Écrire des romans, aujourd'hui en France, c'est se confronter à un double héritage des plus encombrants. D'un côté les grands écrivains du XIXe, leurs personnages comme autant de types sociaux, leurs romans comme des cathédrales. de l'autre, le Nouveau Roman, qui a excommunié les précédents et tous ceux qui, les imitant, bâtissent patiemment des intrigues linéaires et des héros suffisamment vraisemblables pour être attachants. Chacun, plus ou moins consciemment, se rangera auprès des uns ou des autres : poursuivre l'entreprise de soustraction minimaliste du nouveau roman, ou faire comme si celle-ci n'avait pas existé... au risque dans les deux cas de mettre un terme au mouvement perpétuel qu'est la réinvention du roman.
Sophie Divry, qui reconnaît avoir longtemps fait partie de ces adeptes du Nouveau Roman, suggère dans
Rouvrir le roman une approche décomplexée, qui prenne en compte le potentiel illimité du roman, ce “monstre hybride, ouvert à toutes les fantaisies”. Inspirée par des modèles contemporains qui offrent des exemples de “romans à haute dose” comme
Hilsenrath, Sorrentino ou Krzyzanowski, mais aussi par de grandes figures comme
Flaubert ou Sterne, elle invite ainsi les romanciers à prendre à bras le corps la liberté offerte par le roman. Limpide et stimulant, loin des dogmatismes et des discours déclinistes qui annoncent la mort du roman, ce bref essai invite à penser un roman toujours en quête de formes
nouvelles, qui assume son rôle politique sans le surjouer, et qui ose prendre le lecteur à rebrousse-poil pour mieux l'émerveiller.