Citations sur Trois fois la fin du monde (146)
La peur s'efface, une ivresse la remplace.
Les crépuscules sont splendides quand il mange sur la terrasse. Il va vers le tilleul, s'y adosse. Il regarde le ciel. Certains soirs, ces couchers de soleil sont tellement beaux, tellement immenses, que c'en est à peine supportable, ça crée dans son cœur comme une source qui veut s'épancher.
Il se rappelle qu'il a fait l'amour, tant de fois, et cela le déchire, car dans le même temps il est incapable de se souvenir de moments précis de l'acte, ce qui se passe vraiment. Il ne reste, avec une douceur terrifiante, que la sensation d'un corps chaud contre le sien. Le manque de tendresse accumulé sous sa peau le secoue de frissons.
Le feu craque, siffle, souffle. Les flammes jaillissent et meurent, bougent, ondulent et rejaillissent, on peut le regarder des heures. C'est comme un génie qui réchauffe le cœur.
Mais comment est-il fait celui qui laisserait perdre son frère sans prendre le risque de se perdre avec lui ?
Vous couliez béton sur béton.
Vous sous pensiez en sécurité.
Vous disiez "Nous contrôlons nos inventions" et c'est la catastrophe qui a pris le contrôle.
Vous disiez "Nous maîtrisons le danger" et le danger est venu d'un autre côté.
Vous disiez "Nous réagirons rapidement" et la catastrophe a été la plus rapide.
Vous pensiez vivre éternellement. Vous n'écoutiez plus les plaintes, vous ne craigniez pas les tempêtes.
Il a suffi d'une longue fissure, d'une explosion. De l'air soufflant la mort par des rayons.
Les radiations survolant vos visages, et déjà vous ne pouviez plus vous lever.
D'ailleurs, l'année prochaine, j'ai qu'à supprimer la journée du 24 décembre si elle m'angoisse, et passer directement à la suivante.
C'est vrai, ça, pourquoi je m'emmerde ? Je peux supprimer des journées !
Déconne pas, Jo, si tu commences comme ça, tu vas te décaler par rapport aux saisons. Et quand t'en seras aux plantations, ce sera le waï si t'es pas dans les clous.
Joseph
J’ai tué un flic, putain, je le crois pas… Le pire, c’est qu’c’est même pas kiffant. Je suis bloqué ici, du coup, avec cette histoire. Bloqué de chez bloqué. Tueur de flics, c’est encore plus chaud au tribunal que braqueur. C’est vingt ans de taule assurés. La crème de la crème en boîte. Tonio aurait été étonné que je le surpasse. Ouais, je l’ai crevé de mes mains, ce connard de Super-Keuf Immunisé qui faisait le fier dans sa parka pourrie. Il la ramenait à mort. Je l’ai crevé. Pourquoi tu te prends la tête avec ça? Kiffe un peu, merde. T’en rêvais y’a trois ans, ça te venge un peu. Comment la fourchette elle a percuté l’artère. C’était grave dégueulasse. Je l’ai fini à coups de pied, la fourchette a presque dépassé de l’autre côté. Pense pas à ça…
Il cherche aussi de quoi s'habiller, de quoi se chausser, de quoi se soigner, de quoi lire, tout ce dont un homme a besoin.
Il a du travail. Beaucoup de travail. Mais tout s'accomplit en son temps. C'est un homme couvert de temps. (p117)
Il n'y aura plus jamais de phares, plus jamais de cris, de moteurs s'opposant à la nuit. Le noir s'étale.