Au lycée, Léopold se maintenait dans une douteuse moyenne, faisait d'énormes fautes d'orthographe qu'il semblait s'amuser à inventer, ignorait tout encouragement à un travail assidu, se contentant d'échapper de justesse aux punitions.
Bref, on ne savait par quel bout le prendre, car il se montrait infiniment aimable avec l'idée bien arrêtée d'agir à sa guise, c'est-à-dire de faire n'importe quoi sauf ce qui lui était demandé. En classe de dessin, il usait de ses dons pour bâcler sa tâche et aider ses voisins.
Si peu de temps qu'on se trouve à ne rien faire, le monde change et devient intéressant. C'était d'abord la chaleur qui semblait plus profonde. L'étendue entre terre et ciel prenait toute son ampleur jusqu'aux horizons qui semblaient reculer. Et cela devenait d'autant plus étonnant de voir les dessins minutieux de cette ombelle portant des fleurs infimes, et de ces tiges velues d'épervières. Dans une prairie sèche, la végétation privée d'eau doit s'abreuver à des sources imaginaires [...] Les racines forment des réseaux divisés à l'infini, et la plus mince corolle calcule avec une ingénieuse économie ce qu'il faut dépenser pour aviver ses couleurs et fournir de miel les abeilles perdues dans l'azur.
[André DHÔTEL, "Des trottoirs et des fleurs", Gallimard, 1981] (extrait choisi par le site "Esprits Nomades. Notes de passage, notes de partage" : LITTERATURE -- article "André Dhôtel. L’écrivain où l’on revient toujours")
Alors, selon ses dires, tout devenait musique, un arbre, un tas de cailloux, les prairies de la plaine, surtout les couchers de soleil.
Tout, ce soir-là, était intensément lumineux et parfaitement désespéré.
[André DHOTEL, "Des trottoirs et des fleurs", Gallimard, 1981](extrait choisi par Aude Préta-de-Beaufort en son article "La religion d'André Dhôtel" de l'ouvrage collectif "Lire Dhôtel", pages 143-158, sous la direction de Christine Dupouy, Presses Universitaires de Lyon, 2003, 190 p.)
A cause du chant de l'écluse, je ne pouvais pas résister. Le monde n'était plus le monde, alors il fallait bien arroser ça.
« […] J'ai reçu de François Dhôtel (1900-1991), sous la forme d'un « tapuscrit » photocopié […], la merveilleuse suite de poèmes que voici. Je me suis dit qu'André Dhôtel, à la mort de qui je n'ai jamais cru, se dévoilait soudain plus vivant que jamais, avec la lumière pailletée de son regard et son sourire en coin.
[…]
Maintenant ces poèmes sont là, qui n'ont rien de testamentaire, même si l'on devine que leur auteur peu à peu s'absente - mais c'est pour mieux affirmer une présence imprescriptible.
Voici ces poèmes, dans l'ordre où je les ai reçus. […] Les poèmes naissent de la couleur du ciel, du temps qu'il faut, d'un écho des jours ordinaires et miraculeux, comme les impromptus qu'aimait tant Dhôtel, ou les petites pièces de Satie. […]
Au rythme séculaire des premières lectures éblouies,
« Voici donc le chant
de la jeunesse oubliée
et des souvenirs perdus »
[…] » (Jean-Claude Pirotte)
« […] Des paroles dans le vent
en espérant que le vent
est poète à ses heures
et nous prêtant sa voix
harmonise nos artifices.
Nos strophes seraient bien des branches
avec mille feuilles que l'air du large
fera parler peut-être un jour
où personne n'écoutera.
Car l'essentiel serait
qu'on n'écoute jamais
et qu'on ne sache pas
qui parle et qui se tait.
[…] » (Espoir, André Dhôtel)
0:00 - Abandon
2:00 - Attente
3:30 - En passant (II)
4:50 - La preuve
5:30 - L'inconnu
6:15 - Splendeur (II)
6:46 - Générique
Référence bibliographique :
André Dhôtel, Poèmes comme ça, éditions le temps qu'il fait, 2000.
Image d'illustration :
https://clesbibliofeel.blog/2020/04/08/andre-dhotel-idylles/
Bande sonore originale : Scott Buckley - Adrift Among Infinite Stars
Adrift Among Infinite Stars by Scott Buckley is licensed under a Creative Commons Attribution 4.0 International License.
Site :
https://www.scottbuckley.com.au/library/adrift-among-infinite-stars/
#AndréDHôtel #PoèmesCommeÇa #PoésieFrançaise
+ Lire la suite