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Citations sur Crime et Châtiment (621)

Un homme s’est accusé d’un meurtre qu’il n’avait pas commis. Et ce n’est rien de dire qu’il s’est déclaré coupable : il a raconté toute une histoire, une hallucination dont il avait été le jouet, et son récit était si vraisemblable, paraissait tellement d’accord avec les faits, qu’il défiait toute contradiction. Comment s’expliquer cela ? Sans qu’il y eût de sa faute, cet individu avait été, en partie, cause d’un assassinat. Quand il apprit qu’il avait, à son insu, facilité l’œuvre de l’assassin, il en fut si désolé que sa raison s’altéra, et il s’imagina être lui-même le meurtrier ! À la fin, le Sénat dirigeant examina l’affaire, et l’on découvrit que le malheureux était innocent. Tout de même, sans le Sénat dirigeant, c’en était fait de ce pauvre diable ! Voilà ce qui vous pend au nez, batuchka ! On peut aussi devenir monomane quand on va la nuit tirer des cordons de sonnette et faire des questions au sujet du sang ! Voyez-vous, dans l’exercice de ma profession, j’ai eu l’occasion d’étudier toute cette psychologie. C’est un attrait du même genre qui pousse parfois un homme à se jeter par la fenêtre ou du haut d’un clocher… Vous êtes malade, Rodion Romanovitch ! Vous avez eu tort de trop négliger, au début, votre maladie. Vous auriez dû consulter un médecin expérimenté, au lieu de vous faire traiter par ce gros Zosimoff !… Tout cela est, chez vous, l’effet du délire !…
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Si, au contraire, je laisse parfaitement tranquille le coupable présumé, si je ne le fais pas arrêter, si je ne l’inquiète pas, mais qu’à toute heure, à toute minute, il soit obsédé par la pensée que je sais tout, que je ne le perds de vue ni le jour ni la nuit, qu’il est de ma part l’objet d’une surveillance infatigable, — qu’arrivera-t-il dans ces conditions ? Infailliblement il sera pris de vertige, il viendra lui-même chez moi, il me fournira quantité d’armes contre lui et me mettra en mesure de donner aux conclusions de mon enquête un caractère d’évidence mathématique, ce qui ne manque pas de charme.

Si ce procédé peut réussir avec un moujik inculte, il n’est pas non plus sans efficacité quand il s’agit d’un homme éclairé, intelligent, distingué même à certains égards ! Car l’important, mon cher ami, c’est de deviner dans quel sens un homme est développé. Celui-ci est intelligent, je suppose, mais il a des nerfs, des nerfs qui sont excités, malades !... Et la bile, la bile que vous oubliez, quel rôle elle joue chez tous ces gens-là ! Je vous le répète, il y a là une vraie mine de renseignements ! Et que m’importe qu’il se promène en liberté dans la ville ? Je puis bien le laisser jouir de son reste, je sais qu’il est ma proie et qu’il ne m’échappera pas ! En effet, où irait-il ? À l’étranger, allez-vous dire ? Un Polonais se sauvera à l’étranger, mais pas lui, d’autant plus que je le surveille et que mes mesures sont prises en conséquence. Se retirera-t-il dans l’intérieur du pays ? Mais là habitent des moujiks grossiers, des Russes primitifs, dépourvus de civilisation ; cet homme éclairé aimera mieux aller en prison que de vivre dans un pareil milieu, hé ! hé !

D’ailleurs, tout cela ne signifie rien encore, c’est l’accessoire, le côté extérieur de la question. Il ne s’enfuira pas, non-seulement parce qu’il ne saurait où aller, mais encore, et surtout, parce que, psychologiquement, il m’appartient, hé ! hé ! Comment trouvez-vous cette expression ? En vertu d’une loi naturelle, il ne fuira pas, lors même qu’il pourrait le faire. Avez-vous vu le papillon devant la chandelle ? Eh bien, il tournera sans cesse autour de moi comme cet insecte autour de la flamme ; la liberté n’aura plus de douceur pour lui ; il deviendra de plus en plus inquiet, de plus en plus ahuri ; que je lui en laisse le temps, et il se livrera à des agissements tels que sa culpabilité en ressortira claire comme deux et deux font quatre !… Et toujours, toujours il tournera autour de moi, décrivant des cercles de plus en plus resserrés, jusqu’à ce qu’enfin, paf ! Il volera dans ma bouche et je l’avalerai ; c’est fort agréable, hé ! hé ! Vous ne croyez pas ?
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Tous les législateurs, les fondateurs de l’humanité, à commencer par les plus anciens, et en continuant par les Lycurgue, les Solon, les Mahomet, les Napoléon, etc., que, tous, du premier au dernier, ils étaient criminels, par le seul fait, déjà, qu’en donnant une nouvelle loi, ils enfreignaient l’ancienne que la société considérait comme sacrée, et qui leur venait de leurs pères, et que, bien sûr, ils ne reculaient pas devant le sang (un sang parfois tout à fait innocent et que leurs adversaires versaient avec courage pour conserver la loi ancienne), si seulement le sang pouvait les aider. Ce qui est remarquable, même, c'est que la plus grande partie de ces bienfaiteurs et de ces fondateurs de l'humanité a toute versé des torrents de sang incroyables. Bref, je conclus que tous, je ne dis pas seulement les grands hommes, mais tous les hommes qui sortent un tant soit peu de l'ornière, c'est-à-dire tous ceux qui sont capables de dire ne serait-ce qu'une seule petite parole nouvelle, doivent, par nature, obligatoirement, être des criminels.
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La vérité, elle vient à force de mentir ! je mens donc je suis un homme, ou une femme. Jamais on n’a trouvé aucune vérité avant d’avoir menti quatorze fois et, peut-être même cent quatorze et, ça c’est honorable dans son genre. Le problème c'est que nous ne savons même pas mentir avec notre propre cervelle! Alors mon amour, mens comme tu veux mais mens à ta façon et moi je t’embrasse. Un mensonge bien à soi, c’est déjà presque mieux qu’une vérité entièrement à une autre. Qu’est-ce qu’on est, nous, en ce moment ? Nous tous, sans exception, pour ce qui est de la science, du développement, de l'art, de la pensée, des inventions, des idéaux, des désirs et du libéralisme et de tout et de tout et de tout et de tout ?
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Assez ! prononça-t-il d'un ton résolu et solennel, ça suffit, les mirages, les peurs qu'on se fait à soi-même, ça suffit, les fantômes !... La vie existe ! Est-ce que je ne viens pas de vivre ? Ma vie, elle n'est pas morte avec la sale vieille ! Que le bon Dieu ait son âme et - ça va comme ça, la vieille, dormez en paix ! Le règne de la raison et de la lumière, maintenant, et… de la volonté, et de la force… et, on verra bien, maintenant ! Maintenant, on peut se mesurer ! ajouta-t-il d'un ton hautain, comme s'il s'adressait à une espèce de force obscure et qu'il la défiait. Et moi qui acceptais de vivre dans un archine d'espace !
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Les locataires, les uns après les autres se pressèrent à nouveau vers les portes avec cette étrange sensation de contentement qu'on note toujours, même chez les gens les plus proches, quand un malheur soudain survient à leurs intimes, une sensation qui n'épargne personne, sans exception, malgré les sentiments les plus sincères de regret et de compassion.
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Si, par exemple, on me disait jusqu’à présent : ‘‘aime ton prochain’’ et que moi je l’aimais, qu’est-ce que cela donnait ? […] cela donnait que je déchirais mon manteau en deux, je partageais avec mon prochain, et nous restions tous les deux à courir à moitié nus, comme le dit le proverbe russe : ‘‘à courir deux lièvres à la fois, on n’en attrape aucun.’’ La science, elle, nous dit : aime-toi d’abord toi-même, avant les autres, car tout au monde est basé sur l’intérêt individuel. Si tu t’aimes toi-même, tu arrangeras tes affaires comme il faut, et ton manteau restera intact. Quant à la vérité économique, elle ajoute que plus la société compte d’affaires individuelles bien arrangées et, pour ainsi dire, de manteaux intacts, plus ses bases sont solides et mieux s’établiront les affaires communes. Ainsi donc, en acquérant uniquement et exclusivement pour soi, par là même, j’acquiers, pour ainsi dire, pour tout le monde, et je fais en sorte que mon prochain reçoive un peu plus qu’un manteau déchiré et, cela, non plus par la charité d’un particulier, d’un individu, mais par suite au succès général.
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Soudain, il entendit des pas dans la chambre de la vieille. Il s'arrêta et se figea, comme un cadavre. Mais il n'y avait pas de bruit, c'était, sans doute, une hallucination. Soudain, on entendit clairement un cri léger, ou c'était comme si quelqu'un avait, sans bruit, d'un coup, poussé un gémissement et s'était tu. Et, de nouveau, un silence de mort, une minute ou deux. Il restait accroupi devant la malle et attendait, osant à peine respirer, mais, soudain, il bondit, saisit la hache et se précipita hors de la chambre.

Au milieu de l'autre pièce, il découvrit Lizavéta, un grand sac à la main; elle regardait, pétrifiée, sa s?ur assassinée, elle était blanche comme un linge et comme incapable de crier. En le voyant se précipiter, elle se mit à trembler comme une feuille, de tout petits frissons, et des convulsions lui secouèrent tout le visage; elle leva légèrement le bras, voulut ouvrir la bouche, mais, malgré tout, ne poussa aucun cri et, lentement, toujours de face vers lui, se mit à reculer devant lui vers un angle, en le regardant fixement, de tous ses yeux, mais toujours sans crier, comme si elle manquait d'air dans les poumons pour être capable de crier. Il se précipita sur elle avec sa hache; elle, ses lèvres firent une moue si pitoyable, comme les tout petits enfants quand ils commencent à avoir peur de quelque chose, qu'ils fixent des yeux l'objet qui leur fait peur et qu'ils veulent crier. Et, cette malheureuse Lizavéta, elle était tellement simple, tellement écrasée, à tout jamais terrorisée, qu'elle ne leva même pas la main pour se protéger le visage, même si c'était là, à cet instant, le geste le plus naturel et le plus indispensable, parce que la hache était levée tout droit devant son visage. Elle souleva tout juste, mais à peine, à peine, le bras gauche, beaucoup trop peu pour se protéger le visage, et, lentement, elle le tendit vers lui, en avant, comme pour l'écarter, lui. Le coup lui arriva directement sur le crâne, avec le tranchant de la lame, et lui fendit tout de suite la partie supérieure du front, presque jusqu'au sommet. Elle s'effondra net. Raskolnikov s'affola complètement, saisit son sac, le jeta à nouveau et courut dans l'entrée.
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Il ne fallait plus perdre un seul instant. Il sortit complètement la hache, la brandit à deux mains, en n'ayant presque pas conscience de lui-même, et, presque sans effort, presque machinalement, il laissa retomber le marteau de la hache sur le crâne. C'était comme s'il n'y mettait aucune force. Mais à peine avait-il baissé la hache que les forces naquirent au fond de lui.

La vieille, comme toujours, était tête nue. Ses cheveux rares, clairs et grisonnants, grassement enduits à l'huile, comme à son habitude, étaient tressés en une petite natte en queue de rat, et tenus par un débris de peigne en corne qui se dressait sur sa nuque. Le coup tomba juste sur le haut du crâne, ce qui était dû aussi à sa petite taille. Elle poussa un cri, mais très faible, et, soudain, s'affaissa sur le sol, même si elle eut encore le temps de lever les deux bras vers la tête. Dans une main, elle continuait de tenir son «gage». Alors, Raskolnikov frappa une deuxième fois, de toutes ses forces, toujours avec le marteau de la hache, et toujours sur le haut du crâne. Le sang jaillit, comme d'un verre renversé, et le corps tomba net. Raskolnikov fit un pas en arrière et se pencha tout de suite vers son visage: elle était déjà morte. Ses yeux étaient écarquillés, comme s'ils voulaient sauter à l'extérieur, tandis que le front et tout le visage étaient ridés et déformés par une convulsion.
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Mais le cœur ne cessait pas. Au contraire, comme par un fait exprès, il battait fort, plus fort, toujours plus fort… Il ne supporta plus, tendit lentement la main vers la clochette et il sonna. Trente secondes plus tard, il sonna à nouveau, plus fermement. Pas de réponse. Sonner pour rien ne servait pas à grand-chose, et puis, ce n’était pas naturel. La vieille, évidemment, était chez elle, mais elle était méfiante et seule. Il connaissait un peu ses habitudes… Il colla encore une fois son oreille sur la porte. Ses sensations étaient-elles si fines (ce qui, en général, était dur à imaginer), ou bien, réellement, entendait-on si bien, soudain, il distingua comme le froissement prudent d’une main devant la serrure, et comme le froufrou d’une robe juste derrière la porte. Quelqu’un, sans vouloir être remarqué, se tenait juste derrière la serrure, et, exactement comme lui, ici, à l’extérieur, ce quelqu’un écoutait, caché à l’intérieur, et, semblait-il, lui aussi, avait l’oreille collée à la porte…
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