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Citations sur La Vie matérielle : Marguerite Duras parle à Jérôme Beaujour (59)

Je crois que l'amour va toujours de pair avec l'amour, on ne peut pas aimer tout seul de son côté, je n'y crois pas à ça, je ne crois pas aux amours désespérées qu'on vit solitairement. Il m'aimait tellement que je devais l'en aimer, il me désirait tellement que je devais l'en désirer. Ce n'est pas possible d'aimer quelqu'un à qui vous ne plaisez pas du tout, que vous ennuyez, totalement, je ne crois pas à ça.
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Je ne peux pas penser à mon enfance sans penser à l'eau. Mon pays natal c'est une patrie d'eaux. Celle des lacs, des torrents qui descendaient de la montagne, celle des rizières, celle terreuse des rivières de la plaine dans lesquelles on s'abritait pendant les orages. La pluie faisait mal tellement elle était drue.
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A Neauphle, souvent, je faisais de la cuisine au début de l’après-midi. Ça se produisait quand les gens n’étaient pas là, qu’ils étaient au travail, ou en promenade dans les Étangs de Hollande, ou qu’ils dormaient dans les chambres. Alors j’avais à moi tout le rez-de-chaussée de la maison et le parc. C’était à ces moments-là de ma vie que je voyais que je les aimais et que je voulais leur bien. Le sorte de silence qui suivait leur départ je l’ai en mémoire.

Rentrer dans ce silence c’était comme entrer dans la mer. C’était à la fois un bonheur et un état très précis d’abandon à une pensée en devenir, c’était une façon de penser ou de non-penser peut-être, – ce n’est pas loin – et déjà, d’écrire.
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C’était un jour d’été, il y a quelques années, dans un village de l’Est de la France, trois ans peut-être, ou quatre ans, l’après-midi. Un employé des Eaux est venu couper l’eau chez des gens qui étaient un peu à part, un peu différents des autres, disons, arriérés. Ils habitaient une gare désaffectée – le T.G.V. passait dans la région - que la commune leur avait laissé. L’homme faisait des petits travaux chez les gens du village. Et ils devaient avoir des secours de la mairie. Ils avaient deux enfants, de quatre ans et d’un an et demi.
Devant leur maison, très près, passait cette ligne du T.G.V. C’étaient des gens qui ne pouvaient pas payer leur note de gaz ni d’électricité, ni d’eau. Ils vivaient dans une grande pauvreté. Et un jour, un homme est venu pour couper l’eau dans la gare qu’ils habitaient. Il a vu la femme, silencieuse. Le mari n’était pas là. La femme un peu arriérée avec un enfant de quatre ans et un petit enfant d’un an et demi. L’employé était un homme apparemment comme tous les hommes.
Il a vu que c’était le plein été. Il savait que c’était un été très chaud puisqu’il le vivait. Il a vu l’enfant d’un an et demi. On lui avait ordonné de couper l’eau, il l’a fait.
L’employé a parlé. Il a dit qu’il était venu couper l’eau. Il n’a pas dit qu’il avait vu l’enfant, que l’enfant était là avec sa mère. Il a dit qu’elle ne s’était pas défendue, qu’elle ne lui avait pas demandé de laisser l’eau. C’est ça qu’on sait.
Elle n’a pas dit à l’employé des Eaux qu’il y avait les deux enfants, puisqu’il les voyait, les deux enfants, ni que l’été était chaud, puisqu’il y était, dans l’été chaud.
Elle a laissé partir le Coupeur d’eau. Elle est restée seule avec les enfants, un moment, et puis elle est allée au village. Elle est allée dans un bistrot qu’elle connaissait. Dans ce bistrot, on ne sait pas ce qu’elle a dit à la patronne. Je ne sais pas ce qu’elle a dit. Je ne sais pas si la patronne a parlé.
Donc, cette femme dont on croyait qu’elle ne parlerait pas parce qu’elle ne parlait jamais, elle a dû parler. Elle n’a pas dû parler de sa décision. Non. Elle a dû dire une chose en remplacement de ça, de sa décision et qui, pour elle, en était l’équivalent et qui en resterait l’équivalent pour tous les gens qui apprendraient l’histoire. Peut-être est-ce une phrase sur la chaleur.
J’ajoute à l’histoire du Coupeur d’eau, que cette femme, - qu’on disait arriérée - savait quand même quelque chose de façon définitive : c’est qu’elle ne pourrait jamais plus, de même qu’elle n’avait jamais pu compter sur quelqu’un pour la sortir de là où elle était avec sa famille. Qu’elle était abandonnée par tous, par toute la société et qu’il ne lui restait qu’une chose à faire, c’était de mourir. Elle le savait. C’est une connaissance terrible, très grave, très profonde qu’elle avait.
Ils sont allés tous les quatre se coucher sur les rails du T.G.V. devant la gare, chacun un enfant dans les bras, et ils ont attendu le train. Le coupeur d’eau n’a eu aucun ennui.
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Donc voyez, j'écris pour rien. J'écris comme il faut écrire il me semble. J'écris pour rien. Je n'écris même pas pour les femmes. J'écris sur les femmes pour écrire sur moi, sur moi seule à travers les siècles.
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il faut beaucoup aimer les Hommes. Beaucoup, beaucoup. Beaucoup les aimer pour les aimer. Sans cela, ce n'est pas possible, on ne peut pas les supporter.
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La voix c’est plus que la présence du corps. C’est autant que le visage, que le regard, que le sourire. Une vraie lettre c’est bouleversant parce qu’elle est parlée, écrite avec la voix parlée.
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Je n'ai jamais été là où j'aurais été à l'aise, j'ai toujours été à la traîne, à la recherche d'un lieu, d'un emploi du temps, je ne me suis jamais trouvée là où je voulais être.
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Je crois que l'amour va toujours de pair avec l'amour, on ne peut pas aimer tout seul de son côté, je n'y crois pas à ça, je ne crois pas aux amours désespérées qu'on vit solitairement. Il m'aimait tellement que je devais l'en aimer, il me désirait tellement que je devais l'en désirer. Ce n'est pas possible d'aimer quelqu'un à qui vous ne plaisez pas du tout, que vous ennuyez, totalement, je ne crois pas à ça.
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On a toujours plus d'irréalité que l'autre.
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