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Citations sur Les rues dans l'aurore, ou les aventures de Georges L.. (4)

Georges arriva bientôt à la route de Bourcq. Il s'accouda un instant au parapet du pont et regarda son image dans l'eau. Il y avait sur ce parapet une pierre abandonnée là par quelque enfant. Il prit la pierre et la laissa tomber par jeu contre le reflet de son visage. L'eau se bouleversa, alla clapoter sous les rives, puis dansa doucement et redevint lisse. Le soir baissait. Georges vit réapparaître son visage. Il se trouva beau, comme si c'était celui d'un étranger, ou une image féminine — en tout cas paisible, et semblant appartenir à un autre monde.

[André DHÔTEL, "Les rues dans l'aurore ou les aventures de Georges Leban", éditions Gallimard/NRF (Paris), 1945 ; réédition aux éd. Sous le Sceau du Tabellion, (Caluire et Cuire), 2020]
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Rien en vérité ne changeait jamais dans Verziers, où les semaines se distinguaient seulement par les anomalies atmosphériques de certains de leurs jours, comme cette étrange après-midi précocément orageuse. Aucun événement n'aurait pu faire dévier des habitants qui semblaient enchantés par la douceur de leurs allées et venues entre les magasins d'alimentation, le lieu de leur travail et leur logis. [...] Cette tranquillité urbaine était décidément l'expression d'une profonde obscurité qui pesait sur un monde d'années indéfini. A moins qu'une transformation monte soudain un jour (sans signe extérieur d'un "déclanchement") comme de la profondeur même des pavés.

[André DHÔTEL, "Les Rues dans l'aurore, ou les aventures de Georges Leban", 1945, (incipit) pages 7-8] (extrait choisi par Jean-Yves Debreuille en son article "Les apprentissages d'André Dhôtel" de l'ouvrage collectif "Lire Dhôtel", pages 63-81, sous la direction de Christine Dupouy, Presses Universitaires de Lyon, 2003, 190 p.)
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Le Siourd est vraiment curieux en plein été, lorsque les sentiers deviennent durs comme du marbre, et que la poussière blanchit les herbes plus rares. On voit se répandre dans des lieux indéterminés, où personne ne vient à passer, certaines gentianes d’un bleu profond (une variété de la gentiane d’Allemagne). Parfois il se produit aussi une invasion de coquelicots qui fleurissent jusqu’au milieu d’août. Les graminées les plus étranges, comme la digitaire sanguine, poussent contre la pierre des seuils, tandis que les terres surchauffées d’alentour prennent une valeur éblouissante, où les détritus des légumes sont aussi simples et purs que des morceaux d’images. La chaleur en vérité reste intolérable, mais les habitants paraissent ne se soucier guère d’étouffer dans leurs maisonnettes ou d’être aveuglés par la lumière de leurs pistes. Ils vivent avec la plus impitoyable obstination dans l’inconfort où la fortune les place. […]
En hiver, dès que la neige s’étend partout, le Siourd revêt encore une beauté plus intense que sous le soleil de la canicule. Toutes les cheminées y fument, car les gens ne sont pas en peine de trouver du bois dans la forêt ou dans les chantiers de Casteaux, et le fin brouillard de ces fumées se détache au seuil de la plaine entièrement blanche. C’est alors qu’on s’aperçoit combien le faubourg est vaste : les passées des chemins ne sont que de minces accidents au sein de l’énormité des neiges. Vous retrouveriez certainement dans ces lieux la reproduction exacte des cartes postales d’une fausseté absolue qu’on vend pour Noël. Vous verriez ces toits de travers, chargés de glace et dix fois plus vastes que le corps de logis, mais surtout ces morceaux de haie, ces mares étroites qu’éclaire la violente et providentielle indifférence d’un ciel large. On rencontre beaucoup d’enfants tirant des traîneaux, mais ils parlent peu, et ils passent sans vous regarder. Ils doivent connaître l’immense valeur d’un bâton de nougat enveloppé de papier d’argent : des joies de ce genre suffisent à leur besoin de vérité, même si le froid leur glace le cœur.

[André DHÔTEL, "Les rues dans l'aurore ou les aventures de Georges Leban", éditions NRF/Gallimard (Paris), 1945 ; réédition aux éd. Sous le Sceau du Tabellion, (Caluire et Cuire), 2020]
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Indiscutablement cette appréciation des professeurs : élève moyen. Cela n'empêche pas de travailler, de rire, de patiner sur les mares gelées, de mépriser l'avenir, de connaître d'indépendantes sensualités, et tout ce qui va de travers vous emporte aussi dans la beauté de l'inconnu.

[André DHÔTEL, "Les Rues dans l'aurore, ou les aventures de Georges Leban", 1945, éditions Gallimard, 352 pages]
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