Il y a un ennemi des bibliothèques plus dangereux que l'archiviste, c'est l'architecte.
Ma culture ne s'arrête pas là où commence celle d'autrui.
De toute façon, les livres, c'est comme les carrosses, ça sert surtout à frimer.
Quand on a toujours été un cancre, ces milliers de livres réunis au même endroit, c'est assommant, humiliant, complètement castrateur pour la virilité, enfin, ça c'est un détail.
Les longs rayonnages nous renvoient une image idéale, celle des domaines complets de l'esprit humain. Alors tous les chemins s'aplanissent, tout est renouvelé, et nous nous approchons d'une vision mystique de l'Abondance. L'inépuisable lait de la culture humaine mis à notre portée. Servez-vous, c'est gratuit. Empruntez, car autant l'accumulation matérielle appauvrit l'âme, autant l'abondance culturelle l'enrichit. Ma culture ne s'arrête pas là où commence celle d'autrui.
Les gens s’excusent beaucoup trop, tout le monde a peur d’être méchant et ça fait de la littérature pour bébés. Du ras des pâquerettes. Ce n’est pas comme ça qu’on grandit. Quand je vois, à la rentrée, tous ces livres niaiseux qui envahissent les librairies alors qu’ils ne sont, quelques mois plus tard, plus bons qu’à se vendre au kilo. Tous ces bouquins qui vous sautent dessus par centaines, quatre-vingt-dix-neuf pour cent sont juste bons à envelopper des sardines. Pour les bibliothèques, c’est une calamité.
Vous savez dans mon métier il n'y a rien de plus excitant et de plus valorisant que de jauger le type de personne que vous avez en face de vous, de discerner son attente, de trouver parmi les rayonnage le bouquin répondant à sa demande et de les faire se rencontrer. Les deux ensemble, le livre et le lecteur, au bon moment dans la vie de chacun, cela peut produire des étincelles, un feu, un embrasement, ça peut changer une vie. p.48
Quand je pense que certains maires osent fermer les bibliothèques au mois d'août ! [...] Qu'est-ce qu'il va faire, le petit vieux, au mois d'août? Je vais vous le dire : il va se lever le mardi, il va prendre le seul bus de la journée, il va arriver lentement, pas à pas, jusqu'à la porte de la bibliothèque, et là, alors que depuis la veille il se voyait déjà passer une douce journée climatisée à feuilleter ses quotidiens préférés, là, comme un coup de poignard dans le dos, comme le coup d'Etat du 18 brumaire, mon petit vieux, il verra sur la porte le félon écriteau : FERMÉE JUSQU'EN SEPTEMBRE. Et après, Durkheim s'étonne qu'il y ait davantage de suicides en été...
La culture n'est pas un plaisir. La culture, c'est un effort permanent de l'être pour échapper à sa vile condition de primate sous-civilisé.
De toute façon, les livres, c'est comme les carrosses, ça sert surtout à frimer. La vraie culture, chez les riches, ça ne vient jamais qu'après, en contrebande, et c'est toujours mal vu.