Combien d’écrivains étaient retournés à leur roman plutôt que se lancer à la poursuite de leur femme ? Les meilleurs sans aucun doute. Les extralucides. Les grands maîtres.
Lorsque l'on prend conscience que toute cette vie n'est qu'une farce, etc. L'accepter sans broncher n'est pas donné à tout le monde. Que voulez-vous, ce sont les plus lucides qui trinquent...
Lorsque j'y réfléchissais, je devais admettre que l'on ne connaissait rien de la douleur d'autrui, qu'il n'y avait pas d'étalon, que l'on pouvait être surpris, stupéfait, abasourdi par les dégâts que l'on occasionnait chez les autres...
Je les retrouvai dans la cuisine.... Ils étaient penchés tous les trois au dessus de mon navarin comme s'il s'agissait d'un berceau - en dehors du fait que celui-ci fumait. La scène me parut étrange.
Il tomba à genoux devant Judith comme un misérable aux pieds de la Sainte Mère. J'augurais de forts pénibles instants à venir si l'on s'engageait dans cette voie - il allait devoir apprendre que se jeter aux pieds d'une femme ne garantissait de rien. C'était une de ces terribles leçons de la vie, selon les mœurs occidentales.
J’attendis quelques minutes en feuilletant un magazine de littérature – ma remarque ayant trait à la ressemblance confondante entre le physique d’un écrivain et son écriture (les mêmes adjectifs leur collaient, exactement) se vérifiait tous les jours (Donnez-moi le portrait d’un écrivain et je vous dirai comment il écrit).
Je restai un moment pour admirer le spectacle, mais les cris me firent m’enfuir aussi sûrement que la tête de certains auteurs – il faut redire à quel point un écrivain ressemble physiquement à son style, combien c’est flagrant.
Perdre un lecteur est pire que de recevoir cent coups de fouet. Perdre un lecteur est une terrible sanction.
D'où venait parfois cette impression que la vie se moquait de vous ?
Chaque fois que j'écoutais Banshee Beat d'Animal Collective, je prenais conscience que l'homme n'était pas simplement destiné à répandre la souffrance et la laideur sur le monde. Il pleuvait, il tombait des cordes, mais cette musique frôlait le miracle. Il y avait un moment ou forcément l'on posait son verre et ou l'on commençait à danser - en remerciant Dieu de ne connaitre ni guerres ni famines, etc; - , à se déhancher, à laisser poindre un sourire de satisfaction.
Il devenait de plus en plus difficile de préserver de tels moments. Dans l'ensemble, selon moi, la vie était plutôt une affaire douloureuse. Je n'avais pas dansé tous les jours, si j'avais bonne mémoire. Aussi, puisqu'il en était ainsi, me laissai-je un moment porter par la musique - remuant comme une espèce de ver dans une prise électrique - tandis que la pluie ruisselait sur les baies. Il faisait déjà sombre. Comment ferions-nous, me disais-je, s'il n'y avait pas la musique ?