Ce livre sur le thème de la liberté de la femme, spécifiquement celle de disposer de son corps, de n'être pas violée -- mais cela ne dépend pas d'elle --, de pouvoir faire le choix toujours difficile et douloureux de l'avortement, reste d'une actualité frappante plusieurs décennies après la loi qui légalisa le droit d'avorter.
Deux aspects dans
MURmur, d'abord une dystopie donnant la parole à une femme emprisonnée car elle a fait une fausse couche, avec un début évoquant en une poésie dramatique l'enfermement du corps emprisonné. Pas seulement le corps mais, avec lui, l'esprit, l'âme, la pensée. Cette première partie est présentée sous la forme de colonnes, comme un journal de cette enfermée qui crie sa désespérance, ajoutant encore à la puissance de l'expression de cette femme.
Ensuite, une nouvelle, Pièces, à la lecture de laquelle on reconnaît les protagonistes du procès de Bobigny. Ici,
Caroline Deyns a choisi des noms communs pour les désigner : GrandeEnfant, PetiteSoeur, ToutePetiteSoeur, Père, Mère, Faiseuse, MaîtreAvocate, MadameLaMinistre, en tailleur bleu, matricule 78651, capable pour une rare fois d'assimiler la loi à la barbarie nazie, quitte à endurer la présence des croix gammées sur ses murs.
Le récit est dense, bien mené, il illustre la condition sociale de ceux qui n'avaient pas les moyens d'aller à l'étranger, exploités par un système prêt à les punir pour avoir usé tant bien que mal de leur liberté, ou plutôt de ce qui pouvait en rester après la contrainte, le viol, le regard des autres, bien ou mal pensants.
Une lecture qui reste indispensable, qui ne sombre pas dans le féminisme à tout prix, un texte qui emploie les mots justes, ceux qui atteindront leur auditoire sans artifice, rien que par une vérité nue.