The Punisher Kingdom Gone

Il s'agit d'une histoire complète en 1 tome initialement parue en 1990.

2 agents du FBI demandent à une secrétaire de pouvoir parler à son patron. Celui-ci se suicide dans son bureau. Il avait trempé dans des détournements de fonds organisés par un beau gosse appelé Hamilton Greaves. Ce dernier se trouve à Atlanta et s'apprête à liquider sa société en effaçant toutes traces informatiques et papier de ses activités, et en se tirant avec le magot. Il fait défenestrer l'informaticien qui a tout effacé par son garde du corps pour s'assurer d'une parfaite confidentialité. À l'extérieur, le Punisher est en train de gravir la paroi de verre et d'acier car Hamilton Greaves est sur sa liste de cols blancs nuisibles. Greaves échappe de peu à la mort et trouve refuge sur une petite île doté d'un gouvernement qu'il met dans sa poche grâce à des investissements lourds. Microchip retrouve sa trace et Frank Castle est prêt à faire du tourisme. Mais les Marines débarquent sur l'île et déclare la quarantaine sous prétexte de mouvements cubains illicites sur ce territoire.

En 1990, Chuck Dixon ne s'est pas encore installé à la tête des séries du Punisher, mais ce personnage bénéficie déjà de 2 mensuels à son nom ("Punisher" + "Punisher war Journal"). À partir de 1992, Chuck Dixon deviendra le scénariste de "Punisher war journal" et "Punisher: War Zone", ce dernier avec un John Romita junior assez en forme. Pour cette histoire, il a droit à un format particulier : celui de la graphic novel (format plus grand que les comics habituels, et couverture rigide). L'histoire est illustré par Jorge Zaffino, un argentin (ensemble, ils ont également réalisé Winterworld).

À l'époque, Frank Castle est secondé par David Linus Lieberman (surnommé Microchip, ou Micro). Micro assure la partie logistique : il pêche les informations dans les systèmes informatiques, il réserve les billets d'avion, etc. Dans cette histoire, il a un rôle très secondaire.

Chuck Dixon adopte un ton très sec, quasi documentaire, avec un flux de pensées du Punisher restreint. Castle se remémore juste pourquoi il veut tuer Greaves, et quelles sont ses réactions par rapport au déroulement des actions, sous les balles (en quoi il a bien anticipé, ou en quoi il a été à coté de la plaque). Zaffino dessine un Punisher impressionnant dont les expressions deviennent bestiales en pleine action. Il ne fait aucun doute que Castle est à 100% dans ce qu'il fait, à 100% sur l'adrénaline. le lecteur retrouve bien un Punisher qui n'a rien d'une chochotte ou d'un intello : il est là pour tuer du criminel et pour le faire bien. Les rares dialogues entre Micro et lui font penser que cette association reste tendue, et sans affection particulière, juste un regroupement d'intérêt.

L'intrigue en elle-même est plutôt bien conçue, sauf peut-être l'intervention des Marines sur l'île pour risque de communistes cubains (en 1990, la menace ne semble plus si pressante). À part ce point difficile à avaler, le reste du scénario se lit tout seul. Greaves a un sourire ravageur, une décontraction totale, et un manque d'empathie total pour son prochain. Il se conduit comme un homme d'affaires avisé et sans scrupule, habitué à négocier à l'amiable et au chantage, et ne recourant à la violence qu'en dernier recours, mais sans aucun remord. La force de ce récit nait également du fait que Dixon prend le temps de montrer les conséquences des actions de Greaves sur les gens normaux. Lorsque Castle enrôle par la ruse 4 Marines, ces derniers disposent d'un minimum de personnalité. Lorsque Greaves achète par la contrainte une banque à son propriétaire, ce dernier ne se limite pas à un costard-cravate sans âme. Même le garde du corps de Greaves acquiert une individualité par la manière de se battre contre le Punisher.

Jorge Zaffino renforce de manière incroyable l'impact de cette histoire. Il dessine à coup de traits nerveux avec des surfaces noires brutes de décoffrage, sans lissage. Lorsque Castle effectue son saut en parachute, son image n'est composée que de gros traits noirs à la limite de l'abstraction qui s'agrègent pour rendre la force primale de cet individu hors norme. La ville en dessous de lui se compose de quelques tâches de couleurs figurant l'éclairage public, et cela suffit pour que le lecteur ait l'impression d'un réseau d'artères et de bâtiments avalés par la nuit. Sous l'aspect mal fini et mal dégrossi des illustrations, se cache une efficacité incroyable qui saisit l'essence des individus et des décors. Il rend crédible l'escalade d'une paroi d'un building, le pouvoir de séduction de Greaves avec son sourire, l'existence de cette petite république, la végétation de l'île, l'intervention d'un hélicoptère, etc.

D'un coté cette histoire n'appartient pas à la catégorie des indispensables du Punisher (pas de développement psychologique en particulier, un peu courte car seulement 60 pages). de l'autre, Dixon raconte une histoire du Punisher prenante et humaine, avec un dessinateur remarquable.