Citations sur Si ce livre pouvait me rapprocher de toi (76)
Toute ma vie j'avais eu le sentiment d'être attaché à un anneau initial, un pieu fondateur. Je m'étais senti libre d'aller et venir entre les deux bouts de la corde, libre de gesticuler dans ce périmètre borné que connaissent si bien les chiens de ferme. Au delà, la pression du collier me rappelait à l'ordre. Ma liberté, je l'avais toujours mesurée à la longueur de la chaîne. Les plus roublards, eux, faisaient mine d'ignorer les limites de ce lien, se contentant de virevolter dans l'intervalle.
Je ne souhaitais nullement être distingué d'une quelconque façon de mes semblables. Je désirais simplement vivre parmi eux, les côtoyer discrètement, et peut-être, un jour, les aimer en paix.
Telle fut ma dernière visite dans ce monastère marin à l'usage d'un homme seuls, cerné par ses orages intimes et scrutant indéfiniment le ciel pour mieux le maudire. Longtemps j'entendrai le gargouillement des bruits nocturnes dans les eaux des marais. Longtemps résonnera en moi le son caverneux de la voix de cet homme brisé par le malheur. Longtemps je verrai des lunette cerclées oubliées sur le coin d'une table de nuit.
J'avais quitté la France de la même manière que mon chien rentrait de ses fugues, discrètement, en glissant sur mes coussinets.
Sans m'en rendre compte, croyant me précipiter dans le vide, je m'apprêtais, en fait, à galoper comme une enfant vers les bras de son père.
Mon cœur s'insurgea, se rebella et, à la façon d'un plongeur asphyxié par une trop longue apnée, jaillit vers la surface pour émerger au monde. Pour surtout vitupérer ce noyé qui du fond de sa vase s’octroyait le droit de me juger alors qu'il ne m'avait léguer qu'une paire de bourses vides. Bien sûr que je serais toujours son fils. Je ne serais même que cela. Avais-je d'autre choix avec la piètre panoplie génétique dont j'avais hérité ?
Comme les alliages de métaux qui reprennent leur forme après un choc, la vie possède elle aussi cette mémoire de carrossage qui lui permet, en peu de temps, de débosseler les impacts les plus violents, d'éliminer les traces du chaos pour imposer son ordre immémorial, ses normes et le lissé de ses formes.C'est pour cela que nous survivons à la disparition de ceus que nous aimons. Parce que l'existence est un tôlier d'exception, et non, comme nous avons trop tendance à le croire, en raison de notre courage.
Le bonheur, c'est d'être auprès de quelqu'un à qui l'on tient, dans un endroit où l'on est bien, dont on n'a pas envie de partir. Trouver sa place sur cette terre et y rester en vie. Être présent, simplement. Offrir du réconfort et savoir que l'on peut en espérer. Aimer l'autre pour sa chaleur, son corps, son odeur. Et, bon Dieu, ne pas voir le jour se lever en se disant qu'on voudrait être ailleurs.
Da Rochas était l'un de ces êtres dont le hasard m'avait fait, un temps, partager l'existence, et qui, par le seul souvenir, m'avaient accompagné toute une vie.
Le bonheur c'est d'être auprès de quelqu'un à qui l'on tient, dans un endroit où l'on est bien, dont on n'a pas envie de partir. Trouver sa place sur cette terre et y rester en vie, être présent simplement. Offrir du réconfort et savoir que l'on peut en espérer. Aimer l'autre pour sa chaleur, son corps , son odeur. Et non dieu, ne pas voir le jour se lever en se disant qu'on voudrait être ailleurs.