Un album hors norme.
Des soeurs siamoises, une femme à barbe, un colosse, une lilliputienne, un homme-tronc… non, il ne s'agit pas d'un remake de Freaks, mais du dernier album d'
Emmanuelle Houdart,
Saltimbanques. Onze très beaux et étranges portraits d'artistes de cirque comme autant d'invitations à imaginer pour eux des vies extraordinaires et des numéros stupéfiants. L'illustratrice a confié ses personnages à
Marie Desplechin, qui leur a donné un nom et leur a inventé un destin fabuleux.
Quand la caravane s'arrête pour la première fois dans son village, le narrateur a dix ans. Commencent six semaines enchantées. Au fil des ans, il connaîtra tout ou presque de la troupe et c'est donc lui, tel Monsieur Loyal, qui va nous raconter comment chacun a trouvé sa place dans cette famille élective. Les onze histoires se croisent, des liens se tissent, des couples se forment (ou pas : le Colosse au coeur de pivoine aime sans espoir la femme du Lanceur de Couteaux).
On retrouve l'univers hybride d'
Emmanuelle Houdart – corail ou végétal, masculin ou féminin, plume ou poil ? – et ses motifs récurrents – l'oeuf, l'éponge, les livres.
Quand l'image pourrait être trop dérangeante ou cruelle, le texte de
Marie Desplechin rassure : le manteau de Madame Lucia n'est pas en « peau de gosses » mais en panne de velours, les Soeurs Siamoises seront opérées et séparées « sans trop de souci », les petites jambes monstrueuses de la Ventriloque ne sont que des boudins bourrés de kapok. L'étrangeté devient source de fascination et de séduction : les femmes du village jalousent Gerda, qui « sans sa barbe (…) n'aurait été qu'une jolie femme ». Comme au cirque, on s'étonne, on tremble, on rit avec ces hommes et ces femmes pas comme les autres et pourtant nos semblables, nos frères.