le pilon, dans l'édition, est l'ensemble des livres destinés à la destruction, les invendus, les défectueux. Ce terme désigne également, par extension, la machine destinée à cet usage. Avant d'ouvrir ce roman de
Jean-Paul Didierlaurent, j'imaginais le pilon avec une tristesse un peu romantique, les livres se cachant pour mourir dans une sorte de cimetière des éléphants, une fin brutale mais élégante...
Et bien je peux vous assurer que ça c'était avant ! Avant d'avoir rencontré l'abominable Zerstor 500 ! Des descriptions qui valent leur pesant de tonnes de boues de papier déchiqueté, sacrée ambiance, limite même un moment on frôle quasiment
Stephen King : cette machine ne dévorerait-elle pas sciemment à l'occasion, son lot de chair vivante ?
Toute la première partie du roman est un grand plaisir de lecture. On y côtoie de savoureux personnages : les collègues ignobles ; le poisson-rouge Rouget de Lisle cinquième du nom ; le chaleureux Giuseppe cloué dans un fauteuil roulant suite à un accident de travail, et son étonnante marotte ; l'atypique gardien d'usine qui déclame des alexandrins ; des mamies groupies. Car Guylain Vignolle – le héros narrateur – sauve tous les jours quelques feuillets échappés à la voracité diabolique de la Chose (ainsi qu'il nomme le Zerstor 500). « Peaux vives » qu'il lit à voix haute le lendemain matin aux passagers du RER de 6h27, qui l'amène à l'usine. Tous les matins de la semaine, toutes les semaines.
Ma lecture hélas s'est gâtée dans la deuxième partie du roman, quand Guylain trouve une clé USB coincée dans un strapontin de RER. En lisant les textes qu'elle contient, il tombe amoureux. L'idée était pourtant plutôt amusante et moderne, car Julie, l'auteure de ces sortes de mémoires égarés, est en vrai, dame-pipi dans un centre commercial. Mais en fait, l'histoire tourne très vite court, et devient une bluette fade et plutôt bas de gamme, éclipsant l'ensemble des autres personnages ; avec en plus une fin prévisible.
Malgré ma déception finale, toute la première partie de ce livre a enchanté mon imagination. Une lecture inégale, donc, mais globalement sympathique !