La relative indifférence des Achuar à l'égard de leurs remèdes végétaux-en parfait contraste, il faut le souligner, avec l'image mythique que se font des Indiens d'Amazone les amateurs européens de "médecine douce"- n'est nulle part plus évidente que dans leur traitement des maladies de peau ou des infestations parasitaires.
La violence est sans doute une constante de la nature humaine ; elle n’a donc pas à être expliquée en tant que telle. Ce qui mérite l’attention de l’ethnologue, en revanche, c’est la manière dont chaque société codifie selon ses propres critères l’expression individuelle et collective de la violence en considérant certaines de ses formes comme légitimes et d’autres comme socialement inacceptables.
Le plus difficile pour moi fut sans doute d’admettre que l’on puisse avoir du temps une représentation non cumulative tant l’idée de progrès est fille de notre époque.
Dire des Indiens qu’ils sont « proches de la nature » est une manière de contresens, puisqu’en donnant aux êtres qui la peuplent une dignité égale à la leur, ils n’adoptent pas à leur endroit une conduite vraiment différente de celle qui prévaut entre eux. Pour être proche de la nature, encore faut-il que la nature soit, exceptionnelle disposition dont seuls les modernes se sont trouvés capables et qui rend sans doute notre cosmologie plus énigmatique et moins aimable que toutes celles des cultures qui nous ont précédés.
Le temps du récit n’est jamais celui de l’action.
On peut pourtant y trouver une consolation en songeant que notre planète n’est pas encore véritablement devenue un village, tout au plus une sorte de ville tentaculaire, où sur les décombres des hameaux qui peuplaient sa périphérie se construisent chaque jour de nouveaux quartiers aux personnalités de plus en plus contrastées.
La chasse procède ainsi d’un droit d’usufruit temporaire que les gardiens du gibier aiment à voir constamment renégocié, elle suppose une éthique du contrat et une philosophie de l’échange sans commune mesure avec la morale douceâtre de l'étable et du poulailler.
Malgré la curiosité toujours en éveil et la routine du travail d’enquête, chaque jour qui passe est englué dans des filaments d’éternité ; notre existence se met doucement entre parenthèses.
... et le souvenir même d’une clairière s’évanouit avec la mort de ceux qui l’avaient défrichée.
Les odeurs aussi sont plus nettes, car la chaleur de la fin de l’après-midi leur a donné un corps que le soleil n’a plus la faculté de dissiper.