Si vite, tu es devenu mon meilleur ami. Mon meilleur pote, à la vie à la mort. Indécent de dire ça. Pendant trois ans, tu m’apprends mille trucs. T’es Robinson, Mac Gyver, Dora l’exploratrice combinés. Tu me montres comment rafistoler un grille-pain, allumer un feu, faire des nœuds marins. Tu m’apprends même à conduire. Trois ans de confidences, de joie, de gueule de bois. Trois de joie, c’est ça.
"L'homme me scrute dans l'attente d'une réponse. Il me répète alors l'an prochain ? Je baisse la nuque et je dis sans réfléchir. Rester vivant, monsieur. Rester vivant. "
Sur le macadam, il y a ton prénom partout. Huit grosses lettres décorées de cœurs, de paillette, de larmes mal dessinées. Cela m’écœure. Je ferme les yeux pour ne pas voir ton image.
Je baisse la nuque et je dis sans réfléchir. Rester vivant, monsieur. Rester vivant.
Maxence
Timothée, tu meurs sur un pont comme d’autres s’endorment au fond d’un lit. Tu meurs debout puis recroquevillé comme un enfant pâle. Tu meurs de bon matin, après la douche, après le petit-déj, avec beaucoup d’entrain parce que tu sais que l’on passera une belle journée. Tu meurs dans un faux bond dont j’ai la spécialité. Une promesse manquée. Paresse du matin. Tu meurs de mauvaise humeur parce que ce jour-là, j’ai été minable.
Maxence
"tu l'ignores, mais les voyages scolaires, c'est l'angoisse. Dans le bus, les gens dégueulent et on reste coincés dans l'odeur du vomi pendant des heures. On s'ennuie. On fricote avec n'importe qui et on le regrette après." (p39)
" Parmi les rejetés de la nuit, parmi les dangereux, la vie azimuthée, les regards de détresse, tu ne bouges pas d'un cil. "
(Emile)
"Toujours les mêmes soirées, les mêmes gueules enfarinées, les mêmes blagues avant d'avaler cul sec sur des punchlines de PNL."
Qu'est-ce que tu veux foutre à Londres ? Il fait gris tout le temps, le métro coûte un bras et les filles là bas ressemblent à des jambons en minijupe. Tu es sûr de toi ?
[...] J'essaie de te dissuader, Timothée, tu l'ignores mais les voyages scolaires, c'est l'angoisse. Dans le bus, les gens dégueulent et on reste coincés dans l'odeur du vomi durant des heures. On s'ennuie. On fricote avec n'importe qui et on le regrette après. On mange mal aussi. On nous fait poser devant des monuments en groupe avec un prof d'histoire assommant qui joue les guides touristiques. Tu es sûr que tu ne préfères pas un petit week-end à la cool à Biarritz ? Le pire c'est que tu parles anglais comme une vache espagnole d'origine marocaine. C'est gênant à l'oreille. Tu as du mal à prononcer les the, on dirait que tu grésilles comme un moustique en fin de vie. Peut-être qu'à la sélection, tu feras au moins rire le jury.
Il me répète, Alors l'an prochain ? Je baisse la nuque et je dis sans réfléchir. Rester vivant, monsieur. Rester vivant