Le premier précepte de la connaissance était de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle; c'est-à-dire d'éviter soigneusement la précipitation et la prévention; et de ne comprendre rien de plus en mes jugements que ce qui se présenterait si clairement et si distinctement à mon esprit que je n'eusse aucune occasion de le mettre en doute. Le second, de diviser chacune des difficultés que j'examinerais en autant de parcelles qu'il se pourrait et qu'il serait requis pour les mieux résoudre. Le troisième, de conduire par ordre mes pensées, en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à connaitre, pour monter peu à peu, comme par degrés, jusqu'à la connaissance des plus composés; et supposant même de l'ordre entre ceux qui ne se précèdent point naturellement les uns les autres. Et le dernier, de faire partout des dénombrements si entiers, et des revues si générales, que je fusse assuré de ne rien omettre.
Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée; car chacun pense en être si bien pourvu, que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose n'ont point coutume d'en désirer plus qu'ils en ont.
MEDITATION TROISIEME
De Dieu, qu'il existe.
Et enfin il me semble que les Syrènes, les Hippogriffes, et toutes les autres semblables chimères sont des fictions et inventions de de mon esprit. Mais aussi peut être me puis-je persuader, que toutes ces idées sont du genre de celles que j'appelle étrangères, et qui viennent de dehors, ou bien qu'elles sont toutes nées avec moi, ou bien qu'elles ont toutes étaient faites par moi : car je je n'ai point encore clairement découvert leur véritable origine.
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Mais, comme un homme qui marche seul et dans les ténèbres, je me résolus d'aller si lentement, et d'user de tant de circonspection en toutes choses, que, si je n'avançais que fort peu, je me garderais bien, au moins, de tomber.
Ce qui est si véritable, en cette matière, que, bien que j'aie souvent
expliqué quelques-unes de mes opinions à des personnes de très bon esprit, et
qui, pendant que je leur parlais, semblaient les entendre fort distinctement,
toutefois, lorsqu'ils les ont redites, j'ai remarqué qu'ils. les ont changées presque
toujours en telle sorte que je ne les pouvais plus avouer pour miennes.
La lecture de tous les bons livres et comme une conversation avec les plus honnêtes gens des siècles passés qui en ont été les auteurs, et même une conversation étudiée en laquelle ils ne nous découvrent que les meilleures de leurs pensées.
la raison ne nous dicte point que ce que nous voyons ou imaginons ainsi soit véritable . Mais elle nous dicte bien que toutes nos idées ou notions doivent avoir quelques fondement de vérité; car il ne serait pas possible que Dieu, qui est tout parfait et tout véritable , les eut mises en nous sans cela.
La puissance de bien juger, et distinguer le vrai d'avec le faux, qui est proprement ce qu'on nomme le bon sens, ou la raison, est naturellement égale en tous les hommes.
Plutôt changer mes désirs que l'ordre du monde.