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EAN : 978B08Q8311TF
132 pages
Seuil (07/01/2021)
3.5/5   18 notes
Résumé :
Un chien noir, familier et inquiétant à la fois, traverse le livre et le paysage. Ce paysage, c’est celui d’Anchise, apiculteur farouche, veuf inconsolé qui, sur le tard, s’est suicidé par le feu. Aubin était alors un enfant. Il a peu connu son grand-oncle, mais en secret il a joué dans sa maison abandonnée. Au bord de la route, pas très loin de Nice, pas très loin de la ville et déjà à la campagne, minée par les pavillons et leurs clôtures en plastique.

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Aubin est un jeune homme très attachant.
Son Grand Oncle, Anchise, était un apiculteur installé sur les hauts de Nice, tout comme toute la famille d'Aubin. Celui-ci garde un souvenir mémorable de la fois où les abeilles de son rucher avaient attaqué sa mère et lui, par un soir d'orage, sans que le Grand Oncle se décide à leur prêter main forte : il riait à gorge déployée devant le spectacle et ne voyait pas l'intérêt de lever le moindre petit doigt pour éviter l'attaque. de ce souvenir douloureux, dont Aubin conservera quelques jours un oeil gonflé par une piqure d'abeille, sa mère gardera l'idée que son oncle est quelqu'un d'infréquentable, et il ne sera plus question de le revoir. Pourtant cet Anchise n'était qu'un original qui, quelques temps plus tard se suicidera en s'immolant par le feu, inconsolable de la mort de sa femme 60 ans plus tôt, une femme portant un prénom un peu désuet mais adorable : « Blanche » ….

Aubin grandit.
Entre une mère caissière et un père ripeur – on aurait pu dire aussi « agent de collecte des déchets ou bien encore éboueur, mais le père préférait ripeur, plus chic – qui les quitta tous deux du jour au lendemain, sans coup férir, et remplacé un an plus tard par un dénommé Maxence dit Maxou, avec qui Aubin ne veut rien à voir à faire.
Ça tombe bien : Maxou joue aux jeux vidéo, tandis qu'Aubin grimpe dans la colline derrière chez lui. Il habite proximité de son oncle et de sa tante : Tante Stefi est maître-chien et le beauceron qu'elle a dressé loge dans sa niche à côté de la maison, tandis que les deux jumeaux passent leur temps à se goinfrer et que l'oncle regarde des films pornos. Un cadre charmant, quoi …

Il y a peu la maison d'Anchise a été rasée. Mais juste avant Aubin trainait souvent dans la maison désaffectée, une maison tout en fouillis et dans laquelle il a déniché une trompette. L'instrument trône maintenant sur une étagère au-dessus de son lit : trouvera-t-il une occasion de l'utiliser un jour ?
La maison d'Anchise rasée, la commune décide d'y installer une déchetterie. Des déchets, il en sera question tout au long de ce récit, et c'est un des thèmes de ce récit qui révèle plein de surprises. A l'image de cet Abdel, jeune gardien de la déchetterie, qu'Aubin va rencontrer : « Adel je ne sais pas le décrire, il a des yeux jaunes, et tout est dit ». Adel va faire découvrir une musique à Aubin, une musique dont il n'a jamais entendu parler – chez lui on écoute « Chériefem » - une musique qu'il appelle Jazz. Alors Aubin fouille sur Internet et découvre l'histoire triste et belle de Chet Baker. Ce trompettiste hors norme lui donne envie de s'essayer à la trompette d'Anchise : « La trompette pourrait-elle être un leurre pour attraper Adel ? »

Je connaissais Maryline Desbiolles pour avoir lu plusieurs de ses livres, notamment « la Seiche » que je vous recommande. Elle avait déjà brossé le portrait d'Anchise dans un livre qui avait pour titre ce seul nom, « Anchise ». Ici l'autrice poursuit et fouille encore la question de la mémoire, de la transmission, des restes que nous laissons derrière nous et de cette civilisation du déchet recyclé que nous connaissons.

Et bien sûr, on croisera des migrants. Ils passeront comme des ombres sur la route qu'empruntera Aubin avec son père, et, tout comme nous le faisons, les deux hommes détourneront les yeux pour ne pas savoir ce qu'il adviendra de ses jeunes garçons, à peine plus vieux que lui, mais venus d'ailleurs.

Maryline Desbiolles excelle aussi à décrire ces zones urbaines délaissées, bien loin de Nice et de ses beaux quartiers, et ses romans pourraient être des manuels de sociologie, s'il n'y avait surtout chez elle quelque chose de très fort : le style.
Le mieux pour en rendre compte est d'en lire quelques extraits, car il relève à la fois de la poésie, de la peinture aussi, qui a touché était très importante pour Maryline Desbiolles, et qui ressort dans sa façon de décrire ses paysages que plus personne ne regarde, mais encore de la mélancolie, avec ce regard tendre qu'elle porte sur des personnages qui ont de la profondeur.

Roman initiatique, qui verra Aubin passer d'une adolescence solitaire à l'entrée dans l'âge adulte par le désir, avec un état de tension qui nous conduira jusqu'au drame final, ce « Neveu d'Anchise » est un de mes coups de coeur 2021.
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J'ai retrouvé dans ce beau livre de MD le même souffle que dans son roman « ceux qui reviennent ». Mais c'est ici le souffle du vent de l'arrière pays niçois qui charrie les senteurs des lentisques et des pins d'Alep.

Le verbe de MD est comme un fleuve qui nous entraîne. Comme le Paillon de Nice quand il est en eau. C'est rare mais cela arrive après les fortes pluies. Un fleuve impatient qui nous interdit de flâner en chemin, de nous arrêter pour admirer la beauté du paysage. le flot ne s'arrête jamais et nous porte toujours plus avant, vers d'autres beautés, des beautés encore plus belles.
La rivière et le vent nous portent et nous rapportent, ébloui et heureux, aux origines. À nos origines ; à ce lieux qui rassemble tous les humains, ceux que que nous avons connus et ceux que nous n'avons pas connus, ceux que nous avons aimés et ceux que nous n'avons pas su aimer.

Aubin est le neveu d'Anchise. C'est un nom plutôt chic pour le fils de la Lolo, le fils d'un éboueur et d'une caissière de supermarché.
Aubin est mince. C'est le seul mince de sa famille. Ses parents sont gros, ses oncles et tantes sont gros, ses cousins sont gros.
Aubin ira au lycée. C'est le 1er membre de la famille qui fera des études.
Aubin est-il vraiment de cette famille-là ?

Le vieil oncle Anchise, jamais guéri de la douleur d'avoir perdu sa jeune et belle épouse Blanche, a fini par se faire brûler dans sa voiture. Au beau milieu du chemin qui menait à sa maison.
Anchise boitait, comme l'autre Anchise, le père d'Enée, qui avait été lui-aussi séduit par la beauté parfaite de la déesse Aphrodite.
Dans la maison restée déserte après la mort de son oncle, Aubin allait jouer en secret. Il y a découvert une trompette.

Un jour cette maison d'une enfance solitaire et solaire a été détruite et on a construit une déchèterie à sa place. Dans les veilles maisons les objets oubliés ont une âme qui nous invite au voyage ; dans les déchèteries neuves les objets sont disloqués et classés selon leurs matériaux, et ne racontent plus rien de ceux qui les ont possédés.

Mais le gardien de la déchèterie est Adel, beau comme un pâtre de légende.
Adel est un méditerranéen, mais un méditerranéen de l'autre côté de la mer.
Sa rencontre sera pour Aubin l'occasion de découvrir ce qu'a été et ce qu'est réellement sa famille. Adel fera découvrir la musique et le jazz à Aubin.
Aubin ne sait rien de la musique, ni du jazz. Sur internet il découvre Chet Baker un américain italien, beau gosse mais mauvais garçon. Il faisait du jazz en s'accompagnant à la trompette.

Le neveu d'Anchise est l'histoire d'un enfant qui se sent complètement différent de sa famille, qui a parfois honte d'elle ; un adolescent sauvage qui arpente en solitaire d'abord, puis accompagné d'Adel, les paysages solaires de l'arrière pays niçois.

Mais il faut bien tuer les rêves de l'enfance pour qu'advienne l'Homme, celui qui se reconnaît dans les autres, qui les accueillent enfin, les étreins pour les ressusciter ou les faire advenir, dans le grand mouvement qui fait avancer l'humanité ; la fait avancer jusqu'à ces origines-mêmes.

Dans ce roman très contemporain, dont le titre sonne comme un récit mythologique, MD déroule une tragédie antique à hauteur d'hommes, c'est à dire très haut. Car ses personnages, tous des gens du petit peuple et moins encore, sont considérés sans complaisance mais sans mépris. MD ne les regarde jamais par le petit bout de la lorgnette, ce qui lui évite de tomber dans la démagogie, la mièvrerie ou la condescendance.

Le souffle qui parcourt tout le livre tisse intimement la Grande Histoire et les petites histoires de chacun. Quand les histoires s'emmêlent, les géographies le font aussi et ce maillage serré des destins et des lieux donne une étoffe bigarrée qui confère aux personnages une immense dignité.

MD sait comme peu d'écrivain nous regarder et nous renvoyer l'image des héros épiques que nous n'avons pas cessés d'être sous les oripeaux peu flatteurs d'une certaine modernité.
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Maryline Desbiolles née en 1959 à Ugine a notamment écrit La seiche, 1998, Anchise, prix Fémina 1999, Ceux qui reviennent, 2014, Machin, 2019.
Le titre
-Dans la mythologie grecque, il y eut Anchise, un beau et jeune mortel, père d'Enée, né de son union secrète avec la déesse Aphrodite. Lorsque Zeus l'apprit, il fit frapper Anchise qui devint boiteux. Quand Troie tomba aux mains des Grecs, Enée s'enfuit, emportant sur son dos Anchise.
-Il y eut en 1999 Anchise, portrait d'un veuf, très vieux, enfermé dans le passé, le souvenir de son épouse Blanche, depuis longtemps disparue.
-Dans le Neveu d'Anchise le narrateur revient sur les lieux où vécut Anchise, cette fois disparu.
**********************
Le Neveu d'Anchise est un court récit d'une grande délicatesse, à l'écriture singulière et poétique. L'auteure revient sur des thèmes qui lui sont chers : le territoire, ici Nice et ses limes, un territoire qui se métamorphose ; un paysage lieu de mémoire, de traces du passé, des collines blanches et un ciel bleu. Maryline Desbiolles parle des origines, des exils recommencés, contrariés. Elle dit l'enfermement des hommes dans leurs préjugés et l'enclos dans lequel ils vivent est une métaphore de cette étroitesse d'esprit. Avec une grande pudeur, l'auteure dit l'éveil à la sensualité des deux adolescents, Aubin et Adel.
Le thème des déchets est central dans le récit. Une déchèterie a été construite sur les décombres de la maison du grand-oncle Anchise, Adel est fier d'être le gardien de ce lieu organisé de façon méthodique, pour un tri parfait. Cette déchèterie devient le lieu de rendez-vous des deux adolescents. Avant, les décharges étaient un lieu vivant où chineurs, gitans, artistes faisaient des trouvailles. Ce plaisir-là a disparu. Mais en cherchant bien, l 'on peut encore avoir des surprises, et Aubin déniche une trompette et des imprimés d'un autre temps dans l'une des ruches d'Anchise à l'abandon. Les déchets sont bien des traces. le père d'Aubin est « agent de collecte des déchets, éboueur, ripeur ».
Le Neveu d'Anchise est un très beau livre qui raconte les petits riens, les bonheurs et les malheurs de tous les jours.
Les personnages :
-Aubin, le narrateur, petit-neveu d'Anchise, né dans une famille de gros, il porte un prénom qui détonne dans son milieu. Sur les ruines de la maison d'Anchise, il s'ouvre à la vie, à l'ailleurs, à la musique et au désir. le chien noir de Tatie Stef l'accompagne-en rêve- dans ses courses à perdre haleine dans les collines. Il a comme horizon musical Chérie FM avant de découvrir le jazz.
-Adel, le gardien de la déchèterie est beau, porte des vêtements de marque, et habite à l'Ariane, un quartier de Nice mais « loin de Nice ». Ses grands-parents paternels venaient des Aurès. Il fait découvrir le jazz à Aubin.
-Anchise, l'absent. Il ne s'est jamais consolé de la mort de son épouse, dite Blanche, victime de la fièvre typhoïde en 1939.Anchise était apiculteur. Aubin en garde un mauvais souvenir.
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Le neveu d'Anchise, un style, une ambiance, une histoire et l'expression clair obscur qui vient à l'esprit.

Un style. Qui nous change des écrits plats, des lieux communs et des expressions toutes faites. Maryline Desbiolles prend le temps, les mots sont pesés, les mots sont choisis, le rythme est lent à souhait, les répétitions nombreuses mais sans redondance comme des pas de danse qui se répètent sans que cette répétition ne fasse du sur place. Les idées s'enchaînent en toute liberté, un tiens tu l'auras, Laura est une belle femme, femmes d'aujourd'hui, rebelles à tout.

Une ambiance, qui m'échappe en grande partie n'étant pas habitué à Maryline Desbiolles. Anchise a déjà existé dans une autre vie, les mêmes paysages doivent ancrer d'autres personnages dans d'autres livres, certains se retrouveront en terre connue, d'autres pas.

Une histoire. Celle du neveu d'Anchise. Que n'est il lui même ?
Aubin, 17-18 ans, en mal de famille, en mal de passé, en mal de solitude, sur sa route, Adel. Des portes s'ouvrent, regarder de l'autre côté, simplement, seulement, ou selon ce que l'on verra, franchir le pas ou pas.

Clair obscur. Ce chien noir qui accompagne Aubin, en rêve et en vrai, qui est il, que représente il, que veut il ? Destin funeste, vérité redondante, figure noire, ange protecteur ?
Aubin, ce prénom, cherchons, Aubin Albinus blanc, symbole d'innocence et de pureté, Aubin, à l'aube de sa vie d'adulte, et l'aube d'un communiant.
Et autres dualités
Ce qui n'est pas dit ne se devine pas forcément.

Le livre débute avec lenteur puis le rythme est pris et enfin s'achève effréné en de multiples pensées éparses.

Que cherche Aubin, que trouve Aubin.
Une richesse intérieure qui ne le laissera jamais seul.
Ce n'est pas dit.
Et ce qui n'est pas dit ne se devine pas forcément.

A lire, avec humilité.
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Les lecteurs assidus de Maryline Desbiolles ne sont pas en terre inconnue : Ugine en Savoie où est née l'écrivaine, la région de « Nice, entre mer et montagne, où le beau temps donne idée de l'éternité » où elle vit, le quartier de l'Ariane après les Aurès… autant de lieux cultes dans l'oeuvre de l'écrivaine.
Certains personnages sont familiers, c'est le cas d'Anchise. (Anchise, roman paru en 1999, avait été couronné du prix Fémina).

Veuf inconsolable après la mort de sa jeune femme pendant la guerre, 60 ans après Anchise s'est immolé dans sa veille voiture sur la colline.
Dans ce roman, Anchise, cède le devant de la scène à son neveu, Aubin.

Aubin se souvient vaguement de son grand-oncle, solitaire et taiseux, et de ses abeilles, « ce vieux con boiteux, ce vieux fou » disait sa mère.
Dans un contexte dénué d'amour parental, il aimait se réfugier, jouer et rêver dans ces lieux délaissés et sans vie. « La maison d'Anchise était mon île déserte, mon île au trésor… j'y ai déniché une trompette ». Puis, comme une offense, la maison de ses souvenirs a été détruite et remplacée par une déchèterie. C'est au coin de cet équipement qu'Aubin rencontra Adel, c'est à ce moment que se déployèrent les ailes du désir.

Comme dans un roman mémoire, Maryline Desbiolles parle de gens et de vies ordinaires, des évolutions qui transforment l'environnement et les façons de vivre. A travers les paysages âpres, tout converge pour apporter une ouverture dans la vie étriquée d'Aubin qui va découvrir la musique et Chet Baker, découvrir un nouveau langage, s'ouvrir sur le monde.
La psychologie des personnages et la description des lieux sont deux forces importantes de ce livre ; de longues phrases, des mots martelés, de la poésie, beaucoup de mélancolie emportent le lecteur avec Aubin sur les chemins de l'espérance…

Un roman assez court mais intense souvent traversé par la « lumière noire » ou les bleus froids de Picasso : c'est en effet dans un tableau que j'ancrerais l'histoire du Neveu d'Anchise.
Merci à Babelio et sa Masse Critique , merci aux éditions du Seuil.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Je suis un sanglier et un chien. Je suis aussi un âne. J’ânonne. Je fais des exercices que je trouve au petit bonheur sur des sites. Tout m’est bon, je ne sais rien. Dans la colline, je souffle dans ma trompette et je brais comme un âne. Longtemps je n’utilisai que la seule embouchure dont je n’arrivai à tirer un son qu’après des jours d’effort. Puis l’instrument, corps reconstitué, puis l’instrument de tout son corps qui amplifia mon braiment. Je suis un âne. J’endure, je m’évertue, je me blesse les babines. J’ai une marque rouge, une marque au fer rouge sur les lèvres, un petit cercle qui me cloue le bec.

J’ai nettoyé la trompette, je l’ai frottée, elle a pris des coups, elle est rayée par endroits, mais elle a retrouvé un peu de son lustre. C’est une vieille trompette, je ne sais pas si elle a servi. Une trompette de la marque Besson. Je ne sais pas si c’est une bonne trompette. Je ne sais pas ce qu’est une bonne trompette. Je sais que la trompette est un instrument réputé difficile, populaire, manouche, fête au village, sonnerie, fanfare, la trompette est en laiton, jouer avec le vent, jouer dans le vent, oiseau-trompette, un instrument réputé militaire, royal, trompettes de la renommée, de-la-mort. Mais elle a beau être dotée, capable d’un son brillant, elle n’est pas prétentieuse, je peux la prendre avec moi, l’escamoter, je l’ai bien en main sinon en bouche. C’est déjà quelque chose.
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Les jeunes hommes et femmes assis sur le muret ne sont pas des fantômes, ils ont franchi dans les montagnes la frontière entre l’Italie et la France, ils viennent de bien plus loin, de l’autre côté de la mer, ils ont manqué se noyer, enjambé la mort qui les tenait par les chevilles, ont traversé la vallée de la Roya, ont marché de nuit sur la route et, au petit matin, on les a dénoncés, sans doute quelqu’un qui les as vus de sa voiture comme nous les voyons et qui a appelé la police avec son téléphone portable. Quelqu’un qui courait sur le bord de la route, quelqu’un à vélo, quelqu’un dans sa voiture comme nous. Dans la nuit douteuse ou le jour traître, comme on voudra. Et j’ai honte d’habiter si près, j’ai honte d’habiter tout court, j’ai honte de continuer ma route et de rencontrer en sens inverse d’autres voitures au gyrophare bleu roulant à vive allure, un tel déferlement pour autant de silence.
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Adel je ne sais pas le décrire, il a des yeux jaunes, et tout est dit. Adel je ne sais pas le décrire, il a des dents petites, des lèvres mauves, et toue est dit. Adel je ne sais pas le décrire, il est très fin, sourire fin, esprit fin, air fin, fine bouche, fine lame, fin du fin, fin mot, Adel a des mains graciles, les ongles un peu rongés, la peau délicate, très délicate, la taille déliée, les muscles déliés, la langue, et tout est dit.
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Je vois le ciel qui laisse deviner que la mer n’est pas loin. Et même si je ne vois pas la mer, le ciel la porte jusqu’à moi, il la reflète, s’en inspire, le ciel qui n’est pas le nôtre mais qui s’enfuit déjà vers ailleurs, au-delà de la mer, le ciel léger, vaste, vastement découvert.
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Et s’il y avait dans le vieux monde voué aux orties de quoi nous revivifier ? Les orties peut-être, l’insignifiant, le moins que rien, la quantité négligeable, le proscrit, le mis au ban, le sans titre, sans terre, sans domicile fixe, sans-papiers, sans valeur, sans prix, le non négociable. Le vieux monde voué aux orties est peut-être au-devant de nous.
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