cette déchèterie devient le lieu de rendez-vous des deux adolescents. Avant, les décharges étaient un lieu vivant où chineurs, gitans, artistes faisaient des trouvailles. Ce plaisir-là a disparu. Mais en cherchant bien, l 'on peut encore avoir des surprises, et Aubin déniche une trompette et des imprimés d'un autre temps dans l'une des ruches d'Anchise à l'abandon. Les déchets sont bien des traces. le père d'Aubin est « agent de collecte des déchets, éboueur, ripeur ».
Le Neveu d'Anchise est un très beau livre qui raconte les petits riens, les bonheurs et les malheurs de tous les jours.
Les personnages :
-Aubin, le narrateur, petit-neveu d'Anchise, né dans une famille de gros, il porte un prénom qui détonne dans son milieu. Sur les ruines de la maison d'Anchise, il s'ouvre à la vie, à l'ailleurs, à la musique et au désir. le chien noir de Tatie Stef l'accompagne-en rêve- dans ses courses à perdre haleine dans les collines. Il a comme horizon musical Chérie FM avant de découvrir le jazz.
-Adel, le gardien de la déchèterie est beau, porte des vêtements de marque, et habite à l'Ariane, un quartier de Nice mais « loin de Nice ». Ses grands-parents paternels venaient des Aurès. Il fait découvrir le jazz à Aubin.
-Anchise, l'absent. Il ne s'est jamais consolé de la mort de son épouse, dite Blanche, victime de la fièvre typhoïde en 1939.Anchise était apiculteur. Aubin en garde un mauvais souvenir.
Commenter  J’apprécie          20
Aubin, jeune homme d'une vingtaine d'année, qui vit à proximité de Nice aime aller flâner sur le terrain de la maison rasée de son grand oncle Anchise et remplacée par une déchetterie.

Aubin se sent étranger voir différent au sein d'une famille composée de personnes obèses alors que lui est très mince. Il se cherche et va réussir à se découvrir au fil du roman grâce notamment à une trompette et à travers la vie et la musique de Chet Baker trompettiste et bugliste et chanteur de jazz américain. Aubin va également trouver l'amour et vivre ses premiers émois de manière inattendue.

Anchise, qu'il n'a pas vraiment connu, était un apiculteur, veuf, boiteux et qui s'est immolé dans sa voiture. La claudication dont est affublée ce grand oncle est un clin d'oeil de la narratrice au héros de la mythologie grecque « Anchise » devenu boiteux suite à un éclair envoyé par Zeus et détourné par Aphrodite.

Le chien noir qui semble familier et inquiétant, peuple les rêves et les pensées d'Aubin tout au long du roman, et devient un personnage à part entière de cette histoire. le chien, le compagnon de tous les jours, l'est aussi dans la mort. Il est le symbole du psychopompe, c'est-à-dire le guide des âmes dans leur voyage vers le royaume des morts. Dans sa symbolique onirique, le chien noir représente une partie cachée de la personnalité de quelqu'un. Aubin recherche son identité à travers les morts de sa famille et ce chien inquiétant est un guide sur les routes du passé.

Le neveu d'Anchise est un roman initiatique qui relate la quête identitaire et la quête généalogique du jeune héros. Aubin prénom d'origine latine qui vient d'Albus signifie le blanc. Cette couleur symbole d'amour et de pureté de l'âme caractérise bien le héros de ce livre.

Court roman à l'écriture très simple, très belle et subtile qui transporte le lecteur et fait passer un très agréable moment en apesanteur. A lire et relire
Commenter  J’apprécie          21
Les années ont passé depuis la mort d'Anchise, et sa maison abandonnée a laissé la place à une déchetterie moderne. Aubin, adolescent solitaire est son petit neveu. Sensible, il se sent différent des membres de sa famille et a du mal à s'intégrer au lycée. Il se lie d'amitié avec Adel, un jeune homme, gardien de la déchetterie. Cette rencontre est la source de premiers émois et de sa découverte du jazz.
Roman à la première personne, vingt ans après Anchise, Maryline Desbiolles dresse le portrait d'un jeune garçon au début d'une époque charnière de sa vie. On sent le poids de l'histoire familiale et la difficulté de faire sa place.
Les émotions et les sensations sont finement décrites.
Un roman tout en délicatesse.
Je remercie Babelio et les éditions du Seuil pour ce livre.
Commenter  J’apprécie          10


Lecteurs (31) Voir plus



Quiz Voir plus

Musique d'écran, Musique des grands !

Quel réalisateur, icône de de la nouvelle vague, a choisi une musique de Maurice Jaubert pour accompagner un film (avec Nathalie Baye et Antoine Vitez) réalisé en 1978, d'après trois nouvelles de Henry James ? La femme de Gérard Mazet vient de décéder. Julien Davenne est arrivé dans l'est de la France pour le réconforter, mais lui-même vit un véritable drame : il est veuf, vit avec une gouvernante et Georges, un enfant sourd et muet à qui il apprend à parler. Dans cette même maison, où il abrite sa solitude, il a aménagé une chambre entièrement consacrée au souvenir de sa femme Julie.

Jean-Luc Godard
Claude Lelouch
François Truffaut
Jules Dassin
Jacques Rivette
Eric Rohmer

12 questions
9 lecteurs ont répondu
Thème : Le beau temps de Maryline DesbiollesCréer un quiz sur ce livre

{* *}