Citations sur La cote 400 (82)
Moi aussi j'ai des angoisses. Cela ne se voit pas forcement, je sais me tenir, hein, mais j'en ai un paquet. La pire, c'est l'angoisse de la fantaisie. Elle m'assaille sans cesse. Il suffit que je voie un livre mal enfoncé dans une étagère, un peu de travers, un peu différent, un peu trop joli, un peu trop attirant, comme celui là-bas, pour que... J'ai peur qu'il tombe, j'ai peur qu'on le remarque trop, je ne parviens plus à me concentrer... ni à parler... avant d'avoir... Excusez-moi... Il faut que je le remette à sa place.
...Le type qui a inventé ce système s'appelle Melvil Dewey. C'est notre père à tous, nous les bibliothécaires. Voilà un petit gars, issu d'une famille pauvre des Etats-Unis, qui, à l'âge de vingt et un an seulement, conçoit la classification la plus célèbre du monde. Dewey, c'est un peu le Mendeleïev des bibliothécaires.
Je m'entends bien avec mon boucher, Gustave Pratier, on se comprend. C'est pas un snob lui, pas de chichis. Comme le boucher taille au couteau la bête morte pour sortir les meilleurs morceaux, il faut trancher dans le vif. Ecarter le gras. Pas de pitié pour les mauvais livres. Et dans le doute soyons méchants. Telle est ma devise. Mais cette manière de voir est terminée, achevée, je suis de la vieille école.
Que voulez vous, on se distrait comme on peut. C'est que les gens sont seuls, terriblement seuls. Lire, c'est un prétexte. un faux semblant. Ce qu'ils viennent chercher ici, c'est quelque chose à quoi se raccrocher. La preuve, c'est que vous ne voulez même plus rentrer chez vous le soir.
Savoir se repérer dans une bibliothèque, c'est dominer l'ensemble de la culture, donc le monde.
Vous savez, dans mon métier, il n’y a rien de plus excitant et valorisant que de jauger le type de personne que vous avez en face de vous, de discerner son attente, de trouver parmi les rayonnages le bouquin répondant à sa demande et de les faire se rencontrer. Les deux ensemble, le livre et le lecteur, au bon moment dans la vie de chacun cela peut produire des étincelles, un feu, un embrasement, ça peut changer une vie.
De toute façon, l'histoire contemporaine tient en trois événements majeurs qui ont bouleversé notre rapport au monde : la Révolution française, les massacres de la guerre de 14 et l'invention de la pilule contraceptive. Vous avez toute l'histoire de France là-dedans ...
La bibliothèque est l'arène où chaque jour se renouvelle le combat homérique entre les livres et les lecteurs. Dans ce combat, la bibliothécaire est l'arbitre.
Je fais un métier courageux, utile, intéressant, qui demande un tas de qualités. Quand ils rendent les livres : "J'aime beaucoup aussi, cela vous a plu?".
Pourtant c'est évident : pénétrer dans une bibliothèque, c'est ni plus ni moins retourner dans le giron de maman... Oui, comme maman, la bibliothèque fait un bisou magique et tout disparait. [...] D'ailleurs, pour soigner les agoraphobes, les psychothérapeutes nous les envoient, sachant que les malades ici rencontrent une foule pacifique, une humanité réconciliée. Ces étudiants qui planchent sur des tables paisiblement partagées, ces pépés qui lisent et ces enfants bien sages, ce mélange continuel d'essences cérébrales déambulant dans la stratification rationnelle des idées de la classification décimale de Dewey. Oui, cette vision de l'humanité nous élève.