Je me trouvais embarrassé de tant de doutes et d'erreurs, qu'il me semblait n'avoir fait autre profit, en tâchant de m'instruire, sinon que j'avais découvert de plus en plus mon ignorance.
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[...] on ne saurait si bien concevoir une chose, et la rendre sienne, lorsqu'on l'apprend de chaque autre, que lorsqu'on l'invente soi-même.
Et je n'ai jamais remarqué non plus que, par le moyen des disputes qui se pratiquent dans les écoles, on ait découvert aucune vérité qu'on ignorât auparavant: car, pendant que chacun tâche de vaincre, on s'exerce bien plus à faire valoir la vraisemblance, qu'à peser les raisons de part et d'autre; et ceux qui ont été longtemps bons avocats ne sont pas pour cela, par après, meilleurs juges.
La pluralité des voix n'est pas une preuve qui vaille rien pour les vérités un peu malaisées à découvrir, à cause qu'il est bien plus vraisemblable qu'un homme seul les ait rencontrées que tout un peuple.
La philosophie donne moyen de parler vraisemblablement de toutes choses, et se faire admirer des moins savants.
Pour moi, je n'ai jamais présumé que mon esprit fût en rien plus parfait que ceux du commun : même j'ai souvent souhaité d'avoir la pensée aussi prompte, ou l'imagination aussi nette et distincte , ou la mémoire aussi ample, ou aussi présente, que quelques autres.
Dieu nous à donné quelque lumière pour discerner le vrai du faux.
Ceux qui ne marchent que fort lentement peuvent avancer beaucoup plus, s'ils suivent le droit chemin, que ne font ceux qui courent, et s'en éloignent.
Je connus de là que j'étais une substance dont toute l'essence où la nature n'est qu de penser, et qui, pour être, n'a besoin d'aucun lieu, ni ne dépend d'aucune chose matérielle. En sorte que ce moi, c'est-à-dire l'âme par laquelle je suis ce que je suis, est entièrement distinctive du corps, et même qu'elle est plus aisée à connaître que lui, et qu'encore qu'il ne fût point, elle ne laisserait pas d'être tout ce qu'elle est.
Ma troisième maxime était de tâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune et à changer mes désirs que l'ordre du monde ; et généralement de m'accoutumer à croire qu'il n'y a rien qui soit entièrement en notre pouvoir, que nos pensées.