C'est un roman graphique plutôt singulier, aux lignes pures et divisé en deux parties qui s'alternent: l'une, bleue comme la mer et la tristesse, est autobiographique et parle d'un deuil amoureux. L'autre retrace, en marron, les origines du surf. le lien entre les deux récits peut sembler trivial au premier abord, mais l'auteur nous informe tout de suite de la passion qu'éprouvait Kristen pour ce sport, qu'elle a continué à pratiquer jusqu'à ce qu'elle soit trop faible, acceptant alors de ne plus que suivre les exploits de ses amis jusqu'à sa mort.
La rencontre de
Aj Dungo et de Kristen, alors adolescents, s'est inscrit dans la maladie qui l'a touchée très tôt, l'amputant d'une jambe alors qu'elle n'avait pas vingt ans. C'est tout le parcours, douloureux, les éprouvantes montagnes russes des rémissions et des rechutes que le narrateur met en dessin ici, jusqu'au deuil qu'il symbolise magnifiquement:
" le vide est constant. Mais le chagrin n'a pas de forme propre. Il va et il vient. Il demeure imprévisible. Il naît d'une tempête au loin, au plus profond de l'océan, à l'abri des regards, en faisant gronder les flots.
Il surgit, canalisé, concentré, se forme, se précipite, chargeant de toute sa force avant d'atteindre le point de rupture.
Il croît jusqu'à ne plus pouvoir tenir sa forme. Il devient instable et s'effondre.
Il finit par se répandre en une surface uniforme et calme.
Et puis l'eau se retire, avant que la vague ne se reforme à nouveau."
Le récit de ce combat contre le cancer puis du deuil est bien sûr très émouvant, mais le parallèle des deux récits est intéressant également. al Djungo rend ainsi doublement hommage à Kristen, en l'évoquant elle, et sa passion. Je n'ai pas eu le coup de coeur comme nombre de lecteurs, mais ça restera une lecture marquante, peut-être même plus que je ne le pense, d'ailleurs.