Citations sur Ueno Park (51)
Il suffirait de si peu pour que chacun ait sa place. Un peu d'amour, de compassion, d'empathie, de tolérance.
J'étais cette petite fille parfaite, qui sourit, qui ne dit rien, même quand le dedans a mal. Des contorsions, toujours. Ne jamais être un obstacle. Dire oui. Obéir. Faire ce qu'on attendait de moi. Ne pas être une difficulté. Mais pour chaque sourire, j'avais une larme. Pour chaque victoire, une défaite. J'étais cette petite fille parfaite, oui, mais prête à m'effondrer. J'ai consacré toute mon énergie à tenter de faire tenir debout mes morceaux et mes fracas.
A travers les arbres j'aperçois Kiyomizu Kannon-do. Le temple rouge qui abrite la déesse Kannon. On dit que ceux qui viennent à elle cherchent la compassion et le soutien. Je m'avance. Je n'ai pas prié depuis si longtemps, je ne sais pas si les dieux peuvent encore m'enttendre ou si j'ai cessé d'exister pour eux aussi.
Il faut du courage pour exister à l'envers des autres et porter ses différences, fièrement.
“À la sortie de la gare, Ueno Park n’est qu’à quelques minutes. Un cerisier immense accueille les visiteurs. Un éclatement de douceur contre le paysage de béton froid. Vu d’ici, Tokyo n’est plus cette capitale immense qui mâche les corps et les recrache. Cette ville qui m’a tant fait peur ces derniers mois semble retenir son souffle. Tout au long du trajet qui m’a menée ici, j’ai la sensation d’avoir marché sur la pointe des pieds, en effleurant à peine le sol. À chaque pas, mon coeur sur le point de lâcher.”
Ici, personne ne sait mon âge et j'ai pris soin de ne rien dire aux autres. Les nuits passées dehors, à même le sol, brouillent les pistes et nous transforment. Elles nous cassent, nous façonnent, nous préparent à prendre la forme qui nous permettra de tenter de survivre à la rue. Cette apparence, c'est ce qui aide à ne plus exister dans le regard des autres. Ils ne nous voient plus et nous laissent tranquilles. A Ueno Park, nous sommes cette population invisible , tapie dans de minuscules maisons de fortune en carton que le vent renverse.
Papa et maman n'ont jamais parlé à personne de ma disparition. Je n'existe plus dans leurs discussions avec les autres, de peur d'avoir à dire aux gens que leur fille est une hikikomori, un fantôme parmi les vivants. Je sais qu'ils ont honte de moi. (...) Parfois j'entends papa, de l'autre côté du mur, qui dit que je suis lâche et qu'il vaudrait peut-être mieux que je sois morte.
Grand-père avait raison : c'est tout l'arbre qu'il faut regarder. Chaque fleur est une réponse à l'autre. Un grand tout qui redessine le paysage et le transforme. Ce changement, c'est une force que l'on porte en nous. Cette histoire que la nature nous récite depuis des siècles est un rendez-vous pour ne pas que l'on oublie. Elle nous raconte, dans son langage végétal, que tout pourrait être différent. Que chaque instant est une opportunité à saisir. Un sourire à donner. Une porte à franchir. Un cœur à explorer. Une vérité à dire. Un avenir à vivre. Il s'agit juste de s'ouvrir. D'éclore. Accepter d'être, parmi ces milliers de fleurs semblables en tout, à la fois unique et singulière, libre. Et le reste, c'est cet arbre immense qui le porte. Le poids de nos espoirs comme de nos doutes, de nos rêves et de nos combats. Rien de tout cela n'est vain. Ce n'est ni un début, ni une fin. Chaque parole que l'on prononce est un recommencement. Et notre vie, un cadeau éphémère que cet univers a à saisir, pour peu qu'on la lui offre.
Ce qui guide nos pas n'est jamais tout à fait un hasard. Ces chemins que l'on prend, ces routes sur lesquelles la vie nous entraîne et qui ne mènent qu'à nous.
Il suffirait de si peu pour que chacun ait sa place. Un peu d'amour, de compassion, d'empathie, de tolérance.